En principe, la « suspension » d’un agent public doit être accompagnée du maintien de son traitement ou d’un demi-traitement (voir sur ce point l’article : La suspension dans la fonction publique métropolitaine). Néanmoins, dans certaines hypothèses, une suspension ou une décision équivalente, peut être prise sans traitement pour l’agent. Deux situations doivent être ici isolées.

Il est nécessaire, au préalable, de préciser qu’il n’est ici question que la suspension « conservatoire » qui est prise dans l’attente d’une traduction de l’agent devant le conseil de discipline. En effet, pour certains agents relevant de fonctions publiques particulières, le terme de « suspension » est utilisé pour de véritables sanctions, ce qu’il ne fait pas confondre avec la suspension « conservatoire » prévue par l’article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 devenu l’article L. 531-1 du code général de la fonction publique.

C’est la suspension « conservatoire » qui est traitée ici.

Deux cas doivent être distingués :

 

1. Les agents contractuels

 

Les agents contractuels, à la différence des agents titulaires (fonctionnaires) ne bénéficient pas des mêmes garanties en termes de traitement.

En effet, le droit de conserver son traitement ou son demi-traitement en cas de suspension est une garantie pour les fonctionnaires (auparavant prévue par l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983 et désormais par les articles L. 531-1 et suivants du code général de la fonction publique) car, en principe, sans service fait, il n’y a pas de possibilité de percevoir son traitement.

Or, cette garantie est réservée en cas de suspension aux « fonctionnaires » autrement dit aux agents titulaires (article L. 7 du code général de la commande publique).

Aussi, les agents contractuels peuvent, à la différence des fonctionnaires, être suspendus sans traitement (ex : CAA Bordeaux, 10 mars 2020, n° 18BX01028).

 

2. L’interdiction d’exercer dans le cadre d’un contrôle judiciaire

 

Il arrive également aux fonctionnaires qui font l’objet de poursuites pénales, que le contrôle judiciaire qui leur est imposé leur interdise d’exercer un certain type de fonctions ou toutes fonctions.

Dans une telle hypothèse, l’administration n’est pas tenue de « suspendre » à proprement parler l’agent (ex : CE. SSJS. 26 février 2005, M. Joël X, n° 226451 ; CAA Marseille, 13 janvier 2014, n° 13MA03870). En effet, elle peut se borner à constater qu’il lui est interdit d’exercer et retenir son traitement dans sa totalité en l’absence de service fait.

De même, si l’administration a suspendu l’agent au préalable, elle peut mettre fin à sa suspension et cesser de lui verser son traitement (CE. SSR. 10 octobre 2011, Ministre de l’intérieur, n° 333707).

Autrement dit, le fonctionnaire qui fait face à une interdiction d’exercer dans le cadre de son contrôle judiciaire peut être laissé sans traitement et sans être officiellement suspendu jusqu’à ce que le contrôle judiciaire cesse.

Néanmoins, il y a une limite à ce principe. En effet, sauf à ce que l’exercice de toute profession soit interdit à l’agent, il peut demander à être affecté sur un emploi compatible avec l’interdiction prononcée par le juge d’instruction.

Par exemple, si l’agent n’a d’interdiction d’exercer que certaines fonctions, il peut demander à être affecté sur d’autres fonctions ou, s’il lui est interdit d’exercer dans une administration particulière, à être affecté dans une autre administration.

En effet, l’administration a alors l’obligation de l’affecter, même dans une autre administration, sur un poste correspondant à son grade (CE. SSJS. 27 novembre 2015, n° 390793). Dès lors, sauf à ce qu’il soit impossible d’affecter l’agent sur un autre poste correspondant à son grade, il ne peut être maintenu sans traitement très longtemps.

En dehors de ces deux hypothèses, une suspension sans traitement est en principe impossible. Pour en savoir plus sur ces suspensions classiques : https://www.bruno-roze-avocat.com/pages/domaines-d-activite/avocat-fonction-publique.html