N° 380
APPEL CIVIL

Procédure avec représentation obligatoire. - Conclusions. - Conclusions de l’appelant. - Délai. - Point de départ. - Détermination.

L’article 10 de l’arrêté du 30 mars 2011, selon lequel le message de données relatif à une déclaration d’appel provoque, conformément à l’article 748-3 du code de procédure civile, un avis de réception par les services du greffe auquel est joint un fichier récapitulatif reprenant les données du message tenant lieu de déclaration d’appel, ne remet pas en cause le point de départ du délai imparti par l’article 908 du code de procédure civile à l’appelant pour conclure, qui court à compter de la remise au greffe de la déclaration d’appel et non de l’édition du fichier récapitulatif reprenant les données du message de l’appelant.

2e Civ. - 6 décembre 2018. REJET

N° 17-27.206. - CA Paris, 27 janvier 2017.

Mme Flise, Pt. - M. Sommer, Rap. - Mme Vassallo, Av. Gén. - SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Thouin-Palat et Boucard, Av.

Doctrine : JCP 2019, éd. G, II, 132, note Romain Laffly ; Procédures 2019, comm. 43, note Hervé Croze.

N° 436
BAIL (règles générales)

Occupant du chef du locataire. - Responsabilité. - Action du bailleur. - Recevabilité. - Condition.

La recevabilité de l’action en responsabilité délictuelle formée par le bailleur contre un occupant du chef du locataire n’est pas subordonnée à la mise en cause du locataire.

3e Civ. - 20 décembre 2018. CASSATION

N° 17-31.461. - CA Versailles, 16 mai 2017.

M. Chauvin, Pt. - Mme Collomp, Rap. - M. Sturlèse, Av. Gén. - SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Hémery, Thomas-Raquin et Le Guerer, Av.

N° 437
BAIL D’HABITATION

Bail soumis à la loi du 6 juillet 1989. - Accords collectifs de location. - Accord collectif du 9 juin 1998. - Domaine d’application. - Exclusion. - Cas. - Vente par adjudication volontaire ou forcée.

L’accord collectif de location du 9 juin 1998 n’est pas applicable en cas de vente par adjudication volontaire ou forcée.

3e Civ. - 20 décembre 2018. REJET

N° 18-10.355. - CA Aix-en-Provence, 9 novembre 2017.

M. Chauvin, Pt. - Mme Collomp, Rap. - M. Sturlèse, Av. Gén. - SCP Didier et Pinet, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Potier de la Varde, Buk-Lament et Robillot, Av.

Doctrine : Rev. loyers 2019, p. 27, note Vivien Zalewski-Sicard.

N° 384
BANQUE

Chèque. - Paiement. - Opposition du tireur. - Mainlevée. - Compétence exclusive. - Juge des référés.

Le juge des référés est seul compétent pour ordonner, en application de l’article L. 131-35, alinéa 4, du code monétaire et financier, la mainlevée d’une opposition au paiement d’un chèque.

Com. - 5 décembre 2018. REJET

N° 17-22.658. - CA Douai, 11 mai 2017.

Mme Mouillard, Pt. - M. Blanc, Rap. - M. Le Mesle, P. Av. Gén. - SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, Av.

Doctrine : JCP 2019, éd. G, II, 143, note Jérôme Lasserre Capdeville.

N° 439
BORNAGE

Action en bornage. - Conditions. - Exclusion. - Cas. - Fonds séparés par une limite naturelle.

L’action en bornage ne peut être exercée lorsque des fonds sont séparés par une limite naturelle.

Dès lors, une cour d’appel déduit exactement de la séparation de parcelles par une falaise dessinant une limite, non seulement naturelle mais encore infranchissable sans moyens techniques appropriés, que l’action tendant à les borner n’est pas fondée.

3e Civ. - 13 décembre 2018. REJET

N° 17-31.270. - CA Riom, 17 juillet 2017.

M. Chauvin, Pt. - M. Jariel, Rap. - M. Burgaud, Av. Gén. - SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Piwnica et Molinié, Av.

Doctrine : RD imm. 2019, p. 90, note Jean-Louis Bergel.

N° 447
COPROPRIÉTÉ

Administrateur provisoire. - Désignation. - Désignation par ordonnance sur requête. - Conditions. - Expiration du mandat en cours du syndic.

