La loi n° 2025-622 créant l’homicide routier et visant à lutter contre la violence routière, publiée au Journal Officiel du 9 juillet 2025 a inséré les articles 221-18 à 221-21 au sein du code pénal.
La circulaire CRIM 2025-15/H2 – 17/07/2025 (N° NOR : JUSD2520853C), précise que :
« Cette loi, dont l’essentiel des dispositions est d’application immédiate, vise à répondre aux recommandations formulées par le Comité interministériel de la sécurité routière en juillet 2023, et plus particulièrement à celle visant à « renforcer la valeur symbolique de l’infraction d'homicide dit involontaire commis à l'occasion de la conduite d'un véhicule terrestre à moteur et permettre une meilleure acceptation sociale d'une telle qualification ».
En effet, partant du constat que le recours à la notion d’homicide ou blessure involontaire était mal vécu par les victimes et familles de victimes de violences routières, les auteurs de la proposition de loi adoptée ont souhaité voir créer un délit spécifique en cas d'accident mortel causé par un automobiliste à la suite d’une conduite délibérément à risque. Dans la même logique, des délits de blessures routières ont été introduits dans notre code pénal. »
Cette circulaire précise également que « la loi ne modifie pas les infractions d’homicide et blessure involontaires par conducteur d’un véhicule terrestre à moteur (VTAM) lorsqu’elles ne sont aggravées par aucune circonstance particulière, ces infractions restant réprimées par les chapitres 1 et 2 du titre II du livre II de la première partie du code pénal. La qualification d’homicide involontaire par VTAM peut ainsi toujours être retenue. Elle reste prévue par l’article 221-6-1 du code pénal et punie de 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. Il en va de même de la qualification de blessure involontaire par VTAM, prévue par les articles 222-19-1 et 222-20-1 du code pénal. »
Eu égard à la législation antérieure, les articles concernant l’homicide involontaire et les blessures involontaires ne comportent plus aucune circonstance aggravante, les dispositions y afférent ayant été caractérisées en plus de l’infraction principale. Dès lors qu’une ou plusieurs circonstances aggravantes sont retenues, seuls les nouveaux articles relatifs à l’homicide et les blessures routiers pourront trouver application.
Il s’agit donc de nouvelles infractions, permettant de sanctionner les conducteurs ayant causé, sans intention volontaire, la mort ou des blessures en présence d'une ou plusieurs circonstances aggravantes.
☛ LES INFRACTIONS PREVUES PAR LA LOI
- L’homicide routier
L’article 221-18 du code pénal dispose :
« Le fait, pour le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l'article 121-3, la mort d'autrui sans intention de la donner constitue un homicide routier puni de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende lorsque :
1° Le conducteur a commis une violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement autre que celles mentionnées aux 2° à 10° du présent article ;
2° Le conducteur se trouvait en état d'ivresse manifeste, était sous l'empire d'un état alcoolique au sens du code de la route ou a refusé de se soumettre aux vérifications prévues au même code destinées à établir l'existence d'un état alcoolique ;
3° Il résulte d'une analyse sanguine ou salivaire que le conducteur avait fait usage de substances ou de plantes classées comme stupéfiants ou il a refusé de se soumettre aux vérifications prévues par ledit code destinées à établir s'il conduisait en ayant fait usage de stupéfiants ;
4° Le conducteur a volontairement consommé, de façon détournée ou manifestement excessive, une ou plusieurs substances psychoactives figurant sur une liste dressée dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat ;
5° Le conducteur n'était pas titulaire du permis de conduire ou son permis avait été annulé, invalidé, suspendu ou retenu ;
6° Le conducteur a commis un dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou supérieur à 30 kilomètres à l'heure ;
7° Le conducteur, sachant qu'il vient de causer ou d'occasionner un accident, ne s'est pas arrêté et a tenté ainsi d'échapper à la responsabilité pénale ou civile qu'il peut encourir ou n'a pas porté secours ou prêté assistance à une personne en danger ;
8° Le conducteur a contrevenu aux dispositions du code de la route réglementant l'usage du téléphone portable tenu en main ou le port à l'oreille d'un dispositif susceptible d'émettre du son ;
9° Le conducteur a omis d'obtempérer à une sommation de s'arrêter émanant d'un fonctionnaire ou d'un agent chargé de constater les infractions et muni des insignes extérieurs et apparents de sa qualité ;
10° Le conducteur a contrevenu à l'article L. 236-1 du code de la route. »
On notera que, contrairement à l’infraction d’homicide involontaire, un excès de vitesse constitue une circonstance aggravante dès 30 km/h au dessus de la vitesse autorisée. L’article prévoit également de nouvelles circonstances aggravantes :
- la consommation de substances psychoactives, de façon détournée ou excessive. S’agissant de cette circonstance aggravante, la circulaire précise qu’un décret d’application devra être pris afin d’en dresser la liste.
