Aussitôt sortie du regard acéré du Conseil constitutionnel, le gouvernement s’est empressé de publier la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice au journal officiel[1] ; celle-ci contient des volets relatifs à la procédure de saisie-immobilière dans l’article 14 aux 2°, 3° et 4°.

Or, l’article 109 V de la Loi, qui envisage les dispositions transitoires, précise que les 1° et 5° de l'article 14 entrent en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'Etat, et au plus tard le 1er janvier 2020, ce qui signifie que les 2°, 3° et 4° du même article sont entrée en vigueur.

Quels changements apportent-ils ?

Le 2° de l’article 14 donne une rédaction plus souple de l’alinéa 1 de l’article L.311-5 du code des procédures civiles d'exécution, celui-ci qui était ainsi rédigé :

« Le créancier qui a procédé à la saisie d'un immeuble de son débiteur ne peut engager une nouvelle procédure de saisie sur un autre bien immobilier de celui-ci que dans le cas d'insuffisance du bien déjà saisi »,

sera désormais ainsi rédigé :

« Le créancier ne peut procéder à la saisie de plusieurs immeubles de son débiteur que dans le cas où la saisie d'un seul ou de certains d'entre eux n'est pas suffisante pour le désintéresser et désintéresser les créanciers inscrits».

L’ancienne rédaction ne permettait que la saisie d’un seul immeuble du débiteur et une saisie sur un autre immeuble n’était possible que si la valeur du premier était insuffisante. Aujourd’hui, la saisie simultanée de plusieurs immeubles est possible si la valeur d’un seul ne suffit pas à désintéresser tousles créanciers inscrits.

Mais l’évolution la plus notable réside dans le 3° de l’article 14.

Par une application stricte du texte, il avait été jugé que le jugement d'orientation qui ordonne la vente forcée de l'immeuble saisi interdit de procéder à la vente du bien selon une autre modalité que celle qu'il a prévue, fermant la porte à une vente de gré à gré[2].

Dans un souci d’amélioration de la procédure de saisie immobilière, l’article L.322-1 du code des procédures civiles d'exécution est complété par un aliéna pour permettre le recours à la vente de gré à gré, en cas d’accord unanime de toutes les parties, après que la vente forcée ait été ordonnée et tant que les enchères n’ont pas été ouvertes (ce qui écarte la vente après surenchère ou réitération des enchères) :

« En cas d'accord entre le débiteur, le créancier poursuivant, les créanciers inscrits sur l'immeuble saisi à la date de la publication du commandement de payer valant saisie, les créanciers inscrits sur l'immeuble avant la publication du titre de vente et qui sont intervenus dans la procédure ainsi que le créancier mentionné au 1° bis de l'article 2374 du code civil, ils peuvent également être vendus de gré à gré après l'orientation en vente forcée et jusqu'à l'ouverture des enchères».

Pour autant, des questions demeurent :

  • il faudra envisager les modalités de saisine du juge de l’exécution après cette vente en adaptant certainement les dispositions de l’article R.322-25 du code des procédures civiles d’exécution,
  • il faudra s’interroger sur le sort des créanciers de l’article 2375 du code civil qui participent à la distribution[3]mais qui ne sont pas consultés pour donner leur accord dans la vente de gré du nouvel alinéa précité
  • il faudra compléter l’article A.444-191 V du code de commerce qui prévoit qu’en cas de vente amiable sur autorisation judiciaire, l'avocat poursuivant perçoit l'émolument perçu par les notaires en application de l'articleA.444-91 ; émolument à la charge de l’acquéreur en sus du prix (article 1593 du code civil et article 14, annexe 1 des clauses-type du cahier des conditions de vente du RIN),
  • il faudra s’interroger sur la possibilité de cette vente lorsque elle sera envisagée à un prix inférieur au prix plancher retenu par le juge lorsque la vente amiable sur autorisation judicaire acceptée dans le jugement d’orientation aura échouée.

Enfin, le 4° de l’article 14 propose un remodelage de l’article L.322-4 du code des procédures civiles d’exécution dont la rédaction maladroite était contraire aux règles déontologiques du notariat puisqu’il semblait indiquer la nécessité pour le notaire de consigner à la caisse des dépôts et consignation, non seulement le prix, mais aussi les frais de la vente.

Dans la pratique, les frais de notaire (frais de la vente) comprennent les droits de mutation, la contribution de sécurité immobilière, les émoluments du notaire de l’article A.444-91 et les débours, 

Or, le notaire ne peut, sans engager sa responsabilité, recevoir l’acte de vente s’il ne s’est pas assurer de disposer des sommes suffisantes pour couvrir les frais ci-dessus énumérés, et le texte semblait l’en empêcher.

La nouvelle rédaction ci-dessous répond à ce doute et désormais, les frais de la vente n’ont plus à être consignés (d’ailleurs, dans la pratique, ils ne l’étaient que rarement, le notaire faisant prévaloir ses devoirs sur ce texte) :

« L'acte notarié de vente n'est établi que sur consignation du prix auprès de la Caisse des dépôts et consignations et justification du paiement des frais de la vente et des frais taxés ».

Ainsi, l’acquéreur devra payer les frais de notaire (comprenant ses émoluments et les débours) entre les mains de ce dernier et les frais taxés (comprenant les émoluments de l’avocat poursuivant et les frais de la procédure) entre les mains de l’avocat poursuivant.

Il sera ici rappelé que la vente amiable sur autorisation judiciaire reste une vente judiciaire, donc l’acquéreur supportera les émoluments du notaire et ceux de l’avocat, ce qui est l’équivalent des émoluments qu’il aurait eu à supporter s’il avait été déclaré adjudicataire sur une vente forcée (les émolument en vente judiciaire sont en coefficient 2).

Reste désormais à attendre la partie réglementaire…

 

 

[1]JORF du 24 mars 2019

[2]Civ.2, 9 avril 2015, n° 14-16878

[3]article L.331-1 du code des procédures civiles d’exécution