Le « droit à la poursuite d’études » en master a été consacré par l’article L. 612-6 du code de l’éducation à l’occasion de la réforme du 23 décembre 2016 instaurant une sélection (légale cette fois) à l’entrée en master. Or, il apparaît qu’en réalité ce droit n’est pas garanti. En effet, le recteur qui doit, juridiquement, faire trois propositions à l’étudiant doit seulement, en réalité, rechercher des places mais n’a aucune obligation de les trouver.

 

1. Le droit à la poursuite d’étude est désormais consacré.

 

L’article R. 612-36-3 du code de l’éducation est très claire :

« […] Cependant, s'ils en font la demande, les titulaires du diplôme national de licence sanctionnant des études du premier cycle qui ne sont pas admis en première année d'une formation du deuxième cycle de leur choix conduisant au diplôme national de master se voient proposer l'inscription dans une formation du deuxième cycle en tenant compte de leur projet professionnel et de l'établissement dans lequel ils ont obtenu leur licence, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat pris après avis du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche. ».

L’article R. 612-36-3 du même code confirme :

« […] Le recteur de région académique présente à l'étudiant qui a satisfait aux conditions mentionnées au premier alinéa, après accord des chefs d'établissement concernés, au moins trois propositions d'admission dans une formation conduisant au diplôme national de master. ».

Ainsi, en lisant ces dispositions, l’on doit considérer que l’étudiant qui n’a pas d’inscription doit recevoir trois propositions d’inscription en master par le recteur.

D’ailleurs, c’est ce que confirmait le rapport présenté par la députée Mme Sandrine Doucet à l’Assemblée Nationale le 6 décembre 2016 lors de l’adoption de la loi :

« […] B. UN DROIT NOVATEUR À LA POURSUITE D’ÉTUDES

Le troisième alinéa de l’article L. 612-6, dans la rédaction de la proposition de loi, instaure un droit à la poursuite d’études garantissant la pérennité du puissant mouvement de démocratisation des études supérieures. Les modalités de sa concrétisation seront précisées dans un décret pris en application de l’article L. 612-6-1 dont la rédaction précitée a été approuvée dans l’accord du 4 octobre et par le CNESER le 17 octobre.

Tout diplômé de licence qui n’aura reçu aucune proposition d’admission en réponse à ses candidatures à l’inscription dans un master, pourra faire valoir ce droit à la poursuite d’études. Il en fera personnellement la demande, assortie de la production d’un projet professionnel, auprès du recteur de la région académique dans laquelle il a obtenu sa licence. […] ».

De prime abord, il n’existait donc aucun doute quant à la portée de ce droit, qui devait être garanti.

Ce droit devait se matérialiser par la mise en place de la plateforme « trouvermonmaster » qui permet à l’étudiant de saisir le recteur de sa région académique pour demander trois propositions d’admissions en master.

 

2. Cependant, le système mis en place est, en réalité, « bancal ».

 

Plus précisément, si le recteur a l’obligation de présenter trois propositions aux étudiants sans inscriptions, il doit au préalable recueillir l’accord des universités (article R. 612-36-3 du code de l’éducation).

Autrement dit, le recteur reste totalement dépendant des universités pour faire des propositions d’inscriptions. Il n’a aucun pouvoir propre lui permettant de faire des propositions sans l’aval des universités.

Or, dans certains domaines, il est notoire que les places proposées par les universités sont inférieures au nombre de candidats.

Dans la mesure où le recteur est dans l’impossibilité de leur imposer d’augmenter ce nombre de places, il se retrouve, très fréquemment, face à des refus des universités, qui opposent l’atteinte des capacités d’accueil votées par leurs conseils d’administration.

Dans ces conditions, le recteur contacte en pratique des dizaines – voire des centaines – de cursus pour proposer l’étudiant aux universités, qui le refusent parfois totalement de sorte que l’étudiant n’a aucune proposition.

Le mécanisme mis en place ne fonctionne donc pas.

 

3. Face à cette situation de blocage, les juridictions ont neutralisé le droit à la poursuite d’études.

 

Du fait de ce blocage, un certain nombre de juridictions saisies de situations dans lesquelles des étudiants, après avoir été refusés en master, se sont tournés vers le recteur, lequel n’a pas été en mesure de leur fournir la moindre proposition d’admission, ont neutralisé le droit à la poursuite d’étude.

En effet, elles ont considéré que le recteur n’avait qu’une obligation de « moyen » et non de « résultat ». Autrement dit, le recteur n’a pas à délivrer 3 propositions, il doit seulement rechercher si des propositions sont possibles (ex : TA Versailles, 9 juin 2022, M. Abdenbi G, n° 2008068 ; TA Paris, 28 novembre 2018, n° 1800393).

Ainsi, plutôt que de mettre les pouvoirs publics face à leurs contradictions, à savoir, d’une part, une obligation claire du recteur de faire trois propositions et, d’autre part, une impossibilité pour le recteur d’imposer l’inscription des étudiants aux universités, les juridictions ont fait le choix de la neutralisation.

Pour regrettable que soit cette position, elle signifie, qu’en réalité, si le recteur ne parvient pas à faire une proposition, l’étudiant n’a pas de recours réel contre le recteur.

 

La seule solution demeure donc de former un éventuel recours (dans le délai de 2 mois à compter du refus de master) contre la décision de l’université : https://consultation.avocat.fr/blog/bruno-roze/article-44889-quels-recours-en-cas-de-refus-de-masters.html