Le 16 janvier 2025 (n° 23-17.265), la Cour de cassation a rappelé qu'un entrepreneur, en tant que responsable des désordres de construction, ne peut contraindre la victime à accepter un mode de réparation spécifique.
Même si une remise en état est suggérée par l’entrepreneur, le maître d’ouvrage reste libre d’opter pour une indemnisation financière en remplacement.
I. LES FAITS
Un agriculteur souhaite que la couverture de son bâtiment à usage de stockage de grains soit revêtue de panneaux solaires.
Elle se rapproche de la société HANAU ENERGIES CONCEPT, assurée auprès de la société AXA FRANCE IARD, et soucrit avec elle un marché d'installation d'une centrale de production d'électricité photovoltaïque.
Quelques mois plus tard le maître d'ouvrage déplore des fuites sous les panneaux, dont il fait part à l'entrepreneur.
Faute de réparation amiable, il engage une action en justice contre l’entreprise et son assureur en responsabilité civile décennale pour obtenir réparation.
II. POSITION DE LA COUR D'APPEL DE REIMS
A. La condensation ne relève pas de la garantie décennale
Dans une décision du 28 février 2023 (RG n° 22/00566), la Cour d’appel de REIMS juge que les désordres constatés ne relèvent pas de la garantie décennale.
Pour écarter le caractère décennal des désordres de condensation et rejeter la demande d'indemnisation de l'agriculteur, les juges d'appel différencie les dommages.
Ainsi, d'une part, ils relèvent des phénomènes d'infiltration dus à un défaut d'étanchéité causé par le mauvais placement de la parclose qui n'a pas été plaquée tout le long des panneaux : ces désordres relèvent de la garantie décennale du constructeur puisqu'ils rendent la toiture fuyarde.
D'autre part, il y a des phénomènes de condensation dus à l'absence d'écran de sous-toiture mais qui ne rendent pas l'ouvrage impropre à sa destination ; la décennale ne s'applique donc pas.
La responsabilité de la société HANAU ENERGIES CONCEPT n'étant pas engagée, elle n'est pas tenue à réparation de ce chef.
B. L'entreprise est condamnée à réparer les désordres
Les juges d'appel condamnent l’entreprise à installer un kit de réparation des panneaux photovoltaïques dans un délai de trois mois afin de mettre fin aux infiltrations constatées.
Mais l'agriculteur conteste cette condamnation, reprochant aux juges d'appel de lui avoir imposé d'accepter une réparation en nature !
III. POSITION DE LA COUR DE CASSATION
La Cour de cassation censure les juges d'appel à double titre.
En premier lieu, elle leur reproche de ne pas avoir analysé si la condensation affectant la toiture du bâtiment affecté au stockage de grains ne rendait pas l'ouvrage impropre à sa destination.
La Cour a parfaitement raison, car il est de jurisprudence constante que l'impropriété de l'ouvrage à sa destination s'apprécie par référence à sa destination découlant de son affectation, telle qu'elle résulte de la nature des lieux ou de la convention des parties (Cass. civ. 3, 4 avril 2013, n° 11-25.198 ; Civ. 3e, 20 mai 2015, n° 14-15.107).
En l'espèce, le bâtiment stocke du grain ; la condensation affecte-t-elle ce stockage ?
Oui ! il y a donc impropriété à destination
si le bâtiment était vide et laissé à l'abandon, la solution serait inverse.
En second lieu, en s’appuyant sur l’article 1792 du Code civil, la Cour de cassation rappelle qu’un entrepreneur, tenu responsable de désordres, ne peut imposer à la victime une réparation en nature contre sa volonté (Cass. civ. 3, 28 septembre 2005, n° 04-14.586).
En effet, L’appréciation de l’étendue du préjudice et des modalités propres à assurer la réparation intégrale de ce préjudice relève de l’appréciation souveraine des juges du fond. (3e Civ., 22 octobre 2002, n° 01-11.261).
Pour autant, le juge ne peut pas imposer à la victime la réparation en nature du préjudice qu'elle a subi.
Ainsi, si la victime s'oppose à un mode de réparation, le juge ne peut pas lui refuser celui qu'il souhaite, sauf si ce dernier serait disproportionné et l'enrichirait.
Autrement dit, une victime s'opposant à la réparation en nature de son préjudice, le juge peut condamner le responsable à une réparation par l'allocation de dommages et intérêts.
Me Grégory ROULAND - avocat au Barreau de PARIS
Tél. : 0689490792
Mail : gregory.rouland@outlook.fr
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