La Cour de Justice de l’Union Européenne a rendu le 22 décembre 2022 un arrêt qui est susceptible de modifier l’activité des places de marché virtuelles et notamment celle d’Amazon.

Monsieur LOUBOUTIN, titulaire d’une marque européenne constituée par la couleur des semelles de chaussures à talons hauts pour femme, a engagé une action contre les sociétés du groupe Amazon après avoir constaté que des produits utilisant sa marque sans son accord étaient proposés à la vente sur le site internet Amazon.

L’usage non autorisé d’une marque est une contrefaçon prohibée par l’article 9 du règlement 2017/1001, intitulé « Droit conféré par la marque de l’Union européenne ».

La difficulté dans cette affaire est que les produits contrefaits n’étaient pas vendus directement par Amazon mais par des vendeurs indépendants qui utilisent le service d’hébergement d’annonces en ligne intégré au site Amazon.

Les sociétés Amazon ont invoqué les dispositions de la directive l’article 14 de la directive 2000/31/CE qui limitent grandement la responsabilité des hébergeurs.

Les hébergeurs exploitent des services qui stockent pour leur prestataire des informations et des données disponibles en ligne.

Les deux juridictions nationales saisies du litige en Belgique et au Luxembourg ont demandé à la Cour de Justice, selon la procédure de la question préjudicielle permettant d’obtenir une réponse avant de rendre leur décision, d’interpréter le droit européen pour savoir si l’activité imputée à Amazon pouvait être qualifiée d’usage d’une marque au sens de l’article 9 du règlement précité.

La Cour de Justice a eu l’occasion de juger que les « places de marché en ligne » étaient des hébergeurs dont la responsabilité ne pouvait être engagée en raison des actes de contrefaçon réalisés par les vendeurs utilisant leurs services (par exemple arrêt du 2 avril 2020, Coty Germany, C-567/18)

L’hébergement n’est pas suffisant, selon la Cour, pour constituer l’usage d’une marque qui caractérise la contrefaçon.

La décision va cependant être différente dans le cas du site Amazon car il n’est pas seulement une place de marché mais également un site marchand sur lequel l’exploitant du site est également vendeur.

Pour la Cour, l’usage du signe contrefait peut être imputé à l’hébergeur si le consommateur moyen peut se méprendre sur l’origine de l’offre et croire qu’elle émane de l’exploitant du site et non d’un prestataire extérieur.

La Cour considère, après avoir rappelé que l’usage d’une marque contrefaite à des fins de publicité est prohibée, que l’offre fait alors partie de la communication commerciale de l’exploitant du site.

Pour apprécier si le risque de confusion dans l’esprit du public existe, la cour invite à prendre en considération l'ensemble des circonstances de l’espèce et notamment deux points importants :

  • La présentation des offres qui doit permettre au consommateur moyen de faire facilement la différence entre les produits vendus directement par l’hébergeur de ceux vendus par des vendeurs tiers.

La Cour insiste sur la présentation uniforme des offres sur le site Amazon.

  • Les services annexes offert par le site exploitant la place de marché tels que la réponse aux questions des acheteurs, le stockage des marchandises dans ses entrepôts, l’expédition des produits vendus ou des marchandise, de la gestion des retour.

Si vous constatez une modification de la présentation de votre site marchand préféré dans les prochaines semaines, vous pourrez y voir l’effet d’un coup de stiletto à semelle rouge.