VENTE : délai de deux pour agir en garantie des vices cachés est un délai de forclusion qui n’est pas susceptible d’être suspendu

A compter de la découverte du vice, l’acheteur dispose d’un délai de deux ans pour agir en garantie des vices cachés contre son vendeur (art. 1648 cc).

Une fois qu’il a agi pour voir désigner un expert judiciaire, un nouveau délai de deux ans recommence à courir à compter non pas du dépôt du rapport d’expertise, mais à compter de l’ordonnance ayant désigné l’expert, correspondant à l’extinction de l’instance.

En l’espèce, le pourvoi prétendait que sa demande d’expertise avait interrompu le délai de prescription, lequel se trouvait suspendu le temps de l’expertise, et recommençait à courir à compter du dépôt du rapport, conformément aux dispositions des articles 2239 et 2240 du code civil.

La cour de cassation rejette le moyen en écartant l’application des dispositions des articles 2239 et 2240 du code civil, considérant qu’elles ne sont applicables qu’aux délais de prescription et non aux délais de forclusion, comme celui de l’action rédhibitoire des vices cachés.

Elle rappelle enfin que le délai de forclusion, régi par l’article 2242 du code civil, n’est pas susceptible de suspension mais peut être interrompu jusqu’à l’extinction de l’instance (en l’espèce, l’ordonnance désignant l’expert).

 
Cass. Civ.3e,
5 janv. 2022 ; Pourvoi n° 20-22.670

 

Pour en savoir plus

Par acte authentique du 5 juin 2009, établi par Mme [N], notaire, précédé d'un diagnostic de l'installation d'assainissement non collectif effectué par la société Saur, Mme [O] et M. [I] ont vendu un immeuble à [S] [R].

Un second diagnostic a été réalisé le 10 décembre 2012 par la société Véolia, qui a conclu à l'existence d'une installation vétuste, incomplète et polluante.

Un expert judiciaire, désigné à la demande de [S] [R] par ordonnance de référé du 24 juillet 2013, a déposé son rapport le 20 novembre 2015.

Le 28 juin 2016, [S] [R] a assigné les vendeurs, le notaire et la société Saur en nullité de la vente pour dol et erreur sur les qualités substantielles, et en paiement de dommages et intérêts.

Mme [O] et M. [I] ont demandé, en cas de condamnation, la garantie du notaire et de la société Saur.

[R] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande en résolution de la vente pour vices cachés, pour deux raisons :

-  1°/ qu'il résulte des articles 2239 et 2241 du code civil qu'une demande d'expertise en référé interrompt le délai de prescription et que la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à la demande d'expertise avant tout procès, le délai de prescription recommençant à courir à compter du jour où la mesure a été exécutée.

En l'espèce, il est constant qu'[S] [R] a engagé le 28 mai 2013 une action en référé tendant à l'organisation d'une expertise avant tout procès et que cette expertise a été ordonnée par ordonnance du 24 juillet 2013.

Il en résulte que la prescription s'est trouvée suspendue jusqu'au 20 novembre 2015, date du dépôt du rapport d'expertise.

En déclarant l'action au fond engagée le 28 juin 2016 irrecevable comme tardive, au motif que « le nouveau délai (de deux ans) expirait le 24 juillet 2015 », quand la prescription biennale s'était trouvée suspendue jusqu'au 20 novembre 2015, de sorte que le nouveau délai expirait le 20 novembre 2017, la cour d'appel a violé les articles 2239 et 2241 du code civil.


- 2°/ que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent aux mêmes fins, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première.

En l'espèce, pour juger tardive l'action intentée par M. [R], la cour d'appel a relevé que ce dernier « n'avait pas demandé, devant le premier juge, la résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés. Il s'en est prévalu pour la première fois dans ses conclusions d'appelant du 28 juin 2018 »

En statuant ainsi, alors que l'action en nullité pour vice du consentement, bien que distincte de l'action en résolution pour vices cachés, tendait à un même but, à savoir l'anéantissement de la vente, de sorte que l'assignation du 28 juin 2016 sur le fondement du dol et de l'erreur avait interrompu la prescription de l'action en garantie des vices cachés, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil.
 

La cour de cassation rejette le moyen en rappelant qu’en application des dispositions de l'article 2220 du code civil, les dispositions régissant la prescription extinctive ne sont pas applicables aux délais de forclusion, sauf dispositions contraires prévues par la loi.

La suspension de la prescription prévue par l'article 2239 du code civil n'est donc pas applicable aux délais de forclusion (3e Civ., 3 juin 2015, pourvoi n° 14-15.796, Bull. 2015, III, n° 55).

La cour d'appel a énoncé, à bon droit, que le délai de deux ans dans lequel doit être intentée l'action résultant de vices rédhibitoires, prévu par l'article 1648 du code civil, est un délai de forclusion qui n'est pas susceptible de suspension, mais qui, en application de l'article 2242 du même code, peut être interrompu par une demande en justice jusqu'à l'extinction de l'instance.

Ayant retenu que ce délai de forclusion, qui avait commencé à courir le 11 décembre 2012, avait été interrompu par l'assignation en référé du 28 mai 2013 jusqu'à l'ordonnance du 24 juillet 2013, elle en a exactement déduit qu'à défaut de nouvel acte interruptif de forclusion dans le nouveau délai qui expirait le 24 juillet 2015, Mme [R] était forclose en son action fondée sur la garantie des vices cachés.

Il s'ensuit que le moyen, qui, dans sa seconde branche, invoque comme acte interruptif de prescription l'assignation du 28 juin 2016, est inopérant.