La suspension médicale de peine est une mesure qui permet de suspendre la peine en cours pour :
- les personnes condamnées et détenues, ou placées en détention provisoire, atteintes d’une pathologie engageant le pronostic vital,
- les personnes condamnées et détenues, dont l’état de santé physique ou mental est durablement incompatible avec le maintien en détention.
- les personnes placées en détention provisoire, dont l’état de santé physique ou mental est incompatible avec le maintien en détention.
- les personnes condamnées à une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à un an et restées libres après la décision de justice,
Peu importe la nature correctionnelle ou criminelle de la peine et la durée restant à subir dans le cadre d’une demande.
☛ LES TEXTES DE LOI
Article 720-1-1 est suivants du code de procédure pénale
Article 723-15 du code de procédure pénale
Article 729 du code de procédure pénale
Articles 143 et suivants du code de procédure pénale
Articles 147-1 et suivants du code de procédure pénale
Articles 712-6 et suivants du code de procédure pénale
Articles D 147-1 et suivants du code de procédure pénale
Articles 132-44 et 132-45 du code péna
☛ LES CONDITIONS
Une expertise médicale doit être établie pour attester de l’existence d’une pathologie engageant le pronostic vital ou d’un état durablement incompatible avec le maintien en détention. Cependant, le juge pourra rejeter la demande en l’absence d’expertise médicale s'il considère que les éléments qui lui sont soumis ne correspondent pas aux situations permettant de solliciter cette mesure.
A l’inverse, la chambre criminelle a pu considérer, lors de l’examen d’une question prioritaire de constitutionnalité, qu’il appartenait au juge saisi d’une demande de suspension médicale de peine, même en présence d’une expertise défavorable à cette mesure, « soit d'ordonner une nouvelle expertise, soit de rechercher si le maintien en détention de l'intéressé n'est pas constitutif d'un traitement inhumain ou dégradant, notamment par son incompatibilité avec les garanties qui lui sont dues pour protéger sa santé ». (Cass. Crim., 26 juin 2013, n° 12-88284)
En cas d’urgence, seul un certificat médical sera exigé, qui devra être établi par le médecin responsable de la structure dans laquelle le détenu est pris en charge.
A noter : Lorsque les éléments du dossier sont insuffisants ou qu’aucune urgence ne résulte du dossier, la demande de suspension médicale de peine peut être ajournée.
Les critères de la suspension médicale de peine sont entendus strictement. S’agissant de la pathologie engageant le pronostic vital, elle doit l’engager à court terme, la suspension médicale de peine ayant alors pour but de permettre au détenu de terminer sa vie en dehors de l’établissement pénitentiaire et en recevant des soins adaptés à son état.
S’agissant de l’état durablement incompatible avec le maintien en détention, il s’agit essentiellement de permettre aux détenus de suivre des soins adaptés en dehors de l’établissement pénitentiaire, dans lequel les soins adéquats ne peuvent être prodigués. Les conditions concrètes de détention seront donc examinées à chaque fois par les juridictions d’application des peines.
La mesure de suspension médicale de peine ne pourra être prononcée que si le détenu peut être pris en charge par une structure médicale ou dispose d’un hébergement. A défaut, un report de la mise à exécution de la mesure pourra être prononcé, jusqu’à ce qu’un hébergement compatible avec l’état de santé soit disponible. A cet égard, les tribunaux administratifs saisis en référé ont pu rendre des décisions enjoignant à l’APHP « d’orienter le patient vers une structure adaptée » sur le fondement des articles L. 6112-1 et L. 6112-2 du code de la santé publique (TA Paris, 13 juin 2007, N° 0707596)
La mesure ne sera pas octroyée s’il existe un risque grave de renouvellement de l'infraction.
☛ LA PROCÉDURE
- pour les personnes placées en détention provisoire :
La mise en liberté peut être ordonnée à tout moment d’office par le Juge d’Instruction ou à la demande du condamné ou de son avocat, ou sur réquisition du Procureur de la République. Si le Procureur de la République n’émet pas d’avis favorable à la demande de mise en liberté, le dossier est transmis au juge des libertés et de la détention qui devra statuer sur cette dernière.
Le cas échéant, elle pourra être assortie d’un contrôle judiciaire ou d’une assignation à résidence sous surveillance électronique.
- pour les personnes condamnées :
Le juge de l’application des peines est compétent pour ordonner cette mesure lorsque la peine privative de liberté prononcée est d'une durée inférieure ou égale à dix ans, ou lorsque la peine prononcée étant supérieur à 10 ans, la peine restant à subir est inférieure ou égale à trois ans, dans le cadre d’un débat contradictoire en chambre du conseil. Dans ce cas, le juge de l'application des peines entend les réquisitions du ministère public et les observations du condamné ainsi que celles de son avocat.
Lorsque la peine prononcée est d’une durée supérieure à 10 ans ou lorsqu’elle est d’une durée inférieure mais que la peine restant à subir est supérieure à 3 ans, le tribunal de l’application des peines est compétent, ce dernier se prononçant à l’issue d’un débat contradictoire.
Dans tous les cas, la suspension médicale de peine peut être assortie d’une ou plusieurs obligations ou interdictions des articles 132-44 et 132-45 du code pénal, ou des obligations facultatives spéciales de l’article D 147-2 du code de procédure pénale.
- Pour les condamnés libres :
Ces derniers sont convoqués devant le juge de l’application des peines sur le fondement de l’article 723-15 du code de procédure pénale (la peine doit être inférieure ou égale à 1 an). Si les conditions d’une suspension médicale de peine sont réunies, la mesure est ordonnée par le juge de l’application des peines en débat contradictoire.
Dans tous les cas, une fois la mesure prononcée, l’écrou est levé et la personne est placée sous la surveillance du juge de l’application des peines, assisté du service d’insertion et de probation.
✽ Les dispositions de l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 ✽
- En cas de détention provisoire :
Une demande de mise en liberté peut être faite sur le fondement de l’article 147-1 du code de procédure pénale. Le juge des libertés et de la détention dispose d’un délai de 6 jours pour statuer sur cette demande. En cas de rejet de la demande, l’article 18 de l’ordonnance dispose que « Les délais impartis à la chambre de l'instruction ou à une juridiction de jugement par les dispositions du code de procédure pénale pour statuer sur une demande de mise en liberté sur l'appel d'une ordonnance de refus de mise en liberté, ou sur tout autre recours en matière de détention provisoire et d'assignation à résidence avec surveillance électronique ou de contrôle judiciaire, sont augmentés d'un mois. »
- En cas de condamnation définitive :
L'article 24 dispose: "Les décisions du juge de l'application des peines ou du tribunal de l'application des peines prévues par les articles 712-6 et 712-7 du code de procédure pénale interviennent au vu des réquisitions écrites du procureur de la République et des observations écrites de la personne et de son avocat lorsque le recours à l'utilisation du moyen de télécommunication audiovisuelle prévu par l'article 706-71 de ce code n'est matériellement pas possible. S'il en fait la demande, l'avocat de la personne peut toutefois présenter des observations orales devant la juridiction, le cas échéant par un moyen de télécommunication audiovisuelle garantissant la confidentialité des échanges. Le délai de deux mois prévu par l'article 712-14 du code de procédure pénale est porté à quatre mois."
L’article 26 de l’ordonnance dispose : « Par dérogation aux dispositions de l'article 720-1-1 du même code, le juge de l'application des peines peut, au vu d'un certificat médical établi par le médecin responsable de la structure sanitaire dans laquelle est prise en charge la personne détenue ou son remplaçant, après avis du procureur de la République, suspendre la peine pour la durée d'hospitalisation du condamné, sans débat contradictoire tel que prévu à l'article 712-6 du même code. Pour l'application de l'alinéa précédent, avec l'accord du procureur de la République, cette suspension peut être ordonnée sans l'expertise prévue par l'article 712-21 du même code. »
LA FIN DE LA MESURE DE SUSPENSION
S’agissant d’une mesure liée un l’état de santé, dont on ignore comment il va évoluer, aucune durée n’est fixée lors du prononcé de la mesure, qui cesse généralement lorsque les raisons médicales l’ayant motivée disparaissent. L’évolution favorable de l’état de santé devra résulter d’une expertise médicale, qui peut être sollicitée par le parquet ou ordonnée par le juge.
Il peut être mis fin dans tous les cas à la mesure lorsqu’apparaît un risque de renouvellement de l’infraction.
► pour les personnes placées en détention provisoire
En matière criminelle, une nouvelle expertise médicale devra intervenir tous les 6 mois pour vérifier que les conditions de la suspension médicale de peine sont toujours réunies. A défaut, il sera mis fin à la mesure par décision du Juge de l’application des peines, en débat contradictoire.
En matière correctionnelle, une nouvelle expertise médicale pourra être ordonnée à tout moment par le Juge de l’application des peines pour vérifier que les conditions de suspension médicale de peine sont toujours réunies. A défaut, il pourra ordonner qu’il soit mis fin à cette mesure en débat contradictoire. A noter que l’expertise, hors matière criminelle, n’est pas obligatoire.
Si les obligations ou interdictions ordonnées lors du prononcé de la mesure ont été violées, il pourra également être mis fin à cette mesure selon les mêmes modalités.
A noter : Lorsque la suspension médicale a duré 3 ans, la personne condamnée pourra bénéficier d’une libération conditionnelle sans avoir à respecter le temps d’épreuve si son état de santé est toujours durablement incompatible avec son état de santé et qu’elle bénéficie d’une prise en charge adaptée, ce qui devra résulter d’une expertise.
En cas d’évolution favorable de l’état de santé de la personne, cette dernière pourra de nouveau faire l’objet d’une décision de placement en détention provisoire, à condition que les conditions de l’article 144 du code de procédure pénale soient réunies.
En cas de violation des obligations du contrôle judiciaire ou de l’ assignation à résidence , il pourra également être mis fin à la mesure et le placement en détention provisoire pourra de nouveau être ordonné.
► pour les personnes condamnées
En matière criminelle, une nouvelle expertise médicale devra intervenir tous les 6 mois pour vérifier que les conditions de la suspension médicale de peine sont toujours réunies. A défaut, il sera mis fin à la mesure par décision du Juge de l’application des peines, en débat contradictoire.
En matière correctionnelle, une nouvelle expertise médicale pourra être ordonnée à tout moment par le Juge de l’application des peines pour vérifier que les conditions de suspension médicale de peine sont toujours réunies. A défaut, il pourra ordonner qu’il soit mis fin à cette mesure en débat contradictoire. A noter que l’expertise, hors matière criminelle, n’est pas obligatoire.
Si les obligations ou interdictions ordonnées lors du prononcé de la mesure ont été violées, il pourra également être mis fin à cette mesure selon les mêmes modalités.
A noter : Lorsque la suspension médicale a duré 3 ans, la personne condamnée pourra bénéficier d’une libération conditionnelle sans avoir à respecter le temps d’épreuve si son état de santé est toujours durablement incompatible avec son état de santé et qu’elle bénéficie d’une prise en charge adaptée, ce qui devra résulter d’une expertise.
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