Les propriétaires de locaux au sein d'une résidence de tourisme donnés à bail à la société DG Holidays, lui ont chacun délivré successivement plusieurs commandements de payer des loyers, visant la clause résolutoire inscrite aux baux.

 

La locataire s'est acquittée des loyers impayés dans le mois suivant la signification des commandements, mais pas des frais de poursuite visés à la clause résolutoire.

 

Le 11 décembre 2018, se prévalant du non-paiement des frais de poursuite dans le délai imparti, les bailleurs ont assigné en référé la locataire en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire et en paiement.

 

Le 14 décembre 2018, la locataire s'est acquittée des frais de poursuite auprès des bailleurs.

 

En appel, les bailleurs ont sollicité sa condamnation à leur payer à titre d'indemnité d'occupation une indemnité trimestrielle égale au loyer majorée de 50 %.

 

 

  1. Sur la mauvaise foi dans la mise en œuvre de la clause résolutoire pour non paiement de frais dérisoires

 

La société DG Holidays fait grief à l’arrêt de constater l'acquisition de la clause résolutoire des baux et d'ordonner son expulsion, alors « que constitue une contestation sérieuse faisant obstacle à l'application d'une clause résolutoire à la demande du bailleur sa mise en œuvre de mauvaise foi, dans le seul but de se soustraire à son obligation de verser au preneur une indemnité d'éviction dédommageant la résiliation du bail ; qu'en constatant l'acquisition de la clause résolutoire au profit des bailleurs au motif que les frais de poursuite des commandements n'avaient pas été payés dans le délai d'un mois suivant la signification du commandement, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si ne soulevait pas une contestation sérieuse le moyen tiré de la mauvaise foi des bailleurs qui avaient invoqué la clause résolutoire en raison de l'inexécution de frais dérisoires, intégralement payés au jour où le juge des référés statuait, dans l'unique dessein de mettre fin au bail sans verser à la société preneuse l'indemnité d'éviction à laquelle elle avait droit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 145-41 du code de commerce, et des articles 1134, alinéa 3, du code civil et 809, alinéa 2, du code de procédure dans leur rédaction applicable à la cause. »

 

La cour de cassation approuve la cour d'appel qui « a retenu, par motifs propres et adoptés, que la locataire n'avait pas payé les frais de poursuite dans le délai visé par les commandements de payer et que les clauses résolutoires avaient été mises œuvre de bonne foi par les bailleurs au moment de la délivrance des commandements. Sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, elle a, sans trancher de contestation sérieuse, légalement justifié sa décision de ce chef ».

 

 

  1. Sur l’absence d’atteinte à la propriété commerciale en cas d’acquisition de plein droit de la clause résolutoire

 

La société DG Holidays fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en toute hypothèse l'atteinte portée au droit à la propriété commerciale du preneur protégé par l'article 1 er du protocole additionnel nº 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, par la résiliation d'un bail commercial sans indemnité doit être proportionnée ; qu'en retenant que le bail était résilié en application de la clause résolutoire, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que cette mesure ne sanctionnait que le défaut de paiement du coût de commandements de payer d'un montant marginal de 80 à 90 euros que le preneur avait immédiatement acquittés dès qu'il s'était avisé qu'ils étaient dus de sorte qu'ils avaient été réglés au jour où le juge statuait, la cour d'appel a violé l'article 1 er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

 

 

La cour de cassation rejette le pourvoi aux motifs que la « propriété commerciale » du preneur d'un bail commercial protégée par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'entend du droit au renouvellement du bail commercial consacré par les articles L. 145-8 à L. 145-30 du code de commerce. L'atteinte alléguée par la société DG Holidays n'entre pas dans le champ d'application de l'article 1 er précité, qui ne s'applique pas lorsqu'est en cause, non pas le droit au renouvellement du bail commercial, mais, comme en l'espèce, l'acquisition de plein droit de la clause résolutoire convenue entre les parties. Dès lors, la cour d'appel n'a pas violé l'article 1 er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

 

 

 

  1. Sur le paiement de l’indemnité d’occupation à titre provisionnel

 

La société DG Holidays fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à chaque copropriétaire, à compter de la résiliation du bail jusqu'à son départ effectif, une indemnité d'occupation trimestrielle égale au loyer majorée de 50 %, alors que le juge des référés ne peut condamner une partie à verser des dommages et intérêts à son adversaire qu'à titre provisionnel.

 

La cour de cassation casse partiellement l’arrêt en considérant au visa de l’article 809 du code procédure civile (dans sa rédaction alors applicable) que la cour d’appel a excédé ses pouvoirs en allouant une indemnité d’occupation trimestrielle égale au loyer avec majoration de 50 % et indexation selon le bail, et non une provision.

 

Nb : Ceci étant la cour a considéré qu’il n’y avait pas lieu à renvoi et a dit « que lesdites condamnations sont prononcées à titre provisionnel ».

 

 

Cass. Civ. 3e, 11 mars 2021, n°20-13.639

 

 

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