Définition : la fraude au Président consiste pour une personne (le fraudeur) de contacter, par mail ou par téléphone, le service comptable d’une entreprise, en se faisant passer pour le président de la société mère ou du groupe. Le fraudeur, qui a su instaurer un climat de confiance, demande que soit réalisé un virement international imprévu, urgent et confidentiel. Le comptable sollicité s’exécute, après avoir reçu les références du compte étranger à créditer.




A ce jour, la Cour de cassation ne s'était pas prononcée sur la fraude au Président, à l'inverse des juridictions du fond. Aussi, l’arrêt du 2 octobre 2024 de la Chambre commerciale de la Cour de cassation (pourvoi n°23-13.282) retient l'attention.




I. LES FAITS ET LA PROCEDURE

La comptable d'une société, agissant en exécution de courriels adressés par un tiers usurpant l'identité de son dirigeant, a adressé à une banque sept ordres de virement d’un montant total de 2.121.903,81€ au profit du compte d'une société située à HONG-KONG.

La société fraudée a alors assigné la banque pour obtenir la restitution des sommes versées.

Le 12 janvier 2023, la cour d’appel de Douai (RG n° 21/00022) a donné gain de cause à la société demanderesse, condamnant la banque à lui payer la somme de 1.060.951,90 euros en réparation de son préjudice.

La banque a alors formé un pourvoi de cassation, mais en vain.




II. POSITION DE LA COUR DE CASSATION

En premier lieu, la Cour de cassation relève que la société fraudée n'avait pas pour habitude d'effectuer des virements supérieurs à 100.000€, pas plus que vers des sociétés situées en Chine.

De fait, la Cour partage le raisonnement des juges d’appel, selon lequel les ordres de virement litigieux, par leur caractère rapproché et répété,  la période de l’année à laquelle ils étaient intervenus,  leurs montants trop élevés en comparaison des ordres usuellement donnés et ayant été établis au bénéfice de personnes morales territorialement et physiquement étrangères à la société fraudée, auraient dû inciter la banque à se renseigner sur leur validité directement auprès du dirigeant supposé.

Ces éléments faisant ressortir l’existence d’anomalies apparentes, la banque était tenue, en exécution de son obligation de vigilance, de s'assurer auprès du dirigeant de la société émittrice que les ordres de virements étaient fondés.

 

En second lieu, la banque estimait qu’en présence d’une anomalie apparente, le devoir de vigilance du banquier se limite à vérifier si l’anomalie n’est qu’apparente ou non. 

La Cour de cassation rejette cette analyse, considérant que l’existence de circonstances inhabituelles entourant les virements litigieux laissant suspecter une éventuelle « fraude au président », aurait dû inciter la banque à vérifier la régularité des ordres de virement auprès du dirigeant, qui est la seule personne contractuellement habilitée à les valider.

Cet élément est essentiel : la banque ne peut pas se contenter d'un ordre de virement anormal auprès du comptable à l’origine directe des opérations pour le compte de la société, mais doit se rapprocher directement du dirigeant.

Le pourvoi est donc rejeté.




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