Les ajournements aux examens sont fréquents à l’université, que ce soit en licence ou en master. Si la plupart d’entre eux sont justifiés, il n’en demeure pas moins que certains ne le sont pas et que d’autres peuvent susciter des questions légitimes de la part des étudiants ajournés. Aussi, pour mieux comprendre cette situation difficile qu’est l’ajournement, il est nécessaire d’indiquer quels recours sont possibles et ce qui peut ou non être contesté.
I. Les recours possibles
En matière de recours, les ajournements aux examens sont des décisions administratives qui, comme la plupart des décisions prises par les administrations, peuvent être contestées.
Il sera ici question des ajournements prononcés par les universités et plus généralement par les établissements de l’enseignements supérieur public (université et grandes écoles). En effet, les règles en matière d’enseignement privé sont différentes de celles prévalant en droit public.
Formellement, le recours contre un ajournement est dirigé contre la délibération du jury « en tant » qu’elle ajourne l’étudiant à ses examens.
Du point de vue juridique, ce n’est donc pas le relevé de notes mais la délibération du jury de l’université ou de l’école qui est contestée.
- Le délai de recours
Le délai de recours contre l’ajournement de l’étudiant (la délibération du jury de l’université ou de l’école) est le délai classique de 2 mois.
Ce délai court en principe à compter de la publication de la délibération du jury. Néanmoins, au vu de la jurisprudence il semble être parfois considéré que ce délai de recours peut commencer à courir à compter de la transmission du relevé de notes à l’étudiant.
Dans ces conditions, il faut considérer, par sécurité, que le délai de recours commence à courir à compter de la publication de la délibération du jury (dont l’étudiant est, en pratique, rarement informé) et à compter de la transmission de son relevé de notes.
En pratique, cela signifie qu’à compter du moment où l’étudiant a connaissance de son ajournement aux examens, il ne doit pas tarder à saisir un avocat spécialisé en droit de l’éducation pour apprécier l’opportunité d’un recours.
Il existe deux types de recours :
- Le recours gracieux
Un recours gracieux auprès du président/présidente de l’université ou du directeur/directrice de l’école est théoriquement possible par courrier recommandé avec accusé de réception (un courrier simple n’est pas suffisant car il n’a pas de date certaine).
En effet, l’article L. 411-2 du code des relations entre le public et l’administration donne la possibilité de former un tel recours gracieux.
Cependant, les chances de succès de ce recours sont quasiment (voire totalement) inexistantes.
Plus précisément, le président/présidente d’une université ou du directeur/directrice d’une école n’a aucun pouvoir pour revenir sur les décisions prises par les jurys.
Dès lors, il faudrait, s’il estimait le recours gracieux fondé, qu’il convoque un nouveau jury pour délibérer à nouveau sur les examens et de l’étudiant et son éventuel ajournement.
Outre qu’il n’est pas réellement certain qu’une telle demande serait légale de la part du président/présidente de l’université, il est certain qu’en pratique, une telle demande n’est jamais (ou presque) formulée.
En effet, si le président/présidente répond au recours, ce qui est rare, il se retranchera généralement derrière le principe de souveraineté du jury pour rejeter le recours gracieux.
D’ailleurs, il faut également savoir que si le président/présidente de l’université ne répond pas, son silence vaut rejet du recours gracieux par l’université au bout de deux mois (article L. 231-4 du code des relations entre le public et l’administration).
Dans ces conditions, le recours gracieux ne présente pas beaucoup d’intérêt.
- Le recours contentieux
Un recours est également possible devant le tribunal administratif dans le ressort duquel est situé le siège de l’université ou de l’école qui a ajourné l’étudiant à ses examens.
En effet, comme indiqué en introduction, les seuls ajournements dont il est question ici sont ceux qui sont prononcés par les universités et grandes écoles publiques. Aussi, c’est bien le tribunal administratif qui est alors compétent.
Ce recours doit également être déposé dans un délai de deux mois (éventuellement prolongé par l’exercice d’un recours gracieux).
La représentation par un avocat n’est pas obligatoire puisqu’il s’agit d’un recours pour excès de pouvoir, mais elle est nécessaire si l’étudiant veut avoir quelques chances d’obtenir l’annulation de son ajournement aux examens prononcé par l’université ou l’école.
