Dans un arrêt du 30 janvier 2025 (n° 23-13.369), la Cour de cassation rappelle qu'une réception judiciaire peut être assortie de réserves, indépendamment du silence conservé par le maître d’ouvrage lors de la réception du bien ou du règlement du solde des travaux.


I. RAPPEL PREALABLE

L’article 1792-6 du Code civil prévoit deux modes de réception des travaux : la réception expresse et la réception judiciaire. Toutefois, la jurisprudence admet la possibilité d’une réception tacite.

Pour qu’une réception tacite soit reconnue, il faut établir une volonté claire et non équivoque du maître d’ouvrage d’accepter l’ouvrage. À l’inverse, si une volonté manifeste de ne pas recevoir l’ouvrage est démontrée, la réception tacite est exclue. La réception judiciaire, quant à elle, repose sur une approche différente : il s’agit d’une réception imposée, sans que l’intention du maître d’ouvrage ne soit un critère déterminant.


II. LES FAITS

Un maître d’ouvrage confie à un constructeur la réalisation des travaux de voirie, d’assainissement et d’alