En 2020, le cabinet a listé les principaux apports de la jurisprudence au régime de l'occupation du domaine public. En 2021, une sélection de jurisprudence ou de prises de position doctrinales vous est proposée dans le présent article concernant le domaine public et privé des collectivités locales.

 

1. Une personne publique ne peut légalement louer un bien à une personne poursuivant des fins d'intérêt privé pour un loyer inférieur à la valeur locative de ce bien, sauf si cette location est justifiée par des motifs d'intérêt général et comporte des contreparties suffisantes (Conseil d'État, 28/09/2021, n°431625). Le Conseil d'Etat l'a précisé dans une décision remarquée concernant le domaine privé, ce qui n'est pas sans rappeler les textes régissant le domaine public, qui précisant que l'occupation du domaine public est consentie moyennant le paiement d'une redevance représentative des avantages tirés par l'occupant (Code général de la propriété des personnes publiques, article L2125-3). Cette décision montre également les interractions juridiques qui sont susceptibles d'intervenir lorsqu'une occupation du domaine privé, notamment avec la législation régissant l'intervention économique des collectivités territoriales ou le cadre juridique des aides d'Etat, qui a probablement inspiré la juridiction dans son recours à la notion de contreparties suffisantes.

Les acteurs publics et privés doivent en conséquence redoubler d'attention lorsqu'ils concluent des baux sur le domaine privé afin d'éviter leur remise en cause et une altération des conditions économiques initialement convenues. Une évaluation préalable au regard des conditions de location et des règles régissant les aides à l'immobilier consenties par les collectivités territoriales devient indispensable.

 

2. Par une décision d'espèce, et selon une lecture a contrario, la Cour administrative d'appel de Bordeaux a jugé que la délivrance d'un titre sur le domaine privé était susceptible de devoir être précédée d'une mise en concurrence (CAA de Bordeaux, 2 novembre 2021, n°19BX03590). Cette décision d'espèce ne doit toutefois pas être surinterprétée : le cabinet demeure réservé sur sa portée, et préconise une analyse critique systématique au cas par cas pour chaque opération, permettant de mesurer les risques induits.

Acteurs publics et privés doivent en conséquence anticiper cette question avant chaque opération, pour déterminer si une mise en concurrence et requise, afin d'éviter la remise en cause de l'opération envisagée.

 

3. Interrogé au Sénat, le Ministère de l'Economie a apporté une réponse concernant l'ordre de juridiction compétent pour apprécier l'existence d'un fonds de commerce sur le domaine public et en indemniser le cas échéant la perte : " le juge administratif peut notamment être saisi d'un recours indemnitaire introduit par l'occupant privatif du domaine public dont le titre a fait l'objet d'une fin anticipée ou d'un non-renouvellement, en vue d'obtenir réparation des préjudices subis. Si le juge administratif refusait auparavant d'indemniser le préjudice né de la perte d'un fonds de commerce, au motif qu'un tel fonds ne pouvait être constitué sur le domaine public, il acceptait en revanche d'indemniser « le préjudice direct et certain résultant de la résiliation de la convention d'occupation domaniale avant son terme, tel que la perte des bénéfices découlant d'une occupation du domaine conforme aux prescriptions de la convention et des dépenses exposées pour l'occupation normale du domaine, qui auraient dû être couvertes au terme de cette occupation » (CE, 31 juillet 2009 Société Jonathan Loisirs, ci-dessus mentionné). Le Conseil d'État a maintenu cette jurisprudence pour les conventions d'occupation domaniale conclues avant l'entrée en vigueur des dispositions de l'article L. 2124-32-1 du code général de la propriété des personnes publiques, celles-ci n'étant en effet « applicables qu'aux fonds de commerce dont les exploitants occupent le domaine public en vertu de titres délivrés à compter de [l'entrée en vigueur de la loi] » (CE, 24 novembre 2014, Société des remontées mécaniques Les Houches-Saint-Gervais, n° 352402). Pour les conventions conclues après cette entrée en vigueur, il revient désormais au juge administratif, dans le cadre de tels litiges, d'apprécier l'existence d'une clientèle propre. À défaut, l'occupant privatif ne pourra pas obtenir l'indemnisation du préjudice tenant à la perte d'un fonds de commerce. À cet égard, le juge administratif pourrait s'inspirer de la méthode d'identification de l'existence d'une clientèle propre dégagée par la Cour de cassation dans le cadre des litiges qu'elle est amenée à connaître, tels que ceux entre un primo-occupant non délégataire d'une activité de service public et un occupant secondaire, ou un occupant non délégataire de service public et le repreneur de son fonds de commerce exploité sur le domaine public (Cass, 3ème civ., 5 avril 2018, 17-10.466)." (Sénat, Question écrite n°20326, Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la relance publiée dans le JO Sénat du 23/09/2021 - page 5504).

Cette prise de position tend à confirmer que la reconnaissance par le législateur de la possible existence d'un fonds de commerce sur le domaine public n'a pas modifié les règles de compétences entre les juridictions. Les conditions d'appréciation de l'existence d'une clientèle propre par le juge administratif et de la valorisation du fonds de commerce perdu restent toutefois à bâtir par la jurisprudence administrative.

 

4. Bien que copropriété et domaine public soient par nature incompatibles, dans une décision d'espèce, la Cour administrative d'appel a jugé que la domanialité publique n'était pas exclue lorsque la copropriété a été constituée postérieurement à l'entrée du bien considéré dans le domaine public (CAA de Versailles, 9 juin 2021, n°18VE03249).

 

5. Les actes relatifs à la gestion du domaine privé des collectivités territoriales sont couverts par le droit d'accès aux documents administratifs organisés par le Code des relations entre le public et l'administration. Le Conseil d'Etat ajoute que "dès lors que la cession d'un bien appartenant au domaine privé de l'Etat doit être regardée, pour l'application de ces dispositions, comme un acte de gestion domaniale, les documents relatifs à une procédure de cession par l'Etat de biens appartenant à son domaine privé relèvent du même régime que les documents administratifs" (Conseil d'État, 14 octobre 2021, n°437004).

 

Le cabinet est à votre écoute pour vous accompagner :

  • Dans la revue de titres d'occupation et de baux, et plus généralement dans la définition du montage juridique de votre opération afin de s'assurer de leur conformité et de leur efficacité au regard de l'évolution jurisprudentielle ;
  • Cartographier et mesurer les risques induits, ainsi que les mesures correctives à apporter s'agissant de contrat déjà conclus ;
  • Vous assister dans la résolution des litiges qui découlent de ces évolutions.

Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes

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