Ces deux notions, « AEEH » et « résidence alternée », sont au cœur de l’arrêt rendu par la 2ème chambre civile de la Cour de cassation du 25 novembre 2021 (pourvoi n°19-25.456 disponible ici), objet du présent article.

1. La notion d’AEEH

La loi pour l’égalité des droits et des chances des personnes handicapées a remplacé l’allocation d’éducation spéciale par l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH).

Encadrée par les articles L. 541-1 à L. 541-5 du Code de la sécurité sociale, l’AEEH est une allocation qui a vocation à compenser, au moins en partie, les dépenses engagées par les parents en raison de la situation de handicap de leur enfant.

Six catégories de complément forfaitaires peuvent s’ajouter à l’allocation de base. Cela est fonction des surcoûts et besoins en tierce personne liés au handicap de l’enfant.

L’AEEH est attribuée si le taux d’incapacité de l’enfant est supérieur ou égal à 80%, ou bien compris entre 50% et 79%. L’enfant doit avoir moins de 20 ans et résider de façon permanente et régulière sur le territoire français.

Il s’agit d’une prestation familiale, et plus précisément d’une prestation à affectation spéciale. C’est pourquoi, l’AEEH est versée par la Caisse d’Allocations Familiales (ou la Mutualité Sociale Agricole)

2. La notion de résidence alternée

Régie par l’article 373-2-9 du Code civil, la résidence alternée est un mode de garde qui s’oppose à la résidence exclusive. La résidence de l’enfant est fixée, en alternance, au domicile de chacun des parents. C’est pourquoi, ce mode de garde nécessite une entente suffisante entre les deux parents.

Ces deux notions, « AEEH » et « résidence alternée », sont au cœur de l’arrêt rendu par la 2ème chambre civile de la Cour de cassation du 25 novembre 2021 (pourvoi n°19-25.456 disponible ici).

3. L'arrêt de la Cour de cassation

À la suite de leur séparation, les parents d’un enfant partagent sa garde dans le cadre d’une résidence alternée. En raison de la situation de handicap de l’enfant, les parents peuvent prétendre au versement de l’AEEH. La CAF en verse la totalité à la mère alors que le père partage avec cette dernière la charge de l’enfant. Le père demande que l’AEEH et son complément soient partagés.

La CAF refuse la demande de versement par moitié de l’AEEH à chaque parent. Ainsi, le père a saisi, en première instance, le tribunal des affaires de sécurité sociale, aujourd’hui supprimé, mais qui était compétent jusqu’en 2018.

Le contentieux s’est poursuivi en appel. La Cour d’appel a accueilli favorablement la demande du père en exigeant de la CAF de diviser en deux l’AEEH et son complément.

La CAF s’est pourvue en cassation et la Cour de cassation a donné raison à la CAF.

Au visa des articles L513-1, L521-2, L541-3, R513-1 et R521-2 du Code de la sécurité sociale, la Cour de cassation a estimé que la CAF a fait une juste application des textes légaux. Ainsi, selon la Cour, la CAF a eu raison de verser l’AEEH et son complément uniquement à la mère.

En effet, l’article L541-3 du Code de la sécurité sociale dispose que « Les dispositions de l'article L. 521-2 sont applicables à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé ».

L’article L521-2 alinéa 2 du Code de la sécurité sociale dispose, quant à lui, qu’ « En cas de résidence alternée de l’enfant au domicile de chacun des parents telle que prévue à l’article 373-2-9 du code civil, mise en œuvre de manière effective, les parents désignent l’allocataire. Cependant, la charge de l’enfant pour le calcul des allocations familiales est partagée par moitié entre les deux parents soit sur demande conjointe des parents, soit si les parents sont en désaccord sur la désignation de l’allocataire ».

Or cet alinéa 2 de l'article L521-2 est entré en vigueur après la rédaction de l’article L541-3 du Code de la sécurité sociale. Ainsi, il n’est pas applicable à l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé.

Ainsi, la Cour de cassation opère une application stricte du principe de légalité et refuse le partage de l'AEEH et du complément entre le père et la mère.

Le partage de l’AEEH repose ainsi, en l'état actuel du droit, sur la bonne volonté du parent allocataire qui perçoit le versement de l’allocation. 

Le mécanisme de la résidence alternée apparaît donc difficilement conciliable avec la logique actuelle de l’AEEH et du complément d'AEEH.

La Cour de cassation appelle un changement législatif ou règlementaire pour que l'article L521-2 du Code de la sécurité sociale soit effectivement applicable à l'AEEH et au complément d'AEEH.