Un administrateur provisoire d’une copropriété ne peut être désigné sur le fondement de l’article 47 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 que si aucun mandat de syndic n’est plus en cours.

Dès lors, est légalement justifié l’arrêt confirmant la désignation d’un administrateur provisoire à compter de l’expiration du mandat en cours du syndic, ce dont il résulte que le mandat du syndic avait expiré lors de la prise de fonction de l’administrateur provisoire.

3e Civ. - 20 décembre 2018. REJET

N° 17-28.611. - CA Orléans, 20 novembre 2017.

M. Chauvin, Pt. - Mme Dagneaux, Rap. - M. Sturlèse, Av. Gén. - SCP Rousseau et Tapie, SCP Le Griel, Av.

N° 404
INDIVISION

Chose indivise. - Amélioration ou conservation. - Impenses nécessaires. - Définition. - Taxe d’habitation. - Règlement par un indivisaire. - Créance sur l’indivision. - Applications diverses.

La taxe d’habitation, afférente à un immeuble indivis, constitue une dépense de conservation de celui-ci, au sens de l’article 815-13, alinéa 1, du code civil.
L’indivisaire qui a employé ses deniers personnels pour faire face à cette dépense dispose d’une créance de ce chef à l’encontre de l’indivision.

1re Civ. - 5 décembre 2018. CASSATION PARTIELLE

N° 17-31.189. - CA Paris, 30 novembre 2016.

Mme Batut, Pt. - Mme Bozzi, Rap. - SCP Ohl et Vexliard, SCP Piwnica et Molinié, Av.

Doctrine : JCP 2018, éd. N, Act., 112, note Virginie Godron.

N° 414
PRESCRIPTION CIVILE

Délai. - Computation. - Modalités. - Détermination.

Les règles de computation des délais de procédure, énoncées aux articles 641 et 642 du code de procédure civile, prévoyant que le délai expire à la fin du jour portant le même quantième que celui du point de départ, sont sans application en matière de prescription, pour laquelle, selon l’article 2229 du code civil, la prescription est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli.

Il en résulte que le délai quinquennal de prescription ayant commencé à courir le 19 juin 2008, en application de l’article 26, II, de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, est expiré le 18 juin 2013 à vingt-quatre heures.

1re Civ. - 12 décembre 2018. CASSATION PARTIELLE

N° 17-25.697. - CA Aix-en-Provence, 15 juin 2017.

Mme Batut, Pt. - Mme Le Gall, Rap. - M. Chaumont, Av. Gén. - SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, Me Occhipinti, Av.

Doctrine : Procédures 2019, comm. 39, note Yves Strickler.

N° 448
DIVORCE, SÉPARATION DE CORPS

Effets. - Liquidation du régime matrimonial. - Partage. - Juge aux affaires familiales. - Compétence spéciale. - Etendue. - Limites. - Détermination. - Portée.

La compétence attribuée au juge aux affaires familiales par l’article L. 213-3 du code de l’organisation judiciaire pour connaître de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux ainsi que des demandes relatives au fonctionnement des régimes matrimoniaux n’exclut pas la compétence d’une autre juridiction pour se prononcer, à titre incident, sur la composition de la communauté.

1re Civ. - 19 décembre 2018. REJET

N° 17-27.145. - CA Colmar, 8 septembre 2017.

Mme Batut, Pt. - M. Vigneau, Rap. - Mme Caron-Deglise, Av. Gén. - SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Bénabent, Av.

Doctrine : Procédures 2019, comm. 42, note Yves Strickler.

N° 452
ENTREPRISE EN DIFFICULTÉ (loi du 26 juillet 2005)

Liquidation. - Nullité des actes pendant la période suspecte. - Action en nullité. - Obstacle. - Effets. - Admission d’une créance à titre privilégiée. - Chose jugée. - Report de la date de cessation des paiements. - Absence d’influence.

L’autorité de la chose jugée attachée à la décision d’admission d’une créance à titre privilégié, à raison de l’inscription d’une hypothèque judiciaire, fait obstacle à l’action en nullité de cette inscription sur le fondement de l’article L. 632-1, I, 6°, du code de commerce, même en cas de report de la date de la cessation des paiements.