II. Le principe de souveraineté du jury
Avant d’évoquer les moyens qui peuvent être éventuellement soulevés contre l’ajournement de l’étudiant, il est nécessaire d’évoquer le principe de souveraineté du jury.
En effet, il existe, en droit administratif, un principe de souveraineté du jury (que ce soit le jury des universités, des écoles ou les jurys de concours de la fonction publique).
Ce principe est ancien et rappelé régulièrement par la jurisprudence (ex : CE. SSR. 12 février 1988, n° 85304, mentionnée aux tables ; CE. SSR. 12 décembre 1994, n° 135460 et s., mentionnée aux tables ; CE. SSR. 22 juin 2011, n° 336757, mentionnée aux tables ; CE. Sect. 4 octobre 2012, n° 347312, publiée au Recueil ; CE. CHR. 24 novembre 2017, n° 399324, mentionnée aux tables).
Il en résulte que les notes attribuées aux étudiants par les jurys ne peuvent pas être contestées.
C’est un principe central dans le contentieux des examens à l’université.
En effet, il signifie que même si un étudiant considère que la note qui lui a été donnée par l’université à son examen n’est pas bonne, il n’est pas possible de critiquer cette note devant le juge.
Cela ne signifie pas que l’ajournement aux examens de l’étudiant par l’université ou l’école ne peut pas être contesté (comme cela sera exposé ci-dessous).
Cela signifie seulement qu’il n’est pas possible de dire que l’étudiant aurait dû avoir telle note au lieu de telle note à un examen.
III. Les critiques qui peuvent être avancées contre un ajournement aux examens
Différents moyens peuvent être soulevés contre l’ajournement d’un étudiant à ses examens à l’université.
- Le déroulement des examens
Plusieurs arguments peuvent être soulevés contre le déroulement des examens organisés par une université ou une grande école.
Il s’agit, notamment, des moyens suivants :
- Les modalités de contrôle des connaissances (MCC) n’ont pas été régulièrement adoptées et opposables : en effet, en vertu des articles L. 613-1 et L. 712-6-1 du code de l’éducation, les modalités de contrôle des connaissances (MCC) doivent être régulièrement adoptées et opposables pour pouvoir fonder légalement les examens.
- Les modalités de contrôle des connaissances (MCC) ne sont pas assez précises : il arrive que les MCC soient floues et laissées, en pratique, à l’appréciation des intervenants du cursus. Or, les MCC, adoptées par la CFVU doivent être « précises » afin de préserver le principe d’égalité (voir les articles : L’exigence de précision des MCC et le contrôle sur les refus de redoublement confirmés ; Les modalités de contrôle des connaissances doivent être précises).
- Les MCC doivent être légales : bien que les universités soient très libres dans la fixation des modalités de contrôle des connaissances, certaines règles sont contrôlées par le juge administratif sous l’angle du principe d’égalité. Tel est par exemple le cas des différences entre les spécialités d’un même diplôme en matière de compensation : pour créer des règles différentes, l’université doit être en mesure de le justifier (CAA Nancy, 26 juin 2018, n° 16NC02812).
- Les MCC doivent avoir été respectées lors du déroulement des examens : si les modalités de contrôle des connaissances n’ont pas été respectées (par exemple, si un examen a été substitué à un autre, ou si cet examen a été annulé), alors l’ajournement de l’étudiant est nécessairement illégal puisqu’il se fonde sur des notes qui ne sont pas elles-mêmes régulières.
- Le principe d’égalité doit être respecté : en matière de déroulement des examens, les universités doivent respecter le principe d’égalité (CE 11 juillet 2003, M. Franck X, n° 258028, mentionnée aux tables). Cela signifie que les étudiants doivent être soumis à des conditions d’examens identiques, notamment pour le passage des épreuves orales.
En résumé, les examens doivent être prévus de manière précise par les MCC adoptées par la CFVU et ces MCC doivent être respectées, ainsi que le principe d’égalité. A défaut, l’ajournement aux examens opposé par l’université est illégal.
- Les erreurs du jury
Si le juge administratif ne contrôle pas les notes attribuées aux étudiants du fait de la souveraineté du jury, il contrôle en revanche les éventuelles erreurs commises par le jury.
C’est ce qu’a très clairement rappelé la cour administrative d’appel de Toulouse dans un arrêt récent :
« 5. En deuxième lieu, si le jury apprécie souverainement les mérites des candidats, il ne lui appartient pas cependant de modifier les modalités de contrôle des connaissances fixées par ce règlement » (CAA Toulouse, 18 octobre 2022, INP de Toulouse - ENSEEIHT, n° 20TL22324).
