En France, les violences conjugales représentent un problème majeur de santé publique et de sécurité. En 2022, plus de 244 000 victimes de violences conjugales ont été enregistrées, ce qui constitue une augmentation de 15% par rapport à l’année précédente. En 2023, ce chiffre a encore augmenté, avec environ 444 700 victimes de violences physiques toutes catégories confondues, dont plus de la moitié étaient des victimes de violences intrafamiliales.
Ces statistiques soulignent l’ampleur et la persistance du problème des violences au sein des couples, faisant des femmes les principales victimes.

En tant qu’avocate, je me consacre pleinement à la lutte contre les violences conjugales, faisant de ce combat une priorité. Dans ces circonstances, je suis très souvent amenée à déposer et assister des victimes devant le juge aux affaires familiales dans le cadre d’une demande d’ordonnance de protection.

L’ordonnance de protection est un dispositif juridique essentiel en France, destiné à protéger les victimes de violences conjugales.. Elle permet d’apporter une réponse rapide et efficace en instaurant des mesures de protection.

Au cœur de la lutte contre les violences conjugales, la réforme de l’ordonnance de protection émerge comme un nouvel outil essentiel pour défendre les droits des victimes.

Jusqu’à présent, l’ordonnance de protection offrait un cadre relativement rigide, qui ne prenait pas toujours en compte la complexité des situations de violence. Les victimes devaient souvent faire face à des procédures longues et éprouvantes, ce qui dissuadait certaines d’entre elles de se manifester.

La réforme de l’ordonnance de protection, adoptée par la loi du 13 juin 2024, marque une avancée significative dans la lutte contre les violences conjugales en France. Elle répond à la nécessité d’améliorer la protection des victimes en introduisant des mesures plus rapides et efficaces.

Points clés de la réforme.

  • Ordonnance provisoire de protection immédiate : ce dispositif permet aux juges aux affaires familiales de statuer sur la protection des victimes dans un délai de 24 heures. Si des éléments sérieux de violence sont présentés, le juge peut ordonner des mesures comme l’éloignement de l’agresseur ou l’octroi d’un "téléphone grave danger" pour la victime.

Tout au plus, une audience doit se tenir impérativement dans un délai de 6 jours à compter du dépôt de la demande d’ordonnance de protection.

  • Durée de protection allongée : la durée maximale de l’ordonnance de protection est portée de 6 à 12 mois. Cette extension vise à offrir un meilleur soutien aux victimes dans des situations complexes où la cohabitation avec l’agresseur n’est pas nécessairement requise. C’est le juge aux affaires familiales qui reste le modérateur de la durée de l’ordonnance de protection.
  • Sanctions renforcées : les sanctions pour non-respect des mesures d’ordonnance de protection ont été durcies, avec des peines pouvant aller jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, ce qui souligne la gravité de ces infractions).

Cette réforme représente une avancée importante, mais il reste essentiel de continuer à sensibiliser et à former les professionnels du droit afin d’assurer une mise en œuvre efficace de ces nouvelles mesures.

En simplifiant les procédures et en renforçant les protections, la justice française se rapproche de son objectif de protéger les plus vulnérables.

Toutefois, un engagement constant est nécessaire pour garantir que ces avancées se traduisent par des changements concrets dans la vie des victimes car ces dernières, pour être pleinement protégées doivent toujours rapporter la preuve :

  • De la vraisemblance des violences subies,
  • De la vraisemblance du danger actuel.

Dans quels cas solliciter une ordonnance de protection ?

L’ordonnance de protection peut être accordée en cas de violences physiques, de violences psychologiques, de menaces notamment de mort.

Dans le cadre de mon exercice professionnel, les décisions suivantes ont été rendues :

