Défaillance de la condition suspensive et démarches entreprises par l'acquéreur pour la restitution

Dans cette affaire, les vendeurs ont consenti, le 8 septembre 2015, une promesse unilatérale de vente sous condition suspensive d’obtention de prêt à l'acquéreur qui a versé une indemnité d’immobilisation d’un montant de 10% du prix de vente soit 99 500 euros.

N’ayant pas obtenu son prêt, l’acheteur a mis en demeure les vendeurs, les 12 juillet 2017 et 6 janvier 2020, de lui restituer la somme consignée et les a assignés de ce chef.

 

Position de la Cour d'appel de Paris : la demande en restitution est prescrite

La Cour d'appel de Paris a estimé l'action prescrite, estimé que le point de départ du délai de prescription de cinq ans (Code civil, article 2224) devait être fixé le jour du terme du délai de réalisation de la condition suspensive, soit le 8 novembre 2015, l’assignation intervenue les 16 et 17 novembre 2020 était donc tardive, le délai expirant le 8 novembre 2020 :

"Attendu que selon les dispositions de l'article L. 312-16, alinéa 2, du code de la consommation, devenu l'article L. 313-41, lorsque la condition suspensive d'obtention d'un prêt n'est pas réalisée, toute somme versée d'avance par l'acquéreur à l'autre partie ou pour le compte de cette dernière est immédiatement et intégralement remboursable sans retenue ni indemnité à quelque titre que ce soit ; qu'il en résulte qu'en l'espèce dès l'expiration de la date prévue pour la réalisation de la condition suspensive, soit le 7 novembre 2015, M. [N] pouvait réclamer le remboursement de la somme réglée aux promettants au titre de l'indemnité d'immobilisation ; que par conséquent, le délai de prescription quinquennal applicable à l'action engagée par M. [N] a expiré le 7 novembre 2020 ; que cette action engagée les 16 et 17 novembre 2020 est donc prescrite ; qu'il convient de confirmer l'ordonnance" (Cour d'appel de Paris, 30 septembre 2022, n°22/00936).

 

Position de la Cour de Cassation : confirmation de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris

La Cour de cassation confirme purement et simplement la position de la Cour d'appel de Paris. Elle juge que conformément à l'article 2224 du code civil, le point de départ de la prescription de l'action en exécution d'une obligation se situe au jour où le créancier a su ou aurait dû savoir que celle-ci était devenue exigible et non à la date à laquelle il a eu connaissance du refus du débiteur de l'exécuter :

"Réponse de la Cour

6. Conformément à l'article 2224 du code civil, le point de départ de la prescription de l'action en exécution d'une obligation se situe au jour où le créancier a su ou aurait dû savoir que celle-ci était devenue exigible et non à la date à laquelle il a eu connaissance du refus du débiteur de l'exécuter.

7. La cour d'appel a rappelé que, selon les dispositions de l'article L. 312-16, alinéa 2, devenu l'article L. 313-41, du code de la consommation, lorsque la condition suspensive d'obtention d'un prêt n'est pas réalisée, toute somme versée d'avance par l'acquéreur à l'autre partie ou pour le compte de cette dernière est immédiatement et intégralement remboursable sans retenue ni indemnité à quelque titre que ce soit.

8. Elle en a exactement déduit, sans être tenue de répondre à des conclusions inopérantes concernant les modalités de la libération des fonds par le séquestre, que la demande, formée plus de cinq ans après la date à laquelle l'indemnité était devenue immédiatement remboursable du fait de la défaillance de la condition suspensive, était irrecevable comme prescrite.

9. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision." (Cour de cassation, Chambre civile 3, 11 juillet 2024, n°22-22.058)

 

Conséquence pratique : saisir rapidement son conseil en cas de refus de restituer l'indemnité d'immobilisation

En cas de défaillance d'une conditions suspensive, il ne faut donc pas tarder à mettre en demeure et à saisir la justice, seule la demande de justice interrompant la prescription. Il n'est aujourd'hui plus possible de faire valoir que la prescription commence à courrir à la date ou l'acquéreur à eu une connaissance effective d'un refus des vendeurs de restituer l'indemnité d'immobilisation, comme l'acquéreur a tenté sans succès de le faire valoir dans cette affaire.

Les clauses de la promesse de vente qui prévoient un processus et un commun accord des parties pour permettre au notaire séquestre de restituer les fonds ne permettent pas de retarder le point de départ de la prescription. Il faut donc prendre la question au sérieux et rapidement franchir les étapes contractuelles pour pouvoir assigner avant que la prescription ne soit acquise aux vendeurs.

 

Le cabinet est à votre écoute :

  • Pour vous aider à prévenir, mesurer, réduire et éviter les risques induits dans le cadre de vos opérations immobilières ;
  • Pour vous accompagner à chaque étape du processus, et en particulier dans la négociation avec les différentes parties prenantes, en veillant à la sécurité juridique globale de l'opération ;
  • Plus globalement, sécuriser juridiquement vos projets immobilier et/ou de construction en identifiant, évaluant et prévenant les risques juridiques, notamment en matière de conditions suspensives ;
  • Le cas échéant, défendre de vos intérêts devant les juridictions.

Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes

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