Contexte de l'association et abus de dépendance économique dénoncé

La Cour de cassation précise les conditions dans lesquelles peut être caractérisé ou non un vice du consentement résultant d'un abus de dépendance économique. Dans cette affaire concernant une cession de titres, la nullité d'une clause d'ajustement de prix était demandée par le cédant sur ce fondement.

Lorsque le cédant a cédé la totalité de ses parts au cessionnaire, une clause d'ajustement de prix a été insérée à l'acte. Le cessionnaire a exigé une réduction du prix compte tenu de la variation des capitaux propres.

L'abus de dépendance économique dénoncé portait sur l'insertion de la clause de révision de prix deux jours avant la cession des titres, après qu'une restructuration de l'entreprise cédée ait été conduite par les cédants à la demande du cessionnaire et en vue de la cession.

En appel, la Cour d'appel de Rennes a écarté le vice du consentement, concluant que les cédants, bien que dépendants, n'avaient pas contesté la clause avant la signature et étaient assistés par des conseillers professionnels. Elle a également noté qu'un avenant précisant des aspects de la clause avait été signé le jour même de l'acte de cession, démontrant une négociation en cours.

 

Elements pris en compte pour écarter l'abus de dépendance économique : le contenu des négociations

La Cour de cassation a confirmé cette analyse, jugeant que les cédants ne prouvaient pas avoir été contraints. La Cour relève que les cédants ne démontrent pas qu'ils n'avaient pas eu la possibilité de refuser la clause alors qu'une négociation avait eu lieu sur ce point. Ils ne démontrent pas plus avoir tenté de s'opposer à l'ajout de cette clause de révision de prix, alors qu'au contraire, ils l'ont négocié et ont demandé à la préciser :

"5. Après avoir relevé, par motifs propres, que, le 4 octobre 2017, la société Equip'jardin avait transmis à M. et Mme [X] un projet d'acte de cession à régulariser avant le 6 octobre suivant, comprenant la clause d'ajustement de prix litigieuse et, par motifs adoptés, que ceux-ci avaient été assistés de leur avocat et de leur expert-comptable tout au long des négociations avec la société Equip'jardin, l'arrêt retient que, si M. et Mme [X] se trouvaient en état de dépendance à l'égard de la société Equip'jardin, il n'est pas justifié qu'ils aient tenté, avant la signature de l'acte de cession, de s'opposer aux nouvelles exigences de la société Equip'jardin. L'arrêt ajoute que, par un avenant du 6 octobre 2017 conclu le jour même de la signature de l'acte de cession, M. et Mme [X], d'une part, sont convenus de préciser la notion de capitaux propres retraités énoncée dans la clause d'ajustement de prix, d'autre part, ont inclus une clause de complément de prix au titre d'une éventuelle indemnité perçue de la société Honda et, qu'ainsi, des négociations entre M. et Mme [X] et la société Equip'jardin sur le prix définitif de cession ont eu lieu le jour de la signature du contrat de cession.

6. De ces constatations et appréciations souveraines, faisant ressortir que M. et Mme [X] avaient conservé la faculté de ne pas déférer aux exigences de la société Equip'jardin, la cour d'appel, qui pouvait se fonder sur des éléments concomitants ou postérieurs à la date de formation du contrat afin d'apprécier la réalité du vice du consentement allégué, a pu déduire qu'aucun abus n'était caractérisé à l'encontre de la société Equip'jardin, de sorte que le vice du consentement allégué n'était pas établi." (Cour de cassation, 10 juillet 2024, n° 22-21.947).

 

Impact sur la conduite des négociations

Cette jurisprudence, bien que concernant une cession de titres, est tranposable de manière générale en droit de la vente, y compris en matière de vente de fonds de commerce ou de vente immobilière. Les parties doivent être particulièrement vigilantes dans un contexte où un état de dépendance peut être caractérisé dès lors qu'il est question d'intégrer des clauses nouvelles, ayant un impact significatif sur les engagements réciproques (clause de révision de prix, garantie d'actif et de passif, etc.).

Il est donc essentiel de tracer précisément la phase précontractuelle et de disposer de preuves de la conduite des négociations, et du contenu de celles-ci. C'est à cette aune que le juge pourra apprécier l'existence d'un abus de dépendance économique.

 

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Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes

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