Com. - 19 décembre 2018. CASSATION

N° 17-19.309. - CA Poitiers, 28 mars 2017.

M. Rémery, Pt (f.f.). - Mme Schmidt, Rap. - SCP Capron, Me Rémy-Corlay, Av.

N° 455
1° ENTREPRISE EN DIFFICULTÉ (loi du 26 juillet 2005)

Sauvegarde. - Détermination du patrimoine. - Vérification et admission des créances. - Contestation d’une créance. - Décisions du juge-commissaire. - Incompétence. - Prononcé du sursis à statuer. - Absence. - Conséquences. - Détermination.

2° ENTREPRISE EN DIFFICULTÉ (loi du 26 juillet 2005)

Sauvegarde. - Détermination du patrimoine. - Vérification et admission des créances. - Admission ou rejet des créances déclarées. - Compétence exclusive. - Juge-commissaire. - Portée.

1° Il résulte de l’article L. 624-2 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 12 mars 2014, que le défaut de prononcé du sursis à statuer sur l’admission des créances par un juge-commissaire s’étant déclaré incompétent pour statuer sur une contestation n’a pas pour effet de conférer au tribunal jugeant au fond le pouvoir de statuer sur la régularité de la déclaration de créance.

2° Il résulte du même texte que, sauf constat de l’existence d’une instance en cours, le juge-commissaire a une compétence exclusive pour décider de l’admission ou du rejet des créances déclarées et qu’après une décision d’incompétence du juge-commissaire pour trancher une contestation, les pouvoirs du juge compétent régulièrement saisi se limitent à l’examen de cette contestation.

Com. - 19 décembre 2018. CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI

N° 17-15.883. - CA Aix-en-Provence, 5 janvier et 29 juin 2017.

N° 417
PROCÉDURE CIVILE

Notification. - Signification. - Signification à personne. - Personne morale. - Copie de l’acte de signification. - Mention de l’habilitation. - Nécessité.

Doit être censurée la cour d’appel qui a retenu qu’un acte destiné à une personne morale avait été remis à personne habilitée à le recevoir alors que la copie signifiée d’un acte d’huissier de justice tient lieu d’original pour la partie à laquelle elle a été remise ou adressée et qu’il n’y était pas mentionné que la personne ayant accepté l’acte était habilitée à cette fin mais que la remise avait été faite à personne présente au domicile.

2e Civ. - 6 décembre 2018. CASSATION

N° 17-26.852. - CA Paris, 28 juin 2017.

Mme Flise, Pt. - Mme Dumas, Rap. - M. Aparisi, Av. Gén. - SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, Me Bouthors, Av.

Doctrine : JCP 2018, éd. G, Act., 1369, note Ludovic Lauvergnat.

N° 418
PROCÉDURE CIVILE

Parties. - Représentation. - Mandat. - Justification. - Domaine d’application. - Exclusion. - Cas. - Tiers qu’une personne a mandaté aux fins de donner mandat de représentation à un avocat.

La justification du mandat de représentation en justice prévu à l’article 416 du code de procédure civile s’impose à celui qui entend représenter ou assister une partie, et non au tiers qu’une personne a mandaté aux fins de donner un tel mandat à un avocat.

1re Civ. - 12 décembre 2018. IRRECEVABILITÉ ET CASSATION PARTIELLE

N° 17-19.387. - CA Paris, 2 juin 2015.

Mme Batut, Pt. - M. Truchot, Rap. - M. Chaumont, Av. Gén. - SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Foussard et Froger, SCP Marlange et de La Burgade, SCP Ohl et Vexliard, Av.

Doctrine : JCP 2018, éd. G, Act., 7, note Didier Cholet.

 N° 419
PROCÉDURE CIVILE

Pièces. - Communication. - Communication en temps utile. - Production la veille de l’ordonnance de clôture. - Pièces écartées par le juge. - Pièces visées par des conclusions déclarées recevables. - Absence d’influence.

Une cour d’appel qui retient souverainement que des pièces produites la veille de l’ordonnance de clôture n’ont pas été communiquées en temps utile en déduit exactement que ces pièces doivent être écartées des débats, quand bien même les dernières conclusions qui les visent ont été déclarées recevables.

2e Civ. - 6 décembre 2018. CASSATION PARTIELLE

N° 17-17.557. - CA Montpellier, 2 mars 2017.

