Par un arrêt rendu en 2021, la Cour administrative d'appel de Bordeaux avait exclu l'obligation de mise en concurrence pour une opération portant sur le domaine privé des personnes publiques en vue de l'exercice d'une activité économique (CAA de BORDEAUX, 3ème chambre, 02/11/2021, 19BX03590, Inédit au recueil Lebon, n°19BX03590). Cette décision d'espèce a pu conduire à considérer qu'aucune mise en concurrence n'était requise pour les opérations portant sur le domaine privé, en raison de leur caractère "purement patrimonial".

Le cabinet avait alors fait part de sa réserve quant à une lecture trop littérale et généralisante de cette décision d'espèce, en rappelant qu'une analyse au cas par cas s'imposait (voir sur le blog : L'actualité de l'occupation du domaine des collectivités locales (2021), §2, 15/12/2021). En effet, il convenait d'adopter une lecture prudente, inspirée des termes de la jurisprudence de la Cour de justice européenne qui a conduit à l'évolution vers une obligation de mise en concurrence, pour l'application de laquelle le caractère public ou privé de la dépendance du domaine en cause est indifférente et qui s'attache plutôt aux caractéristiques particulières de cette dépendance, notamment sa rareté (CJUE, 14 juillet 2016, Promoimpresa Srl, C-458/14).

Intérrogé à l'Assemblée Nationale sur la compatibilité du statut des baux commerciaux, notamment en raison du droit au renouvellement inhérent à ce statut, avec l'occupation du domaine privé des personnes publiques, le Ministère confirme cette position et la nécessité de procéder par une analyse au cas par cas, en fonction de la situation de la dépendance en cause, de ses caractéristiques et de l'activité projetée dans les locaux :

"La décision de la Cour de justice de l'Union européenne du 14 juillet 2016 « Promoimpresa » (affaires n° C-458/14 et C67/15) soumet à des principes de transparence et de sélection préalable l'octroi de toute autorisation qui permet l'exercice d'une activité économique dans un secteur concurrentiel, sans opérer de distinction selon que cette activité s'exerce sur le domaine public ou sur le domaine privé des personnes publiques. Par un jugement du 19 août 2021, le tribunal judiciaire du Mans a écarté le droit à la « propriété commerciale » revendiqué par les titulaires d'un bail commercial sur le domaine privé, pour l'exploitation d'un restaurant. Le tribunal a en effet estimé qu'en application de l'article 12 de la directive 2006/123/CE dite « services », les preneurs ne pouvaient bénéficier d'un renouvellement automatique ou d'une indemnité d'éviction, en dépit de la protection résultant des articles L. 145-8 et suivants du code de commerce. Il a ainsi déclaré les occupants sans droit ni titre. Aucune autre jurisprudence ne semble encore être intervenue pour préciser les conséquences de la décision « Promoimpresa » sur le droit au renouvellement des baux commerciaux. Toutefois, ainsi que l'ont rappelé de précédentes réponses ministérielles, les principes de transparence et de sélection préalable ne s'appliquent que lorsque le titre d'occupation constitue une autorisation qui permet l'exercice d'une activité économique. Doit également être rempli le critère de rareté des ressources naturelles ou des capacités techniques utilisables. L'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), relatif à la liberté d'établissement, qui s'oppose également à la prorogation automatique d'un titre, ne s'applique quant à lui qu'à condition que la zone domaniale en cause présente un intérêt transfrontalier certain. On peut ainsi relever que, dans le cas soumis au tribunal judiciaire du Mans, était en cause l'exploitation d'un restaurant situé en bordure d'un étang, sur un terrain situé dans une forêt domaniale appartenant au domaine privé de l'État. Dans un autre cas, qui ne concernait certes pas un bail rural ou commercial, mais un bail emphytéotique, la cour administrative d'appel de Bordeaux, dans une décision du 2 novembre 2021 (n° 19BX03590), écarte l'application à la fois de la directive « services » et de l'article 49 du TFUE, au sujet d'un bail portant sur les murs et dépendances de l'hôtel du Palais, à Biarritz. La cour a relevé, en particulier, que l'accès à l'activité hôtelière ou son exercice n'était pas subordonné à la conclusion de ce bail et qu'il s'agissait d'une opération « purement patrimoniale ». Elle a également écarté le critère de rareté. En l'absence d'autre jurisprudence, il paraît difficile d'exclure, par principe, l'ensemble des baux commerciaux et ruraux, quel que soit leur objet et les parcelles concernées, du champ d'application de ces règles. Toutefois, il est permis de penser que les biens du domaine privé, davantage que ceux du domaine public, ne devraient pas remplir systématiquement l'ensemble des conditions conduisant à prohiber leur prorogation automatique." (Assemblée Nationale, Question N° 41751 de M. Jean-Paul Mattei, Réponse du Ministère de l'Economie publiée au JO le : 05/04/2022 page : 2257)

Contracter en vue de l'occupation d'un local ou d'une opération immobilière avec une personne publique, telle une collectivité territoriale n'est pas sans aléa, et une analyse juridique exhaustive doit être menée, tant pour la personne publique propriétaire que pour le porteur de projet et ses financeurs.

Le cabinet est à votre écoute pour vous accompagner :

  • Dans la revue de titres d'occupation et de baux, et plus généralement dans la définition du montage juridique de votre opération afin de s'assurer de leur conformité et de leur efficacité au regard de l'évolution jurisprudentielle ;
  • Cartographier et mesurer les risques induits, ainsi que les mesures correctives à apporter s'agissant de contrat déjà conclus ;
  • Vous assister dans la résolution des litiges qui en découlent, le cas échéant.

Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes

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