La circulaire rappelle : « Comme l’indique la Haute autorité de santé, les substances psychoactives regroupent à la fois les drogues licites (tabac, alcool, opiacés, produits de substitution, médicaments psychotropes tels que hypnotiques, benzodiazépine, antidépresseurs…) et non licites (cannabis, cocaïne, ecstasy, MDMA ou amphétamine…). Le protoxyde d’azote auquel fait implicitement référence la loi se trouve, par exemple, en vente dans le commerce et peut donc être répertorié dans la catégorie des substances psychoactives licites.
La caractérisation de cette circonstance aggravante supposera de démontrer que le conducteur a volontairement consommé, de façon détournée ou manifestement excessive, une ou plusieurs substances considérées comme psychoactives. Elle supposera également de démontrer l’existence d’un lien direct entre des éléments objectifs, tels que les signes comportementaux de la personne, et la consommation d’une substance psychoactive. » - l’utilisation d'écouteurs ou d'un téléphone tenu à la main ;
- le refus d'obtempérer ;
- la non-assistance à personne en danger ;
- la participation à un rodéo urbain
L’article 221-18 du code pénal prévoit enfin que « Les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 150 000 euros d'amende lorsque l'homicide routier a été commis avec deux ou plus des circonstances mentionnées aux 1° à 10° du présent article. »
Les éléments constitutifs de l’infraction sont les mêmes que ceux de l’homicide involontaire, mais les circonstances aggravantes retenues devront être caractérisées en plus de l'infraction principale.
Les blessures routières.
L’article 221-19 du code pénal réprime de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende « Le fait, pour le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, de causer à autrui, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l'article 121-3, sans intention de nuire, une incapacité totale de travail pendant plus de trois mois », commis avec une ou plusieurs des circonstances aggravantes précédemment exposées pour le délit routier.
Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 euros d'amende lorsque les blessures routières ont été commises avec deux ou plus des circonstances aggravantes.
L’article 221-20 du code pénal réprime les faits de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende lors l’incapacité totale de travail est inférieure ou égale à trois mois. Les circonstances aggravantes demeurent les mêmes, à l’exception du refus d’obtempérer, qui n’est pas reprise pour ce délit.
Les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende lorsque les blessures routières ont été commises avec deux ou plus des circonstances aggravantes.
Là encore, les éléments constitutifs sont les mêmes que ceux des blessures involontaires, mais il faudra qu’une ou plusieurs circonstances aggravante soit caractérisée.