Mme Flise, Pt. - M. Sommer, Rap. - Mme Vassallo, Av. Gén. - SCP Zribi et Texier, Me Brouchot, Av.

Doctrine : JCP 2018, éd. G, Act., 1368, note Gaëlle Deharo ; Gaz. Pal. 2019, n° 4, p. 64, note Corinne Bléry ; RLDC 2019, n° 6537, p. 9, note Aude Dorange ; Procédures 2019, comm. 40, note Yves Strickler.

Note sous 2e Civ., 6 décembre 2019, n° 419 ci-dessus

L’arrêt rapporté de la deuxième chambre civile du 6 décembre 2018 rappelle les conditions dans lesquelles les juges peuvent, en procédure écrite, écarter des pièces communiquées peu avant la clôture et apporte une précision utile sur le lien qui unit les conclusions et les pièces dans la procédure contentieuse avec représentation obligatoire.

Dans un litige opposant une SCI bailleresse à une société locataire d’un local commercial, cette dernière avait relevé appel d’une ordonnance de référé ayant constaté la résiliation du bail, ordonné l’expulsion de la locataire et condamné celle-ci au paiement de diverses sommes.

La cour d’appel de Montpellier, après avoir dit recevables les dernières conclusions de la société locataire, remises la veille de la clôture, a néanmoins écarté des débats six pièces produites par l’appelante et a confirmé l’ordonnance déférée en actualisant la dette locative et en accordant des délais de paiement à la société.

Le pourvoi formé contre cet arrêt développait deux moyens de cassation, dont le premier seulement retiendra l’attention.

Deux griefs étaient articulés par le moyen contre les chefs de l’arrêt.

A la seconde branche, qui reprochait à la cour d’appel de n’avoir pas précisé les circonstances particulières ayant concrètement empêché le respect du principe de la contradiction si les pièces écartées avaient été déclarées recevables, la Cour a apporté une réponse qui s’inscrit dans la droite ligne de sa jurisprudence relative à la communication des écritures et des pièces dites de “dernière heure”.

On sait que si les parties ont la possibilité de remettre et de communiquer des conclusions et des pièces jusqu’au jour de la clôture, la seule réserve est celle du respect du principe de la contradiction, qui s’impose tant au juge qu’aux parties en vertu de l’article 16 du code de procédure civile.

Par un arrêt de sa chambre mixte du 3 février 20061, la Cour de cassation a décidé que relève de l’appréciation souveraine des juges du fond la constatation que les pièces n’ont pas été communiquées en temps utile au sens des articles 15 et 135 du code de procédure civile. Cette jurisprudence a été étendue aux conclusions par un second arrêt de chambre mixte du 26 mai 20062.

On ne s’étonnera donc pas de la reprise de cette solution, rappelée régulièrement par toutes les chambres de la Cour3, dans la réponse faite au demandeur au pourvoi en ces termes : “la cour d’appel a souverainement retenu qu’une partie n’avait pu valablement s’expliquer sur les dernières pièces produites la veille de l’ordonnance de clôture par la partie adverse, ce dont il résultait qu’elles n’avaient pas été communiquées en temps utile”.

Il s’ensuit que, s’il appartient aux juges d’appel de motiver leur décision sur ce point, la Cour de cassation renonce à exercer un contrôle de droit en la matière.

Plus intéressante était la seconde question soulevée par le moyen.

Le grief, pris d’une violation des articles 15 et 16 du code de procédure civile, invitait la Cour de cassation à préciser la nature du lien qui unit les conclusions et les pièces.

Le moyen soutenait que le juge qui déclare recevables des conclusions de “dernière heure”, signifiées peu avant la clôture, ne peut écarter des débats les pièces qui y sont jointes. La cour d’appel ne pouvait donc, selon le grief, écarter des pièces produites au soutien de conclusions recevables.

On relèvera d’emblée que l’auteur du pourvoi, en se prévalant d’une solidarité des écritures et des pièces, développait ainsi une thèse qui pouvait conduire à voir écarter des débats non seulement ses pièces, mais aussi ses conclusions.

Formulé autrement, le moyen posait la question de savoir si l’on peut déclarer des conclusions recevables, tout en écartant des pièces auxquelles celles-ci renvoient. En d’autres termes encore, il interrogeait la Cour sur la dissociabilité des conclusions et des pièces.

