La responsabilité du gynécologue-obstétricien et de la sage-femme évolue donc la famille de la victime et l'avocat en droit de la santé doivent se tenir informés de la modification des données acquises de la science médicale afin de maximiser les chances d'obtenir réparation des préjudices subis.

Le présent article adresse deux évolutions importantes relatives au délai d'extraction par césarienne (I) et l'interprétation du rythme cardiaque fœtal (II).

I. Délai d'extraction par césarienne

Par le passé, il a été considéré qu'une maternité devait avoir la possibilité d'effectuer une césarienne dans un délai de 30 minutes.

Cependant ce délai de 30 minutes était plutôt arbitraire car il n'a pas été fondé sur des preuves scientifiques.

En réalité, pour les césariennes d’extrême urgence, le délai de 30 minutes est trop long et une évolution s'imposait.

Aussi le Collège national des gynécologues-obstétriciens français a-t-il publié une étude qui montre l'avantage d'utiliser des codes couleur pour définir une classification des césariennes pratiquées pendant le travail d'accouchement.

Parmi ces codes couleur, la césarienne dite code rouge, d'extrême urgence, a considérablement réduit le délai décision - naissance.

Les indications d'une césarienne code rouge concerne les urgences obstétricales telles que des anomalies graves du rythme cardiaque fœtal, un échec d'extraction instrumentale (forceps, ventouse) suivi d'anomalies du rythme cardiaque fœtal, une bradycardie sans récupération, une procidence du cordon, un décollement prématuré du placenta normalement inséré (hématome rétroplacentaire), une hémorragie de Benkhiser sur insertion anormale des vaisseaux (vélamenteuse ou praevia), un placenta praevia avec hémorragie maternelle abondante, une suspicion de rupture utérine, une crise d'éclampsie maternelle associée à des anomalies du rythme cardiaque fœtal, une embolie amniotique.

L'avocat en droit de la santé doit analyser la conformité du suivi de l'accouchement avant l'indication de césarienne, le moment de la décision de césarienne ainsi que la chaîne des actions du gynécologue-obstétricien, la sage-femme et l'anesthésiste pour vérifier l'absence de perte de temps non conforme aux données acquises de la science médicale.

Encore faut-il tenir compte des textes réglementaires car dans les maternités réalisant moins de 1 500 naissances par an la garde obstétricale peut être celle dite d'astreinte opérationnelle par exemple lorsque le gynécologue-obstétricien effectue la garde à domicile.

Dans ce cas, l'article D6124-44, 2° (a) du code de la santé publique exige :

« Le gynécologue-obstétricien intervient, sur appel, en cas de situation à risque pour la mère ou l’enfant dans des délais compatibles avec l’impératif de sécurité. »

Cet impératif de sécurité doit permettre la pratique d'une césarienne code rouge. 

Encore faut-il vérifier qu'en cas de garde à domicile la césarienne code rouge n'était pas prévisible comme dans le cas d'une épreuve utérine lors d'une tentative d'accouchement par voie basse après une césarienne antérieure.

Au total, l'avocat en droit de la santé doit analyser l'ensemble de la prise en charge et retrouver tout manquement aux recommandations de la bonne pratique obstétricale.

II. Interprétation du rythme cardiaque fœtal

Dans le passé, l'interprétation du rythme cardiaque fœtal n'était pas structurée et ainsi elle a varié entre les différentes écoles voire entre les différents experts.

Effectivement, des études ont montré une grande variabilité entre les interprétations de différents professionnels.

Des sociétés savantes, dont le Collège national des gynécologues-obstétriciens français, ont tenté de réduire ces écarts à travers des recommandations pour la pratique clinique permettant la classification des tracés.

La classification du Collège national des gynécologues-obstétriciens français a déjà fait l'objet d'un exposé pour les familles de la victime d'une encéphalopathie anoxo-ischémique ou d'une infirmité motrice cérébrale (paralysie cérébrale).

En gros, cette classification du Collège national des gynécologues-obstétriciens français présente quatre niveaux de gravité à savoir :

- vert : tracé à faible risque d'acidose dont aucune action est nécessaire.

- jaune : tracé à risque d'acidose ce qui nécessite des actions correctrices pour amélioration l'oxygénation et si celles-ci sont sans effet, l'emploi de technique de 2ème ligne pour éliminer une acidose fœtale.

- orange : tracé à risque élevé d'acidose ce qui nécessite une technique de 2ème ligne si elle peut être entreprise sans délai, sinon extraction rapide dont les modalités (forceps, ventouse ou césarienne) sont une fonction du contexte obstétrical notamment la dilatation du col et l'engagement de la présentation du fœtus.

- rouge : tracé à risque majeur d'acidose ce qui nécessite une extraction immédiate sans recours à technique de 2ème ligne.

La classification des tracés dans ces quatre catégories est complexe mais on peut soulever quelques grandes lignes pour guider la famille d'un enfant atteint d'une IMC et son avocat en droit de la santé :

- Si le rythme de base est normal et s'il n'y a pas de ralentissements, il s'agit d'un tracé vert à faible risque d'acidose.

- Une anomalie isolée traduit souvent un tracé de niveau jaune et l'association de plusieurs anomalies fait passer un tracé jaune en orange. Par exemple, un cas fréquent d'un tracé jaune est celui des ralentissements tardifs non répétés ou des ralentissements variables de durée moins de 60s et d’amplitude moins de 60 bpm.

