Mesure complémentaire à la décision d’obligation de quitter le territoire (OQTF), l’interdiction de retour sur le territoire français (IRTF) a été intégrée dans le droit français par la loi du 16 juin 2011, qui a transposé l’article 11 de la directive européenne dite « Retour ». En pratique, lorsqu’elle est prononcée par le Préfet, l’IRTF peut s’avérer être encore plus problématique que l’OQTF. En effet, son abrogation est soumise à des conditions extrêmement restreintes, et la plupart du temps, l’étranger soumis à une mesure d’IRTF n’aura d’autre choix que de repartir dans son pays d’origine et demander l’abrogation de la mesure si il souhaite que l’IRTF ne produise plus d’effet à son égard.

Quelles sont les différentes décisions portant interdiction de retour sur le territoire français ?

A titre liminaire, il convient tout d’abord de distinguer les interdictions de retour dites « de plein droit » des interdictions de retour dites « facultatives ».

Dans deux cas déterminés, l’IRTF est en effet prononcée d’office par l’autorité administrative.

C’est premièrement le cas lorsqu’aucun délai de départ volontaire n’a été accordé à l’étranger destinataire d’une OQTF.

Ainsi, et aux termes de l’article L612-6 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), « Lorsqu’aucun délai de départ volontaire n’a été accordé à l’étranger, l’autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d’une interdiction de retour sur le territoire français ». L’article contient toutefois un tempérament, puisqu’il est également prévu que « des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l’autorité administrative n’édicte pas d’interdiction de retour ».

La deuxième IRTF dite « de plein droit » est mentionnée à l’article L.612-7 du CESEDA. Il s’agit du cas ou l’étranger, destinataire d’une obligation de quitter le territoire français, s’est maintenu irrégulièrement sur le territoire au delà du délai de départ volontaire que lui avait laissé le Préfet pour sortir de l’espace Schengen. Dans cette situation, et si l’étranger reçoit une nouvelle OQTF postérieure à ce délai de départ, l’autorité administrative est tenue d’édicter une IRTF. Dans ce cas également, le CESEDA prévoit que « des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l’autorité administrative n’édicte pas d’interdiction de retour ».

S’agissant de ces « circonstances humanitaires », la notion s’avère être assez peu établie en pratique. Il a notamment été jugé que la seule circonstance qu’un étranger ait des membres de sa famille sur le territoire ne suffit pas à caractériser des « circonstances humanitaires » (Cour d’appel de Douai, 3ème chambre, 21 octobre 2021, n°21DA01319).

Hormis ces deux cas prévus aux articles L.612-6 et L.612-7 du CESEDA, l’interdiction de retour peut également être prononcée de manière facultative par le Préfet. A ce titre, l’article suivant du Code (L.612-8 du CESEDA) prévoit que « Lorsque l’étranger n’est pas dans une situation mentionnée aux articles L.612-6 et L.612-7, l’autorité administrative « peut assortir » sa décision d’OQTF d’une IRTF. Ainsi, dans ce cas, l’appréciation de l’opportunité d’une IRTF est laissée au bon vouloir des préfectures, ce qui peut être source d’une inégalité certaine en fonction de la géographie des préfectures ayant notifié la décision à l’étranger concerné.

Outre le caractère automatique ou facultatif, des différences existent entre ces deux types d’IRTF quant à leur durée.

Quelles sont les durées des interdictions de retour sur le territoire français ?

La durée maximale de l’IRTF a été fixée à trois ans lorsqu’elle est fondée sur l’article L.612-6 (donc en cas d’absence de délai de départ volontaire). En revanche, la durée de l’IRTF a été fixée à deux ans lorsqu’elle a été prise de manière facultative par le Préfet, ou lorsqu’elle est fondée sur les dispositions de l’article L.612-7 du CESEDA (donc lorsque l’étranger s’est maintenu sur le territoire à l’issue du délai de départ volontaire).

Les Juges de la Cour d’appel de Paris ont indiqué que le Préfet doit prendre en compte les critères prévus à l’article L.612-10 du CESEDA lorsqu’il prononce une IRTF.

Il s’agit de la durée de la présence de l’étranger sur le territoire français, la nature et l’ancienneté de ses liens avec la France, l’existence ou non d’une mesure d’éloignement antérieure et le fait que sa présence en France constitue une menace pour l’ordre public (Cour d’appel de Paris, 5ème chambre., 18 janvier 2018, n°17PA00631).

Le Préfet ne peut pas se contenter de prononcer l’IRTF. Il doit en prononcer la durée, sous peine d’annulation de sa décision par le Juge (Tribunal administratif de Montreuil, 17 novembre 2011, n°1107643).