Deux arrêts rendus le 5 décembre 2014 par l’assemblée plénière de la Cour de cassation fournissent un éclairage au débat.

Le premier de ces arrêts4 approuve une cour d’appel d’avoir décidé que l’obligation de communiquer simultanément au dépôt et à la notification des conclusions les pièces produites à leur soutien ne lui impose pas d’écarter des débats des pièces dont la communication y contrevient, s’il est démontré que le destinataire de la communication a été mis, en temps utile, en mesure de les examiner, de les discuter et d’y répondre.

Le second arrêt5 décide que les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables doivent être écartées des débats. C’est l’objet même d’une pièce de venir au soutien d’une prétention, de sorte que l’on ne conçoit pas que des pièces puissent être accueilles aux débats sans conclusions. Signalons que le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 a codifié cette règle en ajoutant à l’article 906 du code de procédure civile un alinéa 3, qui dispose que “les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevables”.

Fallait-il bilatéraliser le lien entre conclusions et pièces et les unir de façon indéfectible en retenant que le juge ne peut écarter des pièces venant au soutien de conclusions recevables ?

Le professeur Roger Perrot s’interrogeait ainsi : “ce sont les pièces que les magistrats ont sous les yeux qui donnent vie aux prétentions respectives et qui le cas échéant emporteront la conviction : à quoi peuvent servir des écritures dont les pièces invoquées ne peuvent plus être utilisées ? Les écritures du procès sont condamnées à n’être finalement que du bois mort6.

Une telle orientation, qui, à certains égards, prolonge et étend la jurisprudence de l’assemblée plénière, pouvait notamment se recommander du lien serré qui unit les conclusions et les pièces aux termes des articles 15 et 954 du code de procédure civile, lien encore renforcé par le décret du 6 mai 2017 déjà cité, qui prévoit que les parties doivent indiquer dans leurs conclusions d’appel, pour chaque prétention, les pièces invoquées et leur numérotation.

On évoquera aussi un arrêt du 14 février 20087 ayant retenu que le juge qui se prononce sur la recevabilité de conclusions signifiées avant le prononcé de la clôture ne peut en recevoir une partie pour en écarter d’autres. Cette décision, qui consacre l’intégrité des conclusions en interdisant au juge d’en ignorer seulement une partie, consolide d’une certaine façon le lien écritures/pièces.

En dépit de ces arguments, la deuxième chambre civile a considéré que solidariser de manière bilatérale les conclusions et les pièces ne s’imposait pas avec évidence.

L’autonomie relative des conclusions et des pièces se justifie d’abord par la différence de nature de ces documents : un texte spécifique, l’article 135 du code de civile, régit en effet le sort des pièces.

Un arrêt de la deuxième chambre civile du 3 décembre 20158 a jugé, ensuite, que le défaut de communication de pièces en cause d’appel ne privait pas à lui seul les juges du fond de la connaissance des moyens et des prétentions de l’appelant. Sont ainsi dissociés l’examen des écritures et la preuve des prétentions qu’elles renferment. Si les pièces ne peuvent se passer des conclusions au soutien desquelles elles sont communiquées, l’inverse n’est pas nécessairement vrai et les conclusions ne perdent pas toute valeur à défaut des pièces qu’elles invoquent9. On peut conclure sans produire de pièces et sans étayer ses écritures.

Complétant la jurisprudence des arrêts de l’assemblée plénière du 5 décembre 2014 qui conjugue souplesse et rigueur, la deuxième chambre civile a considéré que s’il existait un lien intellectuel et logique fort entre conclusions et pièces, il doit être gardé à l’esprit la finalité du procès, qui est l’accès au fond du litige sans entraves inutilement contraignantes pour les parties.

La Cour de cassation a donc jugé que les juges pouvaient écarter des débats des pièces qu’une partie n’avait pas communiquées en temps utile, peu important que les dernières conclusions déposées par cette partie aient par ailleurs été déclarées recevables.

N° 422
RÉGIMES MATRIMONIAUX

Communauté entre époux. - Actif. - Composition. - Fruits et revenus des biens propres. - Définition. - Exclusion. - Plus-value réalisée lors de la vente d’un bien propre d’un époux.

