Un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 23/02/2022 (n°20-17.663) vient préciser les modalités d’application dans le temps des dispositions controversées de l’article L 116-4 du Code de l’action sociale et des familles.

Cet article, issu de la loi n° 2015-1776 du 28/12/2015 interdisait, dans sa version initiale, aux personnels salariés accomplissant des services à la personne à domicile tels que définis par l’article L 7231-1 du Code de l’action sociale et des familles, de de recevoir à titre gratuit. Autrement dit, une auxiliaire de vie à domicile ne pouvait être gratifiée par la personne dont elle s’occupait régulièrement en vertu de cette interdiction.

En l’espèce, une personne âgée ayant bénéficié des services d’une auxiliaire de vie à domicile décède postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 28/12/2015.

Pour autant, le défunt avait pris soin d’organiser sa succession par testament authentique en 2013, confirmé en 2014, soit avant l’entrée en vigueur de ladite loi.

Par ces documents, le défunt avait désigné légataire à titre particulier l’auxiliaire de vie de vie à domicile qu’il employait.

La Cour d’appel estime que la version applicable de l’article L 116-4 du CASF est celle en vigueur au jour du décès du testateur, de sorte qu’à cette date, l’auxiliaire de vie à domicile était en incapacité de recevoir la gratification.

Au contraire, la Cour de cassation retient que c’est la loi en vigueur au jour de la rédaction du testament qui déterminera l’incapacité à recevoir. Au jour de la rédaction du testament, l’article litigieux n’existait pas. L’auxiliaire de vie à domicile peut donc recevoir le legs qui lui était destiné.

Il convient de préciser que l’article L 116-4 du CASF a été modifié précisément sur la question de l’incapacité à recevoir des auxiliaires de vie à domicile, suite à une décision du Conseil constitutionnel en date du 12/03/2021, rendue dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité.

En effet, le Conseil constitutionnel a considéré que l’interdiction de recevoir était formulée de façon trop générale et portait atteinte à la possibilité pour une personne âgée saine d’esprit de disposer librement de son patrimoine. Dans la mesure où les circonstances particulières telles qu’une vulnérabilité particulière du disposant ne sont pas établies, le Conseil constitutionnel a estimé que la rédaction trop générale de l’interdiction de recevoir portait trop fortement atteinte au droit de propriété.

A la suite de cette décision, la rédaction de l’article L 116-4 du CASF.

Cette évolution permet de remettre en question les décisions de justice non encore devenues définitives portant sur la question de la possibilité de délivrer un legs à une auxiliaire de vie à domicile, notamment si ce legs est contesté par les autres héritiers du défunt. Il est certain que la lucidité du disposant au moment de la rédaction de son testament sera une condition déterminante de la solution de ces litiges.