En matière de cumul d’emplois, l’employeur doit veiller à ce que le salarié respecte les dispositions légales relatives à la durée maximale du travail.

 

Pour ce faire, il doit recueillir auprès du salarié toutes les informations utiles sur ses horaires effectifs de travail. S’il apparaît que le salarié contrevient à la durée maximale du travail, l’employeur doit alors le mettre en demeure de choisir entre les deux emplois, au risque de se mettre en infraction.

Un jugement rendu le 30 septembre 2021 par le juge départiteur du conseil de prud’hommes de Nanterre est venu rappeler clairement cette obligation qui pèse sur l’employeur de mettre en demeure le salarié avant de procéder à son licenciement.

En l’espèce, une jeune femme avait été engagée à temps plein par la société B après avoir été diplômée. En parallèle, elle avait en outre choisi de conserver un premier emploi à temps partiel au sein de la société A qu’elle occupait déjà pendant ses études les samedis et/ou dimanches uniquement.

La société A avait été mise au courant dès 2010 par la salariée de cette situation de cumul d’emplois, ce qui n’était absolument pas prohibé.

Toutefois 7 ans plus tard, par courrier du 11 août 2017, la salariée avait été licenciée pour faute grave par la société A motif pris de sa situation de cumuls d’emplois.

En vertu de l’accord du 3 septembre 2010 relatif au cumul d’emplois ou d’activités, toute personne salariée peut cumuler son activité avec une autre activité professionnelle, qu’elle soit salariée ou non, sous réserve qu’elle respecte la durée maximale légale de travail, à savoir que le salarié ne peut ni travailler plus de 10 heures par jour, ni plus de 48 heures par semaine.

Un salarié ne peut travailler au-delà de la durée maximale du travail, le non-respect de cette interdiction exposant le salarié et l’employeur à des sanctions pénales.

Il en résulte qu’un salarié en situation de cumul d’emplois ne peut travailler plus de 48 heures par semaine, sans dépasser 44 heures ou 46 heures sur une période de 12 semaines consécutives.

L’employeur a donc l’obligation de s’assurer que la situation de cumul d’emplois du salarié ne contrevient pas à ces dispositions légales.

A cet égard, l’employeur doit solliciter du salarié les éléments de nature à obtenir des informations sur ses horaires de travail.

En l’espèce, l’employeur a licencié la salariée sans avoir véritablement cherché au préalable à obtenir des informations quant à sa situation.

Dans ce cas particulier, le juge départiteur a constaté que la société A ne justifiait pas avoir sollicité des informations complémentaires sur la situation de cumul d’emplois de la salariée avant l’année 2017.

De même, si la société A prétendait aux termes de la lettre de licenciement que la salariée ne respectait pas les règles relatives à la durée maximale du travail, le juge départiteur a également constaté que l’employeur ne versait aux débats aucun élément permettant de corroborer de telles allégations.

Le juge départiteur du conseil de prud’hommes de Nanterre a enfin retenu que :

« En tout état de cause, même si le dépassement de la durée maximale du temps de travail du fait du cumul d’emplois était avéré, il ne constitue pas en soi une cause de licenciement, l’employeur étant tenu au préalable de mettre en demeure le salarié qui cumule des emplois de façon irrégulière de se conformer à la durée légale maximale de temps de travail, ou de choisir l’emploi qu’il souhaite conserver avant la mise en œuvre d’une procédure de licenciement ».

Par conséquent, le licenciement pour faute grave de la salariée a été jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse, au motif que la société ne lui avait pas adressé, préalablement à son licenciement, de mise en demeure la sommant « de se conformer aux dispositions légales relatives aux temps de travail et de repos obligatoire, ou de choisir entre son emploi principal et secondaire ».

Cette décision s’inscrit dans la logique de jurisprudences antérieures selon lesquelles : « L’employeur qui ne met pas en demeure le salarié concerné de mettre fin au cumul irrégulier d’emplois ne peut se prévaloir d’une faute grave » 

En revanche, il en aurait été autrement si l’employeur avait bien mis en demeure la salariée de fournir des éléments relatifs à ses horaires de travail et/ou de faire un choix entre ses deux emplois, et que la salariée n’y avait délibérément pas répondu. Dans pareille situation, la faute grave aurait été caractérisée.

Il a par exemple été jugé que

« malgré plusieurs demandes de son employeur, le salarié, qui de fait dépassait la durée maximale de travail autorisée, ne lui avait pas remis de documents permettant de vérifier la durée totale du travail, mettant ainsi son employeur en situation d’infraction, a pu décider que les agissements reprochés au salarié étaient constitutifs d’une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise » 

Il a également été jugé que : « Le salarié qui refuse de communiquer à son employeur les éléments relatifs à l’emploi qu’il occupe chez un autre employeur, empêche ce dernier de vérifier que les durées maximales de travail sont respectées et commet une faute grave rendant impossible son maintien dans l’entreprise » 

Il convient donc d’être extrêmement prudent lorsque le licenciement est fondé sur un cumul d’emplois, dès lors que l’employeur a l’obligation de mettre préalablement en demeure le salarié de justifier de ses horaires effectifs de travail et de choisir entre ses deux emplois s’il s’avère être en infraction. Il s’agit d’une condition sine qua none au bien fondé du licenciement.