Il résulte des articles 1401, 1403 et 1406 du code civil que la plus-value réalisée lors de la vente d’un bien propre d’un époux, due à l’évolution du marché ou l’érosion monétaire, n’est pas assimilée aux fruits et revenus entrant dans la communauté. Le prix de vente est lui-même un bien propre par l’effet de la subrogation réelle.

1re Civ. - 5 décembre 2018. CASSATION PARTIELLE

N° 18-11.794. - CA Douai, 9 novembre 2017.

Mme Batut, Pt. - M. Reynis, Rap. - M. Sassoust, Av. Gén. - SCP Ghestin, SCP Richard, Av.

N° 423
RÉGIMES MATRIMONIAUX

Communauté entre époux. - Passif. - Composition. - Dettes définitivement communes. - Cas. - Dettes nées pendant la communauté. - Emprunt contracté par un époux sans le consentement exprès de l’autre. - Condition.

Il résulte de l’article 1409 du code civil que, lorsqu’un époux contracte seul un emprunt, sans le consentement exprès de son conjoint, cette somme figure au passif de la communauté, à titre définitif ou sauf récompense, dès lors qu’il n’est pas établi que l’époux a souscrit cet engagement dans son intérêt personnel.
Selon l’article 1524 du même code, l’époux survivant qui recueille l’intégralité de la communauté doit en acquitter toutes les dettes.
Estimant qu’une dette, contractée par le seul époux, ne l’avait pas été dans son intérêt exclusif, une cour d’appel en a déduit à bon droit que l’épouse survivante, qui recueillait l’intégralité de la communauté, était tenue de rembourser la dette entrée en communauté du chef de son conjoint.

1re Civ. - 5 décembre 2018. REJET

N° 16-13.323. - CA Dijon, 10 décembre 2015.

Mme Batut, Pt. - M. Reynis, Rap. - M. Sassoust, Av. Gén. - SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, Av.

Doctrine : Defrénois 2018, n° 49, p. 5 ; AJ Famille 2019, p. 45, note Jérémy Houssier ; RLDC 2019, n° 6537, p. 8, note Julie Labasse.

N° 472
SUCCESSION

Partage. - Partage judiciaire. - Conditions. - Indivision. - Exclusion. - Cas. - Bénéficiaire d’une indemnité de retranchement et conjoint survivant.

Les bénéficiaires d’une indemnité de retranchement ne se trouvant pas en indivision avec le conjoint survivant, il ne peut être ordonné de partage judiciaire de la succession.

1re Civ. - 19 décembre 2018. CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI

N° 18-10.244. - CA Caen, 7 novembre 2017.

Mme Batut, Pt. - Mme Auroy, Rap. - SCP Foussard et Froger, Av.

Doctrine : JCP 2019, éd. N, Act., 167, note David Boulanger ; AJ Famille 2019, p. 104, note Nathalie Levillain.

N° 429
TESTAMENT

Interprétation. - Volonté du testateur. - Existence de testaments-partages. - Cas. - Testaments successifs compatibles entre eux assortis de libéralités en faveur de certains héritiers établis par des époux.

Les juges du fond interprètent souverainement la volonté du testateur. Ils peuvent déduire de l’appréciation globale de testaments successifs compatibles entre eux, seraient-ils assortis de libéralités en faveur de certains de leurs héritiers, établis par chacun des époux, l’existence de testaments-partages.
Toutefois, si les ascendants peuvent partager, par anticipation, leur succession, cette faculté est limitée aux biens dont chacun d’eux a la propriété et la libre disposition. Elle ne peut être étendue aux biens communs ni aux biens propres de leur conjoint. Et les dispositions de l’article 1423 du code civil ne peuvent s’appliquer qu’aux légataires et non aux héritiers, dont les parts doivent être déterminées au moment du décès de leur ascendant et ne sauraient être subordonnées au résultat futur et incertain du partage ultérieur de la communauté
Après avoir retenu que des testaments-partages établis en termes identiques par des époux portaient sur la totalité des biens dépendant de la communauté et, s’agissant de ceux de l’époux, sur des biens immobiliers appartenant en propre à son épouse, une cour d’appel en a exactement déduit que ces actes étaient nuls dans leur totalité.

1re Civ. - 5 décembre 2018. REJET

N° 17-17.493. - CA Limoges, 2 mars 2017.

