Commentaire de l'article L. 131-35, alinéa 2 du Code monétaire et financier :

Cette disposition légale a pour finalité d'encadrer, de manière ehaustive, les motifs d'opposition au paiement d'un chèque.

L’objectif est de préserver la sécurité et la fluidité des transactions par chèques, tout en limitant les abus susceptibles de porter atteinte à la confiance dans ce moyen de paiement.


Analyse juridique :

  1. Motifs exhaustifs d'opposition : Les motifs permettant une opposition au paiement d'un chèque sont au nombre de quatre :

    • Perte du chèque : le tireur ne se souvient plus où se trouve son carnet de chèques ou, pire, il a égaré celui-ci ou un chèque.
    • Vol du chèque : Le tireur a été victime d’un vol. Il doit alors déposer plainte et apporter la preuve de son dépôt de plainte à son banquier.
    • Utilisation frauduleuse du chèque : Cela inclut des actes tels que l'altération du montant ou de l'ordre du chèque par un tiers malveillant.
    • Procédure collective du porteur (sauvegarde, redressement, liquidation judiciaire ou faillite) : Le bénéficiaire est placé sous une procédure collective affectant sa capacité à recevoir des paiements. DANS CE CAS VOUS POUVEZ FAIRE OPPOSITION A VOTRE CHEQUE !

    En dehors de ces cas, toute opposition est illicite et expose le tireur à des sanctions.  

  2. Confirmation immédiate par écrit : L'article commenté impose que l’opposition soit confirmée par écrit, quel que soit le support utilisé (LRAR, e-mail, courrier d'huissier, etc.). Cette obligation permet de prouver la bonne foi du tireur et éviter tout litige avec la banque.

  3. Sanctions des oppositions illicites : Si un tireur émet une opposition pour un motif autre que ceux énumérés (par exemple, un différend commercial avec le bénéficiaire), il s’expose aux sanctions potentielles suivantes :

    • Sanctions pénales : L’article L. 163-2 du Code monétaire et financier prévoit une amende de 375 000 € et une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 5 ans.
    • Sanctions civiles : La banque et/ou le bénéficiaire peuvent engager la responsabilité du tireur pour abus. Pour ce faire, le bénéficiaire assignera le tireur devant le tribunal judiciaire aux fins d'obtenir la mainlevée de l'opposition.

ATTENTION : l’opposition au paiement d’un chèque au motif que son porteur est en liquidation judiciaire, n'est pas admise s’il est établi que le titre en cause a été remis au liquidateur judiciaire (Cass. com., 26 janvier 1999, n° 96-11.779 ; Cass. com., 8 juillet 2008, n° 07-16.936).

En clair, l'opposition doit avoir lieu avant que le liquidateur judiciaire se soit vu remettre le chèque, l'ait endossé et présenté au paiement.

 


Analyse critique :

  • Une règle protectrice, mais limitée, pour le tireur : la faillite du bénéficiaire du chèque serait désastreuse pour le tireur (émetteur du chèque) qui aurait payé une prestation sans contrepartie. 
    Cependant, si le chèque a été endossé par le liquidateur judiciaire, l'opposition sera illégale...
    La jurisprudence changera certainement dans les années à venir sur ce point.
     

  • Une règle (trop) protectrice pour le porteur de chèque : A l'inverse, les rares motifs d’opposition protègent les bénéficiaires contre des comportements abusifs du tireur, qui pourrait vouloir échapper à son obligation de paiement.
    Cependant, un tireur floué serait légitime à faire opposition sur son chèque... car le bénéficiaire ou le liquidateur qui encaisse les fonds sans contrepartie pour le tireur s'enrichira sans cause !
     

  • Rôle de la banque : La banque joue un rôle clé dans l'application de cet article, en étant tenue de vérifier les motifs de l’opposition. Une banque qui honorerait une opposition abusive pourrait engager sa propre responsabilité. D'où le fait que certaines banques refusent de faire opposition à des chèques sans motifs pertinents et probants.


CONCLUSION

L’article L. 131-35 alinéa 2 et la jurisprudence, permettent en apparence d'équilibrer le droit des chèques. Le tireur reste responsable de l'émission de son chèque, tout en état protégé contre un bénéficiaire peu scrupuleuseux qui aurait encaissé ses fonds sans assurer la prestation convenue en contrepartie.


Me Grégory ROULAND - avocat au Barreau de PARIS

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