Dès l’entrée en vigueur de la réforme de la procédure de saisie-immobilière le 1er janvier 2007, l’article 51 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006, devenu R.322-18 du code des procédures civiles d’exécution a suscité des interrogations tant de la part des avocats que des juges de l’exécution.

Pourtant, c’est l’un des articles les plus court de ce texte, puisqu’il dispose :

« Le jugement d'orientation mentionne le montant retenu pour la créance du poursuivant en principal, frais, intérêts et autres accessoires ».

Oui, mais, quel était sa portée et quel rôle devait jouer le juge de l’exécution en l’absence de contestation de la part du débiteur ?

Les praticiens étaient divisés, certains avançant avec prudence que la mention de la créance pourrait avoir autorité de chose jugée ; d’autres au contraire estimant que cette mention n’avait pas plus de valeur que la créance vérifiée en matière de surendettement.

Devant cette situation, les juges de l’exécution avaient des pratiques différentes, certains ne mentionnaient la créance retenue que dans la motivation du jugement d’orientation, se refusant à en faire état dans le dispositif, d’autres, plus respectueux du textes, mentionnaient bien la créance mais, en l’absence de contestation du débiteur, se refusaient à un examen détaillé.

Il a fallu attendre près de dix ans pour avoir une première analyse de la cour de cassation (Civ.2, 24 septembre 2015, n° 14-20.009) qui a précisé que le juge de l’exécution, tenu, par application de l’article R. 322-18 du code des procédures civiles d’exécution, de mentionner dans le jugement d’orientation le montant de la créance du poursuivant retenue, n’était pas tenu par le montant de la créance tel que mentionné dans le commandement valant saisie immobilière.

Pour autant, la pratique restait dubitative sur la portée de cet arrêt et les partisans des deux versions demeuraient divisés.

En 2017, un nouvel arrêt a affiné la position de la cour de cassation en précisant que le jugement d’orientation, en ce qu’il fixe notamment la créance du poursuivant, avait autorité de la chose jugée au principal, qu’une contestation ait été élevée ou non sur ce montant (Com., 13 septembre 2017, pourvoi n° 15-28.833).

Cependant, c’est finalement une demande d’avis formulée le 15 janvier 2018 par le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Poitiers, qui allait offrir à la cour de cassation la possibilité de déterminer l’étendue de l’office du juge de l’exécution.

En effet, dans un avis du 12 avril 2018 (Avis n° 15008 du 12 avril 2018), la deuxième chambre civile (Demande d’avis n° P 18-70.004) a précisé :

« En matière de saisie immobilière, pour fixer le montant de la créance du poursuivant en application de l’article R. 322-18 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution est tenu de vérifier que celui-ci est conforme aux énonciations du titre exécutoire fondant les poursuites, en application des dispositions de l’article R. 322-15 du même code, que le débiteur conteste ou non ce montant ».

« S’il doit procéder d’office à cette vérification, il exerce, en outre, en tant que juge du principal, l’office qui lui est imparti par le code de procédure civile ou par des dispositions particulières ».

Dans les motifs de cet avis, la cour de cassation ne manque pas de rappeler que :

«Le juge de l’exécution statue comme juge du principal (article R. 121-14 du code des procédures civiles d’exécution), et se prononce y compris sur des questions relevant du fond du droit (article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire) de sorte que ses décisions ont, sauf disposition contraire, autorité de la chose jugée au principal ».

Ainsi, il ne fait plus de doute que la créance retenue doit être mentionnée dans le dispositif du jugement d’orientation et que cette mention est assortie de l’autorité de chose jugée, ce qui se répercutera sur la procédure de distribution.