Arrêt : CE, 7 nov. 2025, n° 500233

Le mécanisme du droit de préemption urbain (DPU) est encadré notamment par l’article L. 213-2 du Code de l'urbanisme : toute aliénation d’un bien soumis à préemption doit être précédée d’une déclaration d’intention d’aliéner (DIA) indiquant les éléments essentiels de la vente (prix, conditions, consistance du bien).

Cette déclaration déclenche un délai de deux mois pendant lequel la collectivité titulaire du droit peut décider d’exercer son droit de préemption. 


Le délai peut être suspendu si la collectivité demande des documents complémentaires ou la visite du bien. Les documents que le titulaire du droit de préemption peut exiger sont limités par décret.

Dans un arrêt du 7 novembre 2025, le Conseil d'Etat a opéré un rappel et une distinction fort utile. 

Lorsque la DIA est entachée d'une erreur substantielle, alors le délai de deux mois pour exercer le droit de préemption ne commence qu’à partir de la réception par la collectivité d’une DIA rectifiée.

En pratique : la collectivité ne peut pas considérer que son délai a couru alors que la DIA comportait une erreur substantielle. Elle doit demander une nouvelle déclaration avant de compter le délai.

Lorsque la DIA est imprécise ou incomplète, le délai est suspendu. 

Si la DIA est imprécise ou ne comporte pas tous les éléments essentiels, mais sans erreur substantielle, la collectivité peut demander une communication unique de documents ou une visite du bien. Dans ce cas :

  • Le délai de deux mois est suspendu dès l’envoi de la demande.

  • Il reprend à compter :

    • de la réception des documents, ou

    • du refus du propriétaire d’une visite, ou

    • de la visite effectuée.

  • Si, à la reprise, il reste moins d’un mois à courir, alors la collectivité dispose d’un mois pour décider.
    ➤ En pratique : la collectivité doit veiller à bien formuler une seule demande de documents ou visite afin de suspendre le délai. Elle doit aussi suivre strictement les modalités de reprise pour ne pas être jugée tardive

Dans les faits de l'espèce, la Commune de CERGY avait reçu une DIA pour l'aliénation d'un terrain comportant un bâtiment endommagé par un incendie. Le propriétaire du terrain s'était engagé à vendre le terrain une fois le bâtiment endommagé démoli. Cette circonstance avait été précisée dans la DIA initiale. 
La Commune a sollicité l'envoi d'une nouvelle DIA rectifiée mentionnant la vente d'un terrain nu et non bâti. 

Ce n'est qu'à la réception d'une seconde DIA que la Commune a décidé de préempter le terrain à quelques jours de l'expiration du nouveau délai de deux mois courant à compter de l'émission de la DIA rectifiée. 

Le bénéficiaire de la promesse de vente s'est opposée à cette préemption et a déposé un recours gracieux que la Commune a rejeté. 

Le juge des référés a d'abord refusé de suspendre la décision de préemption de la Commune. La société bénéficiaire s'est alors pourvue devant le Conseil d'Etat qui a annulé l'ordonnance du premier juge et suspendu la décision de préemption. 

Le Conseil d'Etat a considéré que la DIA initiale ne comportait aucune erreur substantielle justifiant l'émission d'une DIA recifiée de sorte que le délai de deux mois avait couru à la date de l'émission de la première DIA. La préemption intervenue après l'expiration de ce délai et à la suite d'une demande de DIA rectifiée manifestement illégale, est donc suspendue.

L'apport de cet arrêt est double: il précise les conditions dans lesquelles le délai pour préempter peut courir à nouveau en cas d'erreur substantielle dans la DIA. Il rappelle également que l'erreur substantielle dans la DIA est limitée aux éléments essentiels d'une vente à savoir le prix, la contenance du bien et les conditions de l'aliénation.