Tel est le cas, par exemple, si le jury a appliqué une règle de note plancher qui n’existait pas dans une matière pour ajourner l’étudiant à son semestre, son année ou son diplôme (TA Versailles, 28 octobre 2021, Mme Sihem T, n° 1909233).
Il en va de même s’il refuse d’appliquer une règle de compensation alors que cette règle de compensation était prévue par les MCC (voir l’article : L'ajournement ne peut se fonder que sur les règles de validation arrêtées par l'université ; CAA Paris, 13 mars 2018, n° 17PA00477).
Ou encore, s’il se fonde sur une règle inopposable, contraire à celle indiquée aux étudiants en cours d’année (TA Melun, 31 mars 2023, M. Nabil B, n° 2111921).
Ces erreurs de droit commises par le jury sont censurées par les juridictions administratives.
- La réunion et la composition du jury
Il est enfin possible de critiquer les conditions dans lesquelles le jury s’est réuni.
En effet, dans la mesure où c’est le jury qui prononce l’ajournement de l’étudiant, ce jury doit être régulièrement désigné, convoqué et composé. Et comme l’a rappelé récemment la cour administrative d’appel de Toulouse, ces règles sont des garanties de l’« impartialité » du jury (CAA Toulouse, 18 octobre 2022, INP de Toulouse - ENSEEIHT, n° 20TL22324).
La méconnaissance de ces règles, entache l’ajournement de l’étudiant d’illégalité (ex : TA Montreuil, 20 décembre 2017, Mme Edith M, n° 1709779 ; CAA Toulouse, 18 octobre 2022, INP de Toulouse - ENSEEIHT, n° 20TL22324).
IV. Les conséquences de l’annulation de l’ajournement
L’annulation par le juge administratif de l’ajournement aux examens d’un étudiant à ses examens par une université ou une grande école n’a pas toujours les mêmes conséquences. En effet, cela dépend des moyens retenus par le juge.
Il faut distinguer trois cas principaux :
- L’octroi du diplôme / de l’année
Lorsque l’ajournement aux examens se fonde sur une règle de non-compensation, de note planche ou de double validation qui est illégale ou inopposable, alors le juge administratif enjoint directement à l’université de délivrer le diplôme ou l’année à l’étudiant (ex : TA Melun, 14 avril 2023, M. Ameziane A, n° 2106104 ; TA Versailles, 28 octobre 2021, Mme Sihem T, n° 1909233 ; CAA Paris, 13 mars 2018, n° 17PA00477).
En effet, dans cette hypothèse, le jury n’a aucune appréciation complémentaire à faire et la juridiction ordonne directement la délivrance du diplôme ou de l’examen, au vu des MCC et des notes obtenues par l’étudiant.
- La réorganisation des examens
Il arrive parfois, lorsque le juge retient l’illégalité du déroulement des examens qu’il ordonne l’organisation de nouveaux examens (ex : TA Orléans, 6 février 2013, n° 1100165 ; TA Toulouse, 2 juillet 2020, M. Ismaïl O, n° 1801708, 1907007).
Dans cette hypothèse, l’université ou la grande école doit réorganiser les examens dans des conditions régulières pour permettre à l’étudiant d’être noté de manière légale.
- La nouvelle réunion du jury
Dans un certain nombre d’hypothèses, le juge ordonne seulement au jury de se réunir à nouveau de manière régulière pour délibérer sur les examens de l’étudiant et son éventuel ajournement.
Tel est principalement le cas lorsque le jury était irrégulièrement composé ou désigné (ex : TA Nancy, 22 septembre 2022, Mme Elisa S, n° 2103077).
Néanmoins, ce type d’injonction peut également être adressé à l’université dans d’autres hypothèses.
En dehors de ces cas principaux, d’autres types d’injonctions, spécifiques aux circonstances de l’affaire, peuvent être prononcés par les juridictions.
En conclusion, il résulte de ce bref tableau que l’obtention du diplôme au terme d’un recours contre un ajournement aux examens prononcé par une université ou une grande école reste relativement rare.
En effet, si les recours sont possibles et si les annulations des ajournements sont relativement régulières, cela ne signifie pas pour autant que l’étudiant obtient automatiquement son diplôme.
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