La victime d'une infirmité motrice cérébrale ( paralysie cérébrale ) et sa famille peuvent se trouver devant une difficulté relative à la communication ou l'enregistrement du rythme cardiaque fœtal.

Cet article présente de telles difficultés pouvant survenir pendant le procès contre le gynécologue-obstétricien ou la sage-femme d'une maternité.

I. Perte du tracé

La maternité peut prétendre être dans l'impossibilité de communiquer le tracé du rythme cardiaque fœtal sous prétexte selon lequel celui-ci est introuvable ou n'a pas été enregistré.

Dans une telle hypothèse, la Cour de cassation a adopté une solution favorable à la victime.

En effet, en cas d’absence d’enregistrement du rythme cardiaque fœtal, la première chambre civile de la Cour de cassation a décidé dans un arrêt rendu le 13 décembre 2012 :

« Qu’en statuant ainsi, alors que, faute d’enregistrement du rythme fœtal pendant plusieurs minutes, il incombait à la clinique d’apporter la preuve qu’au cours de cette période, n’était survenu aucun événement nécessitant l’intervention du médecin obstétricien, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve en violation des textes susvisés. »

Reprochant au juge du fond d’inverser la charge de la preuve, la décision de la Cour de cassation est une application de l’article 1315 ancien du code civil ( devenu article 1353 du code civil ) qui dispose : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ».

Le juge administratif a également adopté une position favorable à la victime comme le montre un arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon rendu le 18 octobre 2018.

En l'espèce, il y avait une interruption du tracé du rythme cardiaque et la cour administrative d’appel a décidé :

« le retard pris par la sage-femme à contacter un médecin alors que des incohérences existaient depuis 14 h 00 dans l’enregistrement des rythmes cardiaques des deux fœtus et qu’aucun document n’a été fourni par le centre hospitalier pour justifier d’un contrôle par échographie à 14 h 15 attestant de la vitalité des deux fœtus et de la normalité des rythmes fœtaux à cet horaire, doivent être regardés comme établissant des manquements fautifs lors de la surveillance de Mme X... en salle de travail ; »

Bien que l’hôpital ait présenté un moyen de défense qui soulève le contrôle ponctuel de la vitalité du fœtus par échographie, le second juge rejette cet argument faute de document dans le dossier d’accouchement qui apporte la preuve du contrôle échographique allégué du rythme cardiaque fœtal.

Ces affaires des deux ordres de juridiction concernent l’interruption d’un enregistrement du rythme cardiaque fœtal en raison d’une perte de signal ce qui doit être distingué de la perte physique d’un enregistrement par exemple dans le cas d’un dossier médical égaré. 

En effet, une cour administrative d’appel a décidé que la disparition du dossier médical révèle une faute dans l’organisation et le fonctionnement du service de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier ( Cour administrative d’appel de Lyon, 6e chambre, 23 mars 2010 ). 

Du côté de l’ordre judiciaire, la Cour de cassation a décidé dans un arrêt récent du 26 septembre 2018 publié au Bulletin que la perte du dossier médical « conduit à inverser la charge de la preuve et à imposer à l’établissement de santé de démontrer que les soins prodigués ont été appropriés » ( Cour de cassation, première chambre civile, 26 septembre 2018 ).

II. Tracé de mauvaise qualité

Parfois, le tracé du rythme cardiaque fœtal est de mauvaise qualité ce qui rend difficile son interprétation.

Cette difficulté peut se présenter par exemple en cas d'indice de masse corporelle élevé de la mère ou des mouvements maternels consécutifs aux douleurs par exemple en cas d'une péridurale inefficace. 

Dans ces conditions, l'avocat de la famille de la victime d'une infirmité motrice cérébrale doit soulever différentes possibilités ouvertes à la maternité.

La première possibilité est l'auscultation fœtale qui permet à la sage-femme de connaître le rythme du cœur du bébé lorsque la surveillance électronique fait défaut. 

D'autre part, le gynécologue-obstétricien peut placer un capteur interne au scalp du fœtus ce qui permet le plus souvent d'obtenir un tracé de bonne qualité.

III. Enregistrement par erreur du rythme cardiaque maternel

Il est parfois soulevé que le tracé obtenu n'est pas l'enregistrement du rythme cardiaque fœtal mais celui du rythme cardiaque maternel.

La famille de la victime d'une infirmité motrice cérébrale doit savoir que le rythme cardiaque maternel peut être enregistré par un capteur externe lors des efforts expulsifs de la mère pendant le deuxième stade du travail.

Or, lors des efforts expulsifs le rythme cardiaque maternel montre habituellement des accélérations alors que le rythme cardiaque fœtal montre des ralentissements.

Cependant, en cas de confusion entre les deux, l'avocat de la famille de la victime d'une infirmité motrice cérébrale doit soulever différentes possibilités ouvertes à l'équipe obstétricale.

Premièrement, certains appareils permettent d'enregistrer à la fois les rythmes cardiaques fœtal et maternel.

A défaut de posséder un tel appareil de monitorage, on peut simplement utiliser l'oxymétrie du pouls de la mère.

Sinon, l'auscultation fœtale peut être utilisée pour distinguer le rythme cardiaque fœtal.

Enfin, le monitorage interne par électrode au scalp fœtal peut être utilisé si celui-ci ne retarde pas une intervention obstétricale nécessaire.

IV. Demande du dossier obstétrical

La famille de l'enfant victime d'une infirmité motrice cérébrale consécutive à une naissance compliquée doit demander le dossier d'accouchement afin de permettre de savoir si le tracé du rythme cardiaque fœtal présente des difficultés d'interprétation.

Il faut aussi demander une copie du dossier du service de réanimation néonatale et du service de néonatologie. 

La victime peut trouver une lettre type de demande du dossier d'accouchement à cette page de notre site internet : 

https://dimitriphilopoulos.com/erreur-grossesse-accouchement-naissance/avocat-erreur-medicale-accouchement.php

Dimitri PHILOPOULOS

Avocat à la Cour de Paris et Docteur en Médecine

22 avenue de l'Observatoire - 75014 PARIS

Site internet : https://dimitriphilopoulos.com

Tél : 01.46.72.37.80