☛ PEINES COMPLEMENTAIRES
Elles sont définies à l’article 221-21 du code pénal :
1° L'interdiction, d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ;
2° La suspension du permis de conduire, pour une durée de dix ans au plus ;
3° L'annulation du permis de conduire, avec l'interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant dix ans au plus ;
4° L'interdiction de conduire certains véhicules terrestres à moteur, y compris ceux pour la conduite desquels le permis de conduire n'est pas exigé, pour une durée de cinq ans au plus;
5° L'interdiction, pendant une durée de cinq ans au plus, de conduire un véhicule qui ne soit pas équipé, par un professionnel agréé ou par construction, d'un dispositif d'anti-démarrage par éthylotest électronique. Lorsque cette interdiction est prononcée en même temps que la peine d'annulation ou de suspension du permis de conduire, elle s'applique, pour la durée fixée par la juridiction, à l'issue de l'exécution de cette peine ;
6° La confiscation du véhicule dont le condamné s'est servi pour commettre l'infraction, s'il en est le propriétaire ou si le propriétaire du véhicule l'a laissé à la disposition du condamné en ayant connaissance du fait que ce dernier :
-
- a) Se trouvait en état d'ivresse manifeste ;
- b) Avait fait usage de substances ou de plantes classées comme stupéfiants ;
- c) Avait volontairement consommé, de façon détournée ou manifestement excessive, une ou plusieurs substances psychoactives figurant sur une liste dressée dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat ;
- d) N'était pas titulaire du permis de conduire exigé par la loi ou le règlement ou avait vu son permis être annulé, invalidé, suspendu ou retenu ;
7° La confiscation d'un ou de plusieurs véhicules appartenant au condamné ;
8° L'immobilisation, pendant une durée d'un an au plus, du véhicule dont le condamné s'est servi pour commettre l'infraction, s'il en est le propriétaire ou si le véhicule a été laissé à sa libre disposition dans les conditions précédentes ;
9° L'interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de cinq ans au plus, une arme soumise à autorisation ;
10° La confiscation d'une ou de plusieurs armes dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre disposition ;
11° Le retrait du permis de chasser, avec l'interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant cinq ans au plus ;
12° La peine complémentaire d'affichage ou de diffusion de la décision
Pour les délits d’homicide routier et blessures routières ayant entraîné une ITT supérieure à 3 mois, l’annulation du permis de conduire devient automatique, avec l'interdiction de solliciter un nouveau permis pendant une durée comprise entre cinq et dix ans. En cas de récidive, la durée de l'interdiction est portée de plein droit à dix ans et le tribunal peut, par décision spécialement motivée, prévoir que cette interdiction est définitive, ce qui signifie que la personne condamnée ne pourra plus solliciter la délivrance d’un nouveau permis.
Enfin, certaines peines complémentaires sont obligatoires, sauf décision spécialement motivée du tribunal en considération des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur :
- La confiscation du véhicule en cas de commission de l’un des trois délits aggravés par la circonstance de défaut de permis de conduire
- L’interdiction de conduire un véhicule qui ne soit pas équipé d’un dispositif anti-démarrage par éthylotest électronique en de commission de l’un des trois délits aggravés par la circonstance de l’état d’ivresse manifeste
- La confiscation du véhicule en cas de commission de l’un des trois délits aggravés par la circonstance de l’état d’ivresse manifeste, d’usage de stupéfiants ou de dépassement de la vitesse autorisé supérieur à 30 km/h, en cas de récidive ou si la personne a été condamnée aux infractions suivantes :
- Conduite sans permis
- Conduite malgré la suspension, la rétention, l'annulation ou l'interdiction d'obtenir la délivrance du permis de conduire
- Conduite sous l’empire d’un état alcoolique ou en état d’ivresse manifeste
- Refus de se soumettre aux vérifications de l’état alcoolique
- Récidive de grand excès de vitesse
- Conduite après usage de produits stupéfiants
- Refus de se soumettre aux vérifications de l’usage de produits stupéfiants.
On notera que les peines complémentaires se sont durcies, notamment s’agissant de l’annulation automatique du permis de conduire et de la durée d’interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pour les délits les plus graves, de l’étendue du prononcé obligatoire de la peine de confiscation.
L’article prévoit non seulement la possibilité de confisquer les véhicules de la personne condamnée, sans que ces véhicules ne soient en lien avec l’infraction, mais permet également l’immobilisation ou la confiscation du véhicule qui a servi à la commission de l’infraction lorsqu’il appartient à un tiers, si ce tiers a eu connaissance que le conducteur du véhicule a conduit en ayant consommé de l’alcool, des stupéfiants ou des substances psychoactives, ou sans être titulaire du permis.
☛ Les autres apports de la loi en lien avec les homicides ou blessures routiers
L’article 2 de la loi prévoit l’information obligatoire des parties civiles de la date d'audience, y compris devant la cour d’appel portant sur l'action publique, par une modification des articles 502, 512 et 513 du code de procédure pénale.