Mme Batut, Pt. - Mme Reygner, Rap. - M. Sassoust, Av. Gén. - SCP Ortscheidt, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, Av.

Doctrine : Defrénois 2018, n° 50-51, p. 5 ; AJ Famille 2019, p. 37, note Nathalie Levillain ; RLDC 2019, n° 6537, p. 9, note Julie Labasse.

N° 431
VENTE

Pacte de préférence. - Bénéficiaire. - Exercice. - Conditions. - Décision de vendre le bien. - Date d’appréciation. - Détermination.

Le pacte de préférence implique l’obligation, pour le promettant, de donner préférence au bénéficiaire lorsqu’il décide de vendre le bien.
Dès lors, doit être cassé l’arrêt qui, pour rejeter les demandes du bénéficiaire d’un pacte de préférence, retient que seule la date de l’échange des consentements est à prendre en considération et que, l’acte signé étant une promesse unilatérale de vente, la vente ne pouvait prendre effet qu’à la levée de l’option, intervenue postérieurement à la date d’échéance du pacte.

3e Civ. - 6 décembre 2018. CASSATION

N° 17-23.321. - CA Fort-de-France, 25 avril 2017.

M. Chauvin, Pt. - Mme Farrenq-Nési, Rap. - M. Brun, Av. Gén. - SCP Foussard et Froger, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Potier de la Varde, Buk-Lament et Robillot, SCP Spinosi et Sureau, Av.

Doctrine : Gaz. Pal. 2019, n° 3, p. 21, note Bélinda Waltz-Teracol ; RLDAff. 2019, n° 6625 ; RLDC 2019, n° 6537, p. 6, note Pauline Fleury ; D. 2019, p. 294, note Sandrine Tisseyre, et pan., p. 280 et 288, note Mustapha Mekki ; JCP 2019, éd. G, chron. 183, spéc. n° 32, note Grégoire Loiseau.

NOTES

1 Chambre mixte, 3 février 2006, pourvoi n° 04-30.592, Bull. 2006, ch. mixte, n° 2.
2 Chambre mixte, 26 mai 2006, pourvoi n° 03-16.800, Bull. 2006, Ch. mixte, n° 3.
3 2e Civ., 22 mars 2006, pourvoi n° 05-16.083, Bull. 2006, II, n° 84 ; 2e Civ., 2 juillet 2009, pourvoi n° 08-12.171 ; Com., 18 mai 2010, pourvoi n° 09-15.227 ; 2e Civ., 27 février 2014, pourvoi n° 12-27.907 ; 1re Civ., 28 mai 2014, pourvoi n° 13-14.266 ; 2e Civ., 28 septembre 2017, pourvoi n° 16-22.936 ; 3e Civ., 28 juin 2018, pourvoi n° 17-16.481.
4 Assemblée plénière, 5 décembre 2014, pourvoi n° 13-19.674, Bull. 2014, Ass. plén, n° 3 ; JCP, éd. G, 10 février 2014, 161, note B. Travier et R. Guichard ; H. Croze, Procédures, février 2015, comm. 28 ; L. Raschel, Chronique de jurisprudence de procédure civile, Gaz. Pal. 16 juin 2015, p. 27.
5 Assemblée plénière, 5 décembre 2014, pourvoi n° 13-27.501, Bull. 2014, Ass. plén, n° 2 ; H. Croze, Procédures, février 2015, n° 29 ; voir aussi 2e Civ., 13 novembre 2015, pourvoi n° 14-19.931, Bull. 2015, II, n° 249, D 2016, chronique de jurisprudence de la deuxième chambre civile, p. 736 ; 23 juin 2016, pourvoi n° 15-10.831.
6 R. Perrot, “Appel, signification des conclusions et communication des pièces simultanément”, RTD civ. 2012, p. 772.
7 2e Civ., 14 février 2008, pourvoi n° 07-13.391, Bull. 2008, II, n° 34.
8 2e Civ., 3 décembre 2015, pourvoi n° 14-25.413, Bull. 2015, II, n° 269 ; H. Croze, Procédures, février 2016, com. 40.
9 H. Adida-Canac, Thomas Vasseur et E. De Leiris, D. 2016, chronique de jurisprudence de la deuxième chambre civile, p. 736.