Dans un arrêt du 12 février 2024, la COur d'appel de COLMAR a sanctionné la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE en la privant de son droit de recouvrer un crédit affecté à l'achat de panneaux photovoltaïques.

Pour quelles raisons la Cour d'appel a-t-elle statué de la sorte ?

Nous opérons volontairement un bref résumé des faits et de la procédure, car le contentieux est relativement connu, pour nous attacher à une approche plus juridique.




I. LES FAITS

Dans le cadre d'un démarchage à domicile et suivant bon de commande, un consommateur confie à la société Nouvelle Régie des Jonctions des Energies de France, exerçant à l'enseigne Groupe Solaire de France (en faillite depuis de nombreuses années), la fourniture et la pose d'une centrale photovoltaïque au prix de 18 800 €, intégralement financées par la souscription le même jour d'un crédit à la consommation auprès de la Banque SOLFEA (rachetée par CETELEM ou BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE).

L'acquéreur-emprunteur signe une attestation de fin de travaux et demande en conséquence à la banque de décaisser les fonds au profit du vendeur.

Un procès s'ensuit, faute pour le consommateur de jouir d'une installation en état de fonctionnement.




II. PROCEDURE

La Cour d'appel de COLMAR considère que la banque a commis une faute en débloquant le crédit sans s'assurer de l'exécution parfaite par le vendeur de ses devoirs.

En effet, aux termes du bon de commande, le vendeur s'était chargé des démarches administratives et techniques, consistant dans le raccordement de l'onduleur au compteur de production, l'obtention du contrat de rachat de l'électricité produite et l'obtention de l'attestation de conformité du Consuel.

Or, le consomamteur a pu prouver que l'installation n'avait pas été raccordée au réseau public.

De fait, le vendeur n'ayant pas achevé ses devoirs, il ne pouvait être, selon les juges d'appel, tenu de rembourser le crédit.

Par conséquent, la banque est privée de son prêt.




III. POURQUOI LES JUGES D'APPEL ONT-ILS CONSENTI A NEUTRALISER L'OBLIGATION DE RESTITUTION DES FONDS ?

A. Condition de déblocage des fonds : une exécution complète par le vendeur de ses devoirs 

Il est une jurisprudence constante selon laquelle le prêteur ne peut débloquer le crédit affecté avant d’être certain que le vendeur a exécuté intégralement ses devoirs prévus dans le contrat d’achat, sinon le prêteur commet une faute l’ empêchant de pouvoir réclamer à l’emprunteur le remboursement du prêt :

  • « Les obligations de l’emprunteur ne prennent effet qu’à compter de l’exécution de la prestation de services qui doit être COMPLÈTE, hors le cas d’une prestation de services à exécution successive, et que commet une faute qui le prive de la possibilité de se prévaloir, à l’égard de l’emprunteur, des effets de la résolution du contrat de prêt, conséquence de celle du contrat principal, le prêteur qui délivre les fonds au vendeur sans s’assurer que celui-ci a exécuté son obligation » (Civ. 1ère, 16 janvier 2013, n°12-13.022).

 

  • « Qu’en statuant ainsi, sans rechercher comme elle y était invitée, si le prêteur s’était assuré, avant de délivrer les fonds au vendeur, que celui-ci avait exécuté ses obligations, la cour d’appel a violé les textes susvisés » (Civ. 1ère, 13 novembre 2014, n°13-26.313)

 

B. Sans préjudice, aucune neutralisation de l’obligation de restitution des fonds

La jurisprudence, précitée n'est pas permissive ou la porte ouverte à tout emprunteur mécontent, mais propriétaire d'une installation opérationnelle qui lui permet de jouir d'économies et/ou de revenus.

En effet, la faute du prêteur exonère l'emprunteur de rembourser le crédit si, et seulement si, il démontre la preuve d’un préjudice consécutif à cette faute (Cass. civ. 1, 5 janvier 2022, n° 20-11.970).

Ce préjudice n'est donc pas caractérisé lorsque l’installation photovoltaïque permet à son propriétaire de revendre de l’électricité ou de jouir d'économies d'énergie sur ses factures d'électricité.

En l'espèce, ce préjudice était démontré : le vendeur n'avait pas exécuté les démarches nécessaires pour le raccordement au réseau ENEDIS sans lequel les panneaux photovoltaïques ne peuvent fonctionner...

La banque n'avait pas vérifié l'exécution de cette tâche au motif que la demande de financement mentionnait « les travaux, objet du financement (qui ne couvrent pas le raccordement au réseau éventuel et les autorisations administratives éventuelles) sont terminés et sont conformes au devis ».

Clairement, cette mention était la reconnaissance par la banque qu'une partie des prestations prévues au bon de commande n'avaient pas été exécutées, car elle venait contredire le bon de commande stipulant au contraire que le vendeur était chargé du raccordement...

Ainsi, il apparaissait clairement que le contrat principal n'était pas complètement exécuté, ce qui a été démontré postérieurement...

Aussi la banque n'aurait pas dû payer le vendeur en vertu d'un document contradictoire et de surcroît illégal. Elle doit donc répondre de sa faute.




Finalement, cette jurisprudence se veut le plus juste possible, afin d'éviter une multiplication des contentieux à l’initiative d’emprunteurs malhonnêtes. En revanche, tout consommateur qui démontre avoir été lésé sera rétabli dans ses droits logiquement dès qu'il démontre que son installation n'est pas en bon état de fonctionnement.




Me Grégory ROULAND - Avocat au Barreau de Paris et Docteur en droit

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