- Un tracé de niveau orange se voit souvent avec des ralentissements tardifs répétés ou des ralentissements variables supérieurs à 60s ou sévères éventuellement associés à une réduction de la variabilité (entre 3 et 5 bpm).

- Un tracé de niveau rouge se voit avec une absence totale de variabilité (< 3 bpm) avec des ralentissements ou une bradycardie.

Souvent un tracé montre des ralentissements dans un premier temps, lesquels sont suivis d'une tachycardie et, plus tard, une réduction de la variabilité selon la séquence bien décrite de Hon.

Un élément important pour l'interprétation du rythme cardiaque fœtal est celui de la variabilité car une réduction de la variabilité signe souvent l'acidose fœtale.

En revanche, la prudence s'impose car la variabilité est souvent conservée alors que le pH fœtal est inférieur à 7,10 voire 7,0.

Quant à la réactivité, la présence d'au moins deux accélérations sporadiques (n'ayant pas de rapport avec les contractions utérines) est rassurante mais, selon une étude récente, il n'en irait pas de même des accélérations périodiques (survenant pendant les contractions).

En revanche, l'absence d'accélérations du rythme cardiaque fœtal est d'une valeur prédictive incertaine pour l'acidose fœtale.

De manière plus récente, par rapport auxdites classifications, un nombre croissant d'études a montré la supériorité de l'aire totale des ralentissements pour la prédiction de l'acidose fœtale. Celle-ci pourrait être utilisée à l'avenir puisqu'elle est compatible avec un calcul rapide par un logiciel informatique.

Il est intéressant de noter que la valeur prédictive de l'aire totale des ralentissements n'a pas été modifiée par la prise en compte de la variabilité (les oscillations) du rythme cardiaque fœtal. Ceci tend à montrer que l'information statistique contenue dans le facteur de la variabilité est déjà comprise dans celui de l'aire totale des ralentissements.

Ce résultat est compatible avec les publications qui montrent qu'une variabilité normale n'est pas de nature à écarter l'acidose fœtale.

III. L'importance de ces deux sujets pour la victime et l'avocat intervenant en droit de la santé

La modification de l'interprétation du rythme cardiaque fœtal et le délai plus court de césarienne sont deux point critiques pour ce qui concerne l'expertise judiciaire d'un enfant handicapé né dans le contexte d'une anoxie après une erreur médicale commise par un gynécologue-obstétricien ou une sage-femme.

On peut le constater par une étude de 127 affaires judiciaires (DAHLGAARD et collègues, Acta Obstet Gynecol. 2008; 87: 72-75), laquelle a montré que la mauvaise interprétation du rythme cardiaque fœtal et le délai excessif de la césarienne étaient parmi les deux manquements les plus fréquents. Voici les manquements fautifs mis en évidence dans ces 127 affaires judiciaires : 

1. Rythme cardiaque fœtal : au total 96 affaires dont

- mauvaise interprétation : 53 affaires

- aucun enregistrement : 19 affaires

- enregistrement illisible : 5 affaires

- retard d'intervention malgré tracé hautement pathologique : 16 affaires

- tentative voie basse de durée trop longue malgré rythme cardiaque fœtal pathologique : 3 affaires

2. Délai décision - naissance de césarienne trop long : 5 affaires dont

- hématome rétroplacentaire à l'arrivée : 3 affaires

- médecin obstétricien de garde à domicile : 1 affaire

- transfert à une autre maternité : 1 affaire

3. Disproportion fœto-pelvienne non reconnue : 9 affaires

4. Manquements fautifs lors du suivi pendant la grossesse : 7 affaires dont

- absense de prise en charge d'un diabète : 2 affaires

- pré-éclampsie sévère à terme : 3 affaires

- incompatibilité sanguine entre la mère et l'enfant : 1 affaire

- retard de croissance intra-utérine non reconnu : 1 affaire

5. Aucune surveillance du tout : 4 affaires

6. Choc hémorragique après extraction instrumentale : 1 affaire

7. pH au scalp pathologique mais résultat retardé : 3 affaires

8. Rupture utérine consécutive à une stimulation excessive par Syntocinon : 2 affaires

IV. Demande de dossiers d'accouchement et de réanimation néonatale

Pour permettre à l'avocat en droit de la santé de répondre aux questions sur le rythme cardiaque fœtal et la césarienne, la première démarche de la famille de la victime d'une infirmité motrice cérébrale / paralysie cérébrale est de demander une copie du dossier d'accouchement par lettre recommandée avec accusé de réception adressée à Madame ou Monsieur le Directeur de l'établissement de santé en question. 

Il faut aussi demander une copie du dossier du service de réanimation néonatale et du service de néonatologie. 

La famille de la victime peut trouver une lettre type de demande du dossier d'accouchement à cette page de notre site internet : 

https://dimitriphilopoulos.com/erreur-grossesse-accouchement-naissance/avocat-erreur-medicale-accouchement.php

Dimitri PHILOPOULOS

Avocat à la Cour de Paris et Docteur en Médecine

22 avenue de l'Observatoire - 75014 PARIS

Site internet du cabinet : https://dimitriphilopoulos.com

Tél : 01.46.72.37.80