  • Une ordonnance de protection a pu être accordée par jugement du 05 avril 2024 rendu par le Tribunal judiciaire de Paris à une femme au motif que : « Le danger auquel la requérante déclare être exposée apparaît également vraisemblable compte tenu de la réitération de faits de violences sur plusieurs années dont les derniers seraient très récents malgré une précédente composition pénale, de l’absence d’information communiquée par le parquet et les parties sur un éventuel contrôle judiciaire auquel Monsieur K serait soumis dans l’attente de son jugement, et du comportement inquiétant de Monsieur K qui selon la demanderesse se trouverait très souvent à proximité de son immeuble et des écoles des enfants alors qu’il réside à dans une autre ville.
    Dans ce contexte, il y avait notamment une plainte déposée le 5 décembre 2023 dans laquelle Madame K fait état d’une altercation entre elle et Monsieur K au sujet de leurs enfants communs, celui-ci l’ayant insultée, menacée de mort et attrapée par le col de son manteau en présence de deux de leurs enfants ; elle ajoute que monsieur a adopté un comportement violent, insultant et dénigrant dès le début de leur relation.
    Dans ces conditions, il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblable la commission des violences et menaces alléguées par Madame K et le danger auquel elle est exposée.
    Il convient dès lors de faire droit à la demande de mesure de protection de Madame
     ».
  • Une ordonnance de protection a également pu être accordée par jugement du 10 août 2023 à rendu par le Tribunal judiciaire de Paris à une requérante qui justifiait que : « si madame n’évoque qu’un seul épisode de violences physiques, elle et son fils évoluent dans un climat de violences psychologiques qui vont en s’accentuant, suscitant chez elle une peur constante légitime (...). Par ailleurs, si la requérante indique que son enfant n’a pas été directement été l’objet de la violence physique de son père, il ressort de la procédure qu’il a été régulièrement exposé au climat de violence familial, ce qui peut avoir un retentissement sur son développement ».
  • Une ordonnance de protection a également pu être accordée par jugement du 27 juillet 2023 à rendu par le Tribunal judiciaire de Paris une requérante qui justifiait que : elle avait dénoncé à de multiples reprises (sur plusieurs années) des faits de violences verbales et menaces de mort et les faits de violences commis par son conjoint ayant donné lieu à une ordonnance de protection consistaient à avoir pénétré dans son immeuble et à avoir défoncé la porte de son appartement, en pensant que l’enfant du couple était présent à l’intérieur.
  • Une ordonnance de protection a également pu être accordée à une femme le 16 juillet 2024 par le Tribunal judiciaire de Nanterre alors que les violences avaient perduré malgré la séparation du couple. En effet son ex-époux continuait à venir l’importuner très régulièrement à la porte de son domicile, se montrant insultant et menaçant.
  • Une ordonnance de protection a été rendue par le Tribunal judiciaire de Nanterre le 5 août 2024 au bénéficie d’une femme ayant été victime de plusieurs épisodes de violences tant physiques que psychologiques de la part de son concubin, tandis que celui-ci, bien que reconnaissant ces épisodes, invoquaient des violences réciproques.

Il ressort de cette décision que :

« Ainsi, sans préjuger de la culpabilité pénale du défendeur, il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblable la commission des faits de violences habituelles allégués dès lors que Monsieur ne les conteste pas. S’il se prévaut de violences réciproques, force est de constater qu’il ne verse pas pour autant suffisamment d’éléments permettant de les établir (…) En outre, le vraisemblance du danger actuel est également constituée, compte tenu du caractère récent des derniers faits intervenus et également du fait que la cessation de la cohabitation entre eux ne découle que du départ de Mme pour aller se réfugier chez une amie. La protection de Mme apparaît d’autant plus urgente que le couple reconnaît mutuellement la toxicité de leur relation tout en présentant une ambivalence, qui apparaît préoccupante, chacun d’eux ayant exprimé la persistance de leurs sentiments amoureux à l’audience.
En outre, les addictions respectives des parties, qui ont pu faciliter le passage à l’acte par le passé, accentuent le danger en créant un terrain propice à une escalade de tensions et de violences dont les conséquences pourraient être délétères pour Mme mais aussi pour les deux enfants respectifs des parties, justifiant que soient ordonnées des mesures de protection et d’éloignement
 ».

  • Une ordonnance de protection avait également été accordée à une femme qui avait été rouée de coups dans la rue par son ex-conjoint alors même qu’ils ne résidaient plus sous le même toit. La continuité du danger avait été caractérisée par le fait qu’il continuait à se rendre dans l’immeuble où résidait Mme pour venir chercher son courrier.

Quelque que soit votre situation, il est primordial de consulter un avocat si vous êtes confronté à des violences pour pouvoir bénéficier de la meilleure orientation sur le respect de vos droits et les procédures à mettre en œuvre :

  • En cas de danger persistant : en sollicitant une ordonnance de protection,
  • Si vous avez des enfants, en saisissant le juge aux affaires familiales pour organiser les modalités de leur résidence et les protéger,
  • En cas de poursuites pénales : pour vous aider à vous constituer partie civile et obtenir une indemnisation au titre des préjudices que vous avez subis.