Le délai de grâce

L’article 1343-5 du code civil est le digne successeur des fameux mais désormais désuets articles 1244-1 et suivants ; cet article concerne le délai de grâce judiciaire, c'est-à-dire le délai de paiement que les Juges du fond sont souverainement autorisés à accorder – « compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier ».

Il ne change rien au droit antérieur tel qu’il résultait des anciens articles 1244-1, 1244-2 et 1244-3 du Code Civil.

En réalité ces dispositions ont été fondues dans un article unique.

Le champ d’application du texte demeure circonscrit comme auparavant aux obligations de sommes d’argents.

 

L’abrogation de la procédure d’offre réelle.

L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations a en effet abrogé la procédure des offres réelles qui était régie par les articles 1257 à 1264 du Code Civil et aux articles 1426 à 1429 du Code de Procédure Civile.

C’était une procédure assez lourde qui permettait cependant à un débiteur qui se heurtait au refus de paiement de son créancier, de consigner la somme qu’il estimait devoir, de faire délivrer un acte au créancier pour lui préciser que cette consignation avait lieu et qu’à défaut de contestation, celle-ci vaudrait paiement.

Si contestation il y avait, elle portait devant la juridiction compétente qui tranchait pour déterminer si la somme proposée était suffisante et dans ce cas là valait paiement ou au contraire si elle n’était pas suffisante et ne valait pas paiement intégrale de la créance.

Désormais, l’article 1345 du Code Civil dispose :

« Lorsque le créancier, à l’échéance et sans motif légitime, refuse de recevoir le paiement qui lui est dû où l’on empêche par son fait, le débiteur peut le mettre en demeure d’en accepter ou d’en permettre l’exécution.

La mise en demeure du créancier arrête le cours des intérêts dus par le débiteur et met les risques de la chose à la charge de créancier, s’ils n’y sont déjà, sauf faute lourde ou dolosive du débiteur.

Elle n’interrompt pas la prescription ».

Cet article n’indique pas positivement par quel moyen le créancier est mis en demeure, cependant un seul moyen est envisagé : l’acte du débiteur interpelant le créancier (il peut le mettre en demeure).

Aussi, la forme que doit prendre cet acte n’est pas précisée, comme en matière de mise en demeure du débiteur, il y a lieu de décider qu’aucune en particulier n’est exigée.

Il suffira d’un acte portant interpellation suffisante.

Ensuite la mise en demeure n’est valable que si le créancier s’oppose au paiement à l’échéance et sans motif légitime.

Cette dernière condition est capitale dans l’économie du nouveau système puisque autrefois le débiteur n’était définitivement libéré qu’à compter du moment où son offre réelle adressée par huissier ou notaire faisait ensuite l’objet d’une consignation qui devait elle-même être reconnue valable par le créancier ou à défaut jugée telle par le Juge (anciens articles 1257 et 1258 du Code Civil).

Ces étapes ont été supprimées.

Désormais, le seul écoulement du délai de deux mois prévu par les articles 1345-1 et 1345-2 suffit à libérer le débiteur ce qui est un changement considérable.

Afin d’éviter que le débiteur ne se donne un titre de libération à lui-même alors qu’il n’offre pas un paiement satisfactoire ou que le créancier s’oppose pour une autre raison légitime au paiement, il était nécessaire de suspendre l’efficacité de la mise en demeure au caractère illégitime de l’obstruction du créancier.

C’est la fonction de la double condition posée par l’article 1345 (l’absence de motifs légitimes).

Quelles sont les effets de cette mise en demeure du créancier.

C’est un préalable nécessaire à la libération du débiteur (article 1345-1 et 1345-2) mais elle produit déjà en elle-même plusieurs effets :

1)    la mise en demeure arrête le cours des intérêts dus par le débiteur

2)    la mise en demeure met les risques de la chose à la charge du créancier

3)    la mise en demeure n’interrompt pas la prescription.

Cela est curieux car elle semble impliquer une reconnaissance de sa dette par le débiteur, pour autant le texte précise qu’elle ne produit pas l’effet interruptif prévu par l’article 2248.

Les articles suivants disposent pour l’article 1345-1, si l’obstruction n’a pas pris fin dans les deux mois de la mise en demeure, le débiteur peut, lorsque l’obligation porte sur une somme d’argent, la consigner à la Caisse des Dépôts et Consignations ou, lorsque l’obligation porte sur la livraison d’une chose, séquestrer celle-ci auprès d’un gardien professionnel.

Si le séquestre de la chose est impossible ou trop onéreux, le Juge peut en autoriser la vente amiable ou aux enchères publiques.

Déduction faite des frais de la vente, le prix en est consigné à la Caisse des Dépôts et Consignations.

La consignation ou le séquestre libère le débiteur à compter de leur notification au créancier.

Ainsi, il y a donc une obligation de consignation au séquestre de la somme ou de la chose due qui n’ont pas à être préalablement autorisés en justice.

Il y a des spécificités lorsque le séquestre est impossible ou trop onéreux dans ce cas là, le débiteur peut obtenir l’autorisation judicaire de faire vendre la chose amiablement ou aux enchères publiques.

Enfin l’alinéa 3 prévoit que le débiteur est libéré à compter de la notification de la consignation ou du séquestre qu’il adresse au créancier.

Enfin, l’article 1345-2 dispose :

« Lorsque l’obligation porte sur un autre objet, le débiteur est libéré, si l’obstruction n’a pas cessé dans les deux mois de la mise en demeure ».

Cet article a pour domaine d’application les obligations portant sur un autre objet que celui évoqué à l’article 1345-1 c'est-à-dire la livraison d’une chose ou d’une somme d’argent.

On peut donc penser qu’il concerne les obligations de faire ou de ne pas faire.

A leur égard aucun séquestre n’est concevable, c’est pourquoi l’article prévoit que le débiteur est libéré dès lors que l’obstruction n’a pas cessé dans les deux mois de la mise en demeure.

Cette disposition totalement nouvelle suscite deux difficultés sérieuses.

La première est de preuve.

Conformément à la règle posée par l’alinéa 2 de l’article 1353, la charge de la preuve devait peser sur le débiteur lequel se prétend libéré en raison de la persistance de l’obstruction :

« Celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ».

Cela ne sera pas simple.

La seconde difficulté concerne les effets de la libération.

Dans les cas où l’obligation procède à un contrat synallagmatique, la libération du débiteur s’accompagne telle de celle du créancier ?

La question reste posée.

Enfin, l’article 1345-3 du Code Civil dispose que les frais de la mise en demeure et de la consignation ou du séquestre sont à la charge du créancier. C’est la reprise en substance de l’ancien article 1260 du Code Civil.