L’admission exceptionnelle au séjour est un dispositif permettant aux étrangers en situation en irrégulière d’obtenir une première carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale », « salarié » ou « travailleur temporaire ».

Cette procédure est basée sur plusieurs articles du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), et notamment son article L.435-1, qui prévoit que l’admission exceptionnelle au séjour est possible pour « considérations humanitaires » ou « motifs exceptionnels ».

Les préfectures ont également à leurs dispositions plusieurs textes visant à orienter l’étude des dossiers des étrangers en situation irrégulière qui demandent à être régularisés. Le plus connu et le plus usité de ces textes étant toujours actuellement la circulaire dite « Valls » du 28 novembre 2012.

En pratique, on remarque d'ailleurs que chaque Préfet possède sa propre manière de prendre en compte et d'appliquer les critères prévus par cette circulaire du 28 novembre 2012.

En pratique, plusieurs critères permettent la délivrance d’une carte de séjour au titre de la vie privée et familiale aux étrangers en situation irrégulière.

C’est notamment le cas :

  • Pour les conjoints d’étrangers en situation régulière, dès lors que l’étranger demandeur du titre de séjour peut prouver l’existence d’une vie privée et familiale stable, ancienne et intense. La circulaire de 2012 retient à ce titre (mais seulement de manière indicative) une durée de cinq ans de présence en France, ainsi qu’une durée de vie commune en couple qui doit être au moins égale à 18 mois ;

 

  • Pour les parents d’enfants scolarisés. Ainsi, les étrangers en situation irrégulière pouvant prouver qu’ils résident depuis plus de cinq ans en France, et que leurs enfants sont scolarisés depuis au moins trois ans au jour du dépôt de la demande d’admission exceptionnelle au séjour (y compris en école maternelle) peuvent demander à bénéficier de l’admission exceptionnelle au séjour auprès de la préfecture de leur lieu de résidence.

 

  • Des étrangers pouvant justifier de « circonstances humanitaires particulières », par exemple dans le cas d’un « talent exceptionnel ou de services rendus à la collectivité dans les domaines culturels, sportifs, associatifs, civiques ou économiques » ;

 

Au titre du travail, plusieurs critères sont requis par la circulaire Valls de 2012 pour la délivrance d’une carte de séjour portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire ». Ainsi, l’étranger en situation irrégulière qui fait une demande de carte en préfecture doit justifier :

  • D’une ancienneté de travail d’au moins 8 mois, consécutifs ou non, sur les 24 derniers mois, ou 30 mois, consécutifs ou non, sur les cinq dernières années ;

 

  • D’une ancienneté de séjour d’au moins 5 ans (dans le cas d’une durée de présence de seulement 3 ans, la régularisation sera possible si l’étranger a travaillé au moins 24 mois dont 8, consécutifs ou non, sur les douze derniers mois) ;

 

  • D’une maitrise orale élémentaire de la langue française ;

 

  • D’un contrat de travail ou d’une promesse d’embauche, ainsi que d’un formulaire CERFA de demande d’autorisation de travail rempli et signé par l’employeur (Formulaire CERFA 15186*03) ;

 

A noter également que dans l’hypothèse ou l’étranger atteste d’une durée de présence particulièrement significative (de l’ordre d’au moins 7 ans), et de fiches de paie attestant d’une activité d’au moins douze mois, consécutifs ou non, au cours des trois dernières années, il pourra se voir délivrer un récépissé de demande de carte de séjour temporaire « salarié » et ce, même s’il ne présente ni contrat de travail ni promesse d’embauche. Ce récépissé ne sera en revanche renouvelable qu’une seule fois.

Le cas des intérimaires est particulier : en effet, les salariés en situation irrégulières qui souhaitent se faire régulariser au titre d’un contrat avec une agence d’intérim doivent justifier (outre d’une présence en France d’au moins cinq ans) :

  • soit d’une durée minimale d’emploi d’au moins douze mois par l’entreprise utilisatrice ;
  • soit d’un engagement par l’entreprise d’intérim de fournir un volume de travail garantissant un volume de missions d’au moins 8 mois de travail sur les 12 prochains mois.

Il est assez aisé de percevoir le paradoxe attaché aux critères fixés par la circulaire, au titre de l’admission exceptionnelle au séjour au titre du travail. En pratique, il sera en effet très difficile pour l’étranger en situation irrégulière d’obtenir des fiches de paie, les employeurs étant particulièrement réticents à embaucher des personnes en situation irrégulières en France.