L’article 5 de la loi crée l’article L. 421-2 du code pénitentiaire disposant que : « le service pénitentiaire d’insertion et de probation met en place des actions visant à prévenir la récidive des violences routières et, le cas échéant, des actions visant à prévenir la consommation de stupéfiants ou de substances psychotropes ».
La circulaire précise qu’une « note du directeur de l’administration pénitentiaire viendra préciser le contenu de ces actions et les modalités de leur organisation. »
L’article 7 de la loi modifie l’article L. 224-2 du code de la route en systématisant la suspension administrative du permis de conduire à la suite de la constatation de l’infraction de conduite après usage de stupéfiants ou sous l’empire d’un état alcoolique, ou en cas de refus de se soumettre aux épreuves de vérification destinées à caractériser ces délits.
L’article 11 de la loi crée un nouvel article L 232-4 du code de la route disposant :
« En cas d'homicide routier ou de blessures routières, lorsque les circonstances de l'accident ou de l'infraction laissent présumer que l'état du conducteur peut être incompatible avec le maintien du permis de conduire, le conducteur doit se soumettre à un examen médical. Cet examen visant à déterminer l'aptitude à la conduite du conducteur, réalisé à ses frais, se tient dans un délai de 72 heures à compter de l'accident routier ou, le cas échéant, dans un délai de 72 heures à compter du moment où l'état de santé du conducteur le permet. Il est réalisé par un médecin agréé consultant hors commission médicale.
Les officiers et les agents de police judiciaire retiennent à titre conservatoire le permis de conduire du conducteur jusqu'à la réalisation de l'examen prévu au premier alinéa. L'article L. 224-4 est applicable.
Le médecin ayant réalisé l'examen prévu au premier alinéa du présent article transmet au représentant de l'Etat dans le département de résidence du conducteur un avis médical déterminant l'aptitude à la conduite de celui-ci. Si l'avis médical conclut à l'inaptitude à la conduite, le représentant de l'Etat peut prononcer la suspension du permis de conduire du conducteur concerné. La durée de la suspension du permis de conduire ne peut excéder un an. A défaut de décision de suspension dans le délai prévu au même premier alinéa, le permis de conduire est remis à la disposition de l'intéressé, sans préjudice de l'application ultérieure des articles L. 224-7 à L. 224-9.
Le fait de ne pas se soumettre à l'examen médical prévu au premier alinéa du présent article est puni des peines prévues à l'article L. 224-16.
Le fait pour toute personne, malgré la notification de la suspension du permis de conduire prévue au présent article, de conduire un véhicule à moteur pour la conduite duquel ce permis est nécessaire est puni des peines prévues à l'article L. 224-16. »
Ainsi, un examen médical aux frais de la personne devient obligatoire dans les 72h lorsque les circonstances de l'accident ou de l'infraction laissent présumer que l'état du conducteur peut être incompatible avec le maintien du permis de conduire. Le permis fait l’objet d’une mesure de rétention pendant cette durée. Si l’avis médical conclut à l’inaptitude à la conduite, le préfet suspend le permis de conduire à titre provisoire jusqu’au jugement de l’intéressé et pour une durée d’un an maximum.
Si le préfet ne suspend pas le permis dans les 72h, il demeure recevable à prendre cette mesure par la suite, en dehors de ce délai.
☛ LE RÔLE DE L'AVOCAT
L’avocat peut intervenir dès la garde à vue pour assister son client. Il joue un rôle actif dans le cadre de la procédure d’instruction en assistant son client durant les interrogatoires et confrontations, aux débats de prolongation de la détention provisoire, en présentant des demandes d’acte, des demandes de mise en liberté, de placement sous contrôle judiciaire, des requêtes en nullité devant la chambre de l’instruction le cas échéant.
Il vérifie la régularité de la procédure et la constitution des faits.
Les faits peuvent faire l’objet d’un renvoi devant le tribunal correctionnel. L’avocat assiste son client dans le cadre de cette procédure, peut rédiger des conclusions en nullité de la procédure et/ou aux fins de relaxe.
Côté victime, l’avocat peut également intervenir durant la procédure d’instruction, se constituer partie civile, assister la partie civile devant le tribunal correctionnel et demander la réparation du préjudice subi.
Il met en cause l’assureur du véhicule afin de garantir l’indemnisation de son client.
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