Une société X a conclu un contrat de promotion immobilière avec la société Y en vue de la réalisation d'un ensemble commercial sur un terrain lui appartenant.

Par contrat de contractant général, la société Y a chargé la société W de la réalisation du projet immobilier, laquelle a confié plusieurs marchés de travaux à la société Z.

A défaut pour W de de lui communiquer la confirmation de la prolongation de l'engagement de caution  (art. 1799-1 cc), Z a suspendu ses prestations

Faisant suite à une mise en demeure délivrée à Z de reprendre le chantier, W a résilié le marché.

Soutenant que les conventions la liant à la société W étaient des contrats de sous-traitance, que celle-ci avait manqué à son obligation de lui délivrer une des garanties de paiement prévues par la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, et que la résiliation des sous-traités était abusive, la société Z a assigné en paiement de diverses sommes les sociétés X, Y et W.

Pour se défendre W faisait valoir que le contrat la liant à W n’était pas un contrat de sous-traitance, et contestait le droit de suspension du contrat, comme sanction du défaut de garantie.

 

  1. Sur la qualification du contrat de sous-traitance

W soutenait que le contrat de « contractant général » conclu avec Y, promoteur immobilier, avait eu pour objet de lui confier la réalisation de l'ensemble du projet immobilier, avec un pouvoir de représentation du maître de l'ouvrage dans ses rapports avec l'ensemble des intervenants à l'acte de construire, et sans avoir à effectuer aucun acte matériel ou intellectuel de construction, de sorte qu’elle n'était pas liée à Y par un contrat d'entreprise, mais par un contrat de mandat, et que le contrat conclu avec Z ne pouvait donc pas recevoir la qualification de contrat de sous-traitance, mais de contrat d'entreprise principal.

La cour de cassation rejette le moyen en relevant que le contrat de contractant général conclu entre Y en sa qualité de promoteur immobilier, et W avait pour objet la réalisation des études et des travaux de construction de l'immeuble, avec notamment pour missions le choix des sous-traitants, la passation des contrats de sous-traitance et le paiement des sous-traitants, de sorte que ce contrat était bien un contrat d’entreprise [et non un mandat !] et que le contrat par lequel W avait confié à Z l'exécution d'une partie de ses missions était un contrat de sous-traitance.

 

        2. Sur la sanction du défaut de caution,

La cour d’appel avait rejeté le moyen tiré de l'abandon de chantier invoqué par W au soutien de la résiliation du contrat de Z, considérant que cette dernière avait le droit de suspendre l'exécution de ses prestations en cours de chantier, en raison d'un manquement de la société W à son obligation de faire accepter et agréer le sous-traitant par le maître de l'ouvrage

Au visa des articles 3 et 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, la cour de cassation casse l’arrêt de la cour aux motifs  que, si le sous-traitant n'use pas de la faculté de résiliation unilatérale qui lui est ouverte par l'article 3 de la loi précitée et n'invoque pas la nullité de celui-ci sur le fondement de l'article 14 de la même loi, le contrat doit recevoir application.

Ainsi la suspension des travaux par le sous-traité, faute pour celui-ci de disposer d'un cautionnement valable garantissant l'exécution de la fin du chantier, constitue un abandon de chantier, justifiant la résiliation de son contrat.

 

Civ. 3e, 10 nov. 2021, FS-B, n° 20-19.372