Dans un arrêt du 1 février 2023 (Cass. soc., 1er févr. 2023, no 21-24271), La Cour de cassation précise qu'il appartient au juge des référés de mettre fin aux trouble manifestement illicite que constitue la rupture d'un contrat de travail d'un lanceur d'alerte, et ce même en présence d'une contestation sérieuse.

A l'origine de l'affaire, une salariée est engagée le 1er septembre 2014 par la société Thales en qualité de responsable de la transformation des infrastructures centrales. Elle est ensuite engagée en 2017 par la société Thales six GTS.

Le 24 mars 2019, la salariée saisit le comité d'éthique du groupe Thales pour signaler des faits susceptibles d'être qualifiés de corruption, et met en cause l'un de ses anciens collaborateurs ainsi que son employeur.

Suite à cette alerte, et estimant être l'objet d'un harcèlement, la salariée informe le comité d'éthique de l'entreprise de cette situation.

Néanmoins, le comité d'éthique du groupe conclut à l'absence de situation contraire aux règles et principes éthiques.

En mai 2020, la salariée est licenciée. Elle saisit donc la formation des référés de la juridiction prud'homale afin que soit constaté la nullité de son licenciement. Il convient de préciser que la lettre de notification du licenciement était motivée au regard de faits portant sur le travail de la salariée et qu'aucune référence au signalement auprès du comité d'éthique n'était mentionné dans la lettre.

Pour la salariée, le licenciement était nul car intervenu en violation des dispositions protectrices des lanceurs d'alerte (notamment les articles 6 et 8 de la loi dite « Sapin 2 » et L.1132- 4 du code du travail). Elle demandait donc sa réintégration dans l'entreprise.

En première instance comme en appel, le juge des référés rejette sa requête en estimant que le litige relevait non pas de la compétence du juge des référés, mais de la juridiction du fond.

Pour le juge d'appel, « Les pièces et moyens de droits fournis par la salariée n'ont pas permis d'établir et de démontrer un lien évident et non équivoque de cause à effet entre le fait d'avoir lancé une alerte et le licenciement pour cause réelle et sérieuse, De plus les représailles envers la salariée n'étaient pas davantage établies, en sorte qu'il n'y a pas eu violation du statut protecteur prévu par les dispositions de l'article L.1132-3-3 du code du travail ». De ce fait, « l'appréciation du motif de licenciement de la salariée relevait exclusivement des juges du fond. »

Rappelons à toutes fins utiles que la compétence du juge prud'homal en matière de référé est encadrée par les articles R.1455-5 et R. 1455-6 du code du travail.

C’est ainsi qu’aux termes de l'article R.1455-5: «  Dans tous les cas d'urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. »

L'article R.1455-6 du code du travail précise quant à lui que « la formation de référé peut toujours même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite ».

La Cour de cassation casse l'arrêt d'appel pour violation de la loi et au visa des articles L.1132-3-3 du code du travail (dans sa rédaction antérieure à la loi n°2022- 401 du 21 mars 2022), L.1132- 4 et R.1455- 6 du même code.

Pour la Haute juridiction, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en exigeant de la salariée la preuve du lien de causalité entre l'alerte et le licenciement. Dès lors que la salariée avait établi la présomption de discrimination, le juge des référés aurait dû exiger de l'employeur une justification du licenciement par des éléments objectifs étrangers au signalement.

La décision est justifiée au regard des dispositions de l'article R.1455-6 du code du travail, qui prévoient que le juge des référés est bien compétent pour prendre les mesures qui s'imposent, même en cas d'une présence de contestation sérieuse.

Par cet arrêt, la Cour de cassation renforce donc clairement la protection du lanceur d'alerte, qui pourra obtenir un examen de l'atteinte à sa protection par le biais d'une procédure beaucoup plus rapide.