D'autres pratiques, initiées par certaines préfectures ont pour effet de bloquer totalement (ou à tout le moins de rendre extrêmement difficile) toute possibilité d'effectuer une demande au titre de l'admission exceptionnelle au séjour. C'est le cas notamment des préfectures qui demandent à ce que l'étranger n'ait jamais reçu d'interdiction de retour sur le territoire français pour pouvoir déposer le dossier. Dans d'autres préfectures, la problématique tient essentiellement aux délais de rendez-vous. Il n'est pas rare de constater que des étrangers peuvent parfois être convoqués en préfecture plus de deux ans après avoir pris un rendez-vous en ligne sur le site "Démarches simplifiées".

Concernant les preuves de résidence en France, la circulaire Valls de 2012 distingue les preuves en fonction de leur fiabilité.

Ainsi, dès lors que les documents présentés par l’étranger à l’appui de sa demande émanent d’une administration (Urssaf, administration fiscale…), ils constituent des preuves certaines.

Les documents établis par une administration privée (bulletin de salaire, relevés bancaires…) possèdent quant à eux une « valeur probante réelle ». En d’autres termes, ils sont moins bien appréciés par l’administration que les documents officiels mentionnés ci-dessus, mais sont quand même pris en considération.

En revanche, les documents personnels (notamment les attestations rédigées par des proches, enveloppe libellée au nom de l’étranger demandeur…) n’ont qu’une valeur probante limitée. En pratique, ils ne seront pas pris en compte par la préfecture chargée d’étudier la demande d’AES.

La question de l’invocabilité de cette circulaire de 2012 à l’appui d’un recours contentieux a régulièrement fait l’objet de débats depuis sa publication.

Certaines Cour d’appel avaient reconnu le caractère invocable de la circulaire du 28 novembre 2012, en considérant que celle-ci contenait des « lignes directrices », dont les intéressés pouvaient « utilement se prévaloir » (voir par exemple en ce sens l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris du 04 juin 2014 - Cour administrative d'appel de Paris, Formation plénière, 04/06/2014, 14PA00226, 14PA00358)

Le Conseil d’Etat a dans un premier temps mis un coup d’arrêt à cette possibilité, en considérant au contraire que les dispositions de la circulaire de 2012 constituaient des « orientations générales » dont les intéressés ne pouvaient pas se prévaloir devant un juge en cas de litige (Conseil d’Etat, 4 févr. 2015, n° 383267 – Cortes - Ortiz).

La Cour administrative d’appel de Marseille a ensuite fait de la résistance : prenant appui sur les nouvelles dispositions des articles L.312-2 et L.312-3 du Code des relations entre le public et l’administration (relatifs à la publication des instructions et des circulaires administratives sur internet), les Juges marseillais avaient en effet considéré que la circulaire de 2012 pouvait valablement être invoquée en justice.

En effet, « La circulaire ministérielle du 28 novembre 2012 ayant été publiée le 1er avril 2019 sur le site internet prévu par les dispositions de l’article R. 312-8 du code des relations entre le public et l’administration », le requérant pouvait utilement se prévaloir en justice des dispositions de la circulaire.

Saisie de la question, la Cour administrative d’appel de Lyon a sollicité le Conseil d’Etat, qui semble avoir définitivement réglé la question de l’invocabilité de la circulaire « Valls » de 2012.

La question posée par la Cour d’appel de Lyon était libellée de la façon suivante :

« Les dispositions L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration, issues de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance, ont-elles pour effet de modifier la jurisprudence " Cortes-Ortiz " du 4 février 2015 et de rendre invocable une circulaire contenant des orientations générales ? En cas de réponse affirmative à cette question, l'invocabilité de la circulaire est-elle seulement conditionnée par la publicité prévue par les dispositions des articles L. 312-2 et R. 312-8 du code des relations entre le public et l'administration ? »

Le Conseil d’Etat a ainsi rendu à la fin de l'année 2022 un avis sans équivoque (CE, avis, 14 oct. 2022, n° 462784) et a confirmé sa position de 2015 : la circulaire de 2012 n’est pas invocable devant une juridiction, et les requérants ne peuvent pas se prévaloir de ses dispositions.

Le Juge administratif précise que les orientations générales sont « définies pour l'octroi d'une mesure de faveur au bénéfice de laquelle l'intéressé ne peut faire valoir aucun droit ». L’éventuelle publication de ces orientations générales conformément au dispositif prévu par le code des relations entre le public et l'administration n’a pas d’incidence en l’espèce.

Un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, et il ne peut donc pas se prévaloir des orientations générales contenues dans la circulaire du Ministre de l’Intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir.