Bail emphytéotique et société civile immobilière
Il s'agit d'une figure fréquente dans les opérations immobilières impliquant un bail emphytéotique. Une société civile immobilière prend les lieux à bail emphytéotique et les sous-loue à son tour à une société d'exploitation.
Le cadre contractuel : bail emphytéotique, bail commercial et convention de mise à disposition d'une piscine
Dans cette affaire jugée par la Cour administrative d'appel de Nancy, la commune a donné à bail emphytéotique à une SCI portant sur un complexe immobilier pour l'exercice d'une activité d'hôtellerie et restauration.
A ce bail était annexée une convention signée entre la commune et la société civile immobilière par laquelle l'établissement thermal de la commune donnait la jouissance de sa piscine-baignade jouxtant ce complexe immobilier.
A son tour, la SCI a donné à bail commercel ce complexe à une SAS. A la suite, la convention portant sur la piscine a été transférée à cette société.
C'est dans ce contexte contractuel que la commune a décidé de fermer la piscine après transfert sur un nouveau site et de ne pas renouveler la convention.
Refus d'indemniser la SCI, son préjudice étant hypothétique et indirect
La SCI saisit alors le Tribunal Administratif et sollicite la réparation du préjudice qu'elle estime subir de cette décision, qu'elle considère fautive au regard des clauses du bail emphytéotique.
Pourtant, les juges vont écarter toute indemnisation :
- La cessation de la mise à disposition de la piscine n'est pas fautive, puisque la SCI n'en était plus titulaire, la SAS étant seule bénéficiaire depuis le transfert ;
- Le préjudice dont se prévaut la SCI, à savoir "un risque de dénonciation du bail ou à tout le moins à une diminution du loyer et la valeur de son droit au bail est devenue purement symbolique" est indirect et hypothétique.
"6. Pour solliciter une indemnisation à hauteur de 100 000 euros, la requérante fait valoir que par la décision de fermer la piscine au 31 décembre 2016, la commune a méconnu les stipulations du bail emphytéotique qui prévoient, au nombre des conditions particulières, l'exploitation de la piscine et renvoient à une convention annexe. Toutefois la cessation de la mise à disposition de la piscine au bénéfice de la SCI ne résulte pas de la décision de la commune de fermer la piscine mais de la convention signée avec la société Grand hôtel des bains qui est devenue à compter du 1er janvier 2002 la seule bénéficiaire de la mise à disposition. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision de la commune de fermer la piscine méconnaît les stipulations du bail emphytéotique relatives à cet équipement ou aurait entraîné sa résiliation. 7. Par ailleurs et en tout état de cause, le préjudice invoqué par la requérante est hypothétique et insuffisamment direct, la SCI du Complexe immobilier de l'hôtel des bains ne justifiant ni d'une baisse du montant des loyers perçus de la société Grand hôtel des bains en relation avec l'absence de piscine, ni d'un lien entre cette baisse de loyers et la baisse du chiffre d'affaires de la Société Grand hôtel des bains, à la supposer avérée, résultant de l'absence de piscine. 8. En conséquence, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la seconde fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande, la société civile immobilière du Complexe Immobilier de l'Hôtel des Bains n'est pas fondée à demander à être indemnisée des préjudices nés de la fermeture de la piscine au 31 décembre 2016." (Cour administrative d'appel de Nancy, 8 octobre 2024, n°20NC02734).
Précautions de rédaction : lier les conventions entre elles
Pour conduire une action efficace, le locataire et le sous-locataire auraient gagné à :
- Négocier un ensemble contractuel cohérent, en faisant de la mise disposition de la piscine une condition essentielle du bail emphytéotique ;
- Agir de concert vis-à-vis du bailleur, pour améliorer leurs chances d'obtenir satisfaction.
Pour éviter un litige complexe, les parties ont tout à gagner à se faire assister par un conseil préalablement à la conclusion du contrat, pour s'assurer de la cohérence et de la pertinence de sa rédaction.
Le cabinet est à votre écoute pour vous accompagner :
- Dans la revue de titres d'occupation et de baux à droits réels tels les baux emphytéotiques ou à construction, et plus généralement dans la définition du montage juridique de votre opération afin de s'assurer de leur conformité et de leur efficacité au regard de l'évolution jurisprudentielle ;
- Cartographier et mesurer les risques induits, ainsi que les mesures correctives à apporter s'agissant de contrat déjà conclus ;
- Vous assister dans la résolution des litiges qui en découlent, le cas échéant.
Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes
goulven.leny@avocat.fr - 06 59 96 93 12 - glenyavocat.bzh
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