De plus, et aux termes de l’article L.612-11 du CESEDA, l’IRTF peut être prolongée dans trois cas : - Lorsque l’étranger qui a fait l’objet d’une interdiction de retour s’est maintenu sur le territoire qu’il était obligé de quitter sans délai ; - Lorsque l’étranger qui a fait l’objet d’une interdiction de retour s’est maintenu sur le territoire au delà du délai de départ volontaire ; - Lorsque l’étranger qui était obligé de quitter le territoire sans délai y est revenu pendant la durée ou l’interdiction de retour produisait ses effets.

La prolongation est prévue pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification.

Ainsi, et sauf menace grave pour l’ordre public, la durée cumulée des interdictions de retour ne peut pas excéder cinq ans.

La problématique principale de l’IRTF n’est pas tant liée à sa durée, mais au fait que tant que l’étranger n’a pas éxécuté l’obligation de quitter le territoire français qui lui incombe, l’IRTF est prorogée.

Comme a pu l’énoncer très justement Vincent TCHEN, « l’interdiction administrative de retour prohibe pour l’avenir un séjour en France mais également sur le territoire d’un Etat de l’Union européenne » (Vincent Tchen – Droit des étrangers – Lexis-Nexis).

En effet, la durée de l’interdiction de retour ne court qu’à compter de l’exécution effective de l’obligation de quitter le territoire français ( Articles L.612-6, L.612-7 et L.612-8 du CESEDA).

En d’autres termes, l’IRTF ne devient pas caduque par le seul effet du temps si l’intéressé qui a été destinataire d’une telle mesure s’est maintenu sur le territoire français.

Quelles sont les conséquences de la notification d’une IRTF sur la délivrance d’un visa ou d’un titre de séjour ?

Dès lors qu’une IRTF est en cours de validité, aucun visa d’entrée sur le territoire ne pourra être délivré à l’étranger qui en a été l’objet. Les Juges de la Cour d’appel de Nantes ont même pu considérer que le Préfet était en situation de compétence liée en cas d’existence d’une IRTF, et devait nécessairement refuser la délivrance d’un visa, même dans le cas ou le visa a été demandé par un conjoint de français (Cour d’appel de Nantes, 5ème chambre., 18 janvier 2022, n°20NT03314). Précisons également que selon les textes, l’étranger destinataire d’une OQTF fait l’objet d’un signalement dans le système d’information Schengen. L’intéressé ne pourra donc obtenir ni de visa pour la France, ni pour un autre état faisant partie de l’espace Schengen.

S’agissant de la demande de titre de séjour, les juges ont tendance à être plus flexible. La délivrance d’une décision portant IRTF n’interdit pas en tant que tel à l’étranger de demander la délivrance d’un titre de séjour (Cour administrative de Marseille, 9ème chambre, 29 janvier 2016, n°14MA03506). Le Préfet n'est pas d'après la Cour d'appel de Marseille, en situation de compétence liée pour rejeter une telle demande de titre de séjour. En pratique toutefois, il arrive très souvent que les préfectures refusent de donner une date de rendez-vous en vue d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour à un étranger qui s'est vu notifier une IRTF.

De plus, l’étranger devra avoir de très solides arguments si il souhaite demander la délivrance d’un titre de séjour en France alors que l’IRTF le concernant est toujours en cours.

L’étranger visé par une IRTF peut-il demander l’abrogation de cette mesure ?

L’abrogation de l’IRTF peut en théorie être décidée directement par la Préfecture (mais cette faculté reste en pratique une vue de l’esprit), ou peut être demandée par l’étranger lui même.

Néanmoins, cette demande n’est recevable que dans des situations extrêmement restreintes : - soit l’étranger se trouve en dehors du territoire français (Article L.613-7 du CESEDA) ; - Soit l’étranger se trouve en France, mais assigné à résidence (Article L.613-7, 2°.du CESEDA)  ; - soit encore l’étranger se trouve sur le territoire français, mais se trouve incarcéré (Hors le cas d’une détention provisoire – article L.613-7, 1° du CESEDA) ;

Il ne fait donc guère de doute que l’abrogation d’une IRTF s’avèrera plus que difficile en pratique. Il ne reste le plus souvent pas d’autre choix à l’étranger que de sortir du territoire français, afin de pouvoir, le cas échéant, demander l’abrogation de l’IRTF.

Enfin, signalons que dans l’hypothèse d’une IRTF délivrée dans le cadre du pouvoir discrétionnaire du Préfet, l’article L613-8 du Code prévoit que si l’étranger « justifie, au plus tard deux mois suivant l’expiration du délai de départ volontaire dont il a bénéficié, avoir satisfait à son obligation de quitter le territoire français dans le délai imparti, l’interdiction de retour est abrogée ».

La demande d’un titre de séjour « de droit » s’avèrera le plus souvent être la seule solution à l’étranger qui souhaite être régularisé en présence d’une décision d’OQTF assortie d’une IRTF.