Par une décision n° 454789 du 7 juillet 2022, éclairée par les conclusions de M. Arnaud Skzryerbak (accessibles sur Ariane Web), le Conseil d’Etat estime que les changements de destination et de sous-destination ne sont soumis à permis de construire que dans l’hypothèse où un tel changement ressort des nouvelles dispositions des articles R. 151-27 et R. 151-28 du code de l’urbanisme. Et ce, même dans l’hypothèse où le plan local d’urbanisme continue à appliquer l’ancienne nomenclature des destinations.
Cette décision appelle plusieurs observations pour la comprendre.
1. Les différentes « destinations » ont été réformées il y a quelques années
Il est nécessaire de rappeler que le décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 a procédé à une réforme des destinations et créé des sous-destinations au sens du droit de l’urbanisme.
Jusqu’à cette date, il existait 9 destinations pour les constructions :
- Habitation,
- Hébergement hôtelier,
- Bureaux,
- Commerce,
- Artisanat,
- Industrie,
- Exploitation agricole,
- Exploitation forestière,
- Entrepôt.
Depuis le décret du 28 décembre 2015, il n’y a plus que 5 destinations mais divisées en 20 sous-destinations :
- Exploitation agricole et forestière (sous-destinations : exploitation agricole, exploitation forestière),
- Habitation (sous-destinations : logement, hébergement),
- Commerce et activités de service (sous-destinations : artisanat et commerce de détail, restauration, commerce de gros, activités de services où s'effectue l'accueil d'une clientèle, cinéma, hôtels, autres hébergements touristiques),
- Equipements d'intérêt collectif et services publics : sous-destinations : locaux et bureaux accueillant du public des administrations publiques et assimilés, locaux techniques et industriels des administrations publiques et assimilés, établissements d'enseignement, de santé et d'action sociale, salles d'art et de spectacles, équipements sportifs, autres équipements recevant du public),
- Autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire : (industrie, entrepôt, bureau, centre de congrès et d'exposition).
Or, pour les règles de fond des PLU (aspect, implantation, consistance, etc.), les communes ont été autorisées, lorsqu’elles avaient entamé l’élaboration, la révision, la modification ou la mise en compatibilité de leur PLU avant l’entrée en vigueur du décret du 28 décembre 2015, à continuer à appliquer des règles aux différentes destinations de constructions selon l’ancienne nomenclature.
Autrement dit, les plus en élaboration, révision, modification ou mise en compatibilité à cette date peuvent continuer à distinguer les 9 anciennes destinations et non les 5 nouvelles destinations et 20 sous-destinations.
2. Les précisions apportées sur la distinction entre anciennes et nouvelles destinations
L’affaire soumise au Conseil d’Etat portait sur une déclaration préalable de travaux conduisant à la transformation d’une boucherie en supérette, qui avait été refusée par la ville de Paris au motif qu’un permis de construire était nécessaire.
La ville se fondait sur la circonstance que son PLU continuait, pour l’application des règles de fond, à se fonder sur les anciennes destinations du code de l’urbanisme. Elle en déduisait que les règles de procédure (permis de construire ou déclaration préalable) devaient suivre le même chemin. Autrement dit, qu’il fallait déterminer si un permis de construire était nécessaire en se référant aux 9 anciennes destinations et qu’en l’occurrence, il était question de la transformation d’un local à destination d’artisanat (boucherie) en commerce (supérette).
Cependant, le Conseil d’Etat n’adopte pas son raisonnement. En effet, il considère que :
- Les règles de fond du PLU (implantation, aspect, consistance, etc.) peuvent continuer à se référer aux anciennes destinations du code de l’urbanisme,
- La nécessité d’un permis de construire plutôt qu’une déclaration préalable de travaux doit être appréciée en fonction des nouvelles destinations et sous-destinations.
Dans la mesure où l’artisanat et le commerce relèvent désormais de la même destination et sous-destination, il n’était donc pas possible de s’opposer à la déclaration préalable de travaux en opposant la nécessité d’un permis de construire.
3. Les conséquences de cette clarification
Cette décision a donc un double effet, l’un simplificateur, et l’autre de nature à complexifier l’instruction des demandes :
- D’une part, la décision simplifie les choses en unifiant sur le territoire national les règles permettant de déterminer si un permis de construire ou une déclaration préalable de travaux est nécessaire en cas de changement de destination.
- D’autre part, la décision complique les choses pour l’instruction des autorisations puisqu’il faudra, pour les communes en question, procéder à deux analyses de la destination du bâtiment pour lequel un changement de destination est demandé : une première analyse pour déterminer quel type de procédure doit être suivie (permis de construire ou déclaration préalable) et une second pour déterminer quelles règles de fond du PLU trouvent à s’appliquer.
Pour en savoir plus sur les différentes autorisations d’urbanisme : Quelles sont les différentes autorisations d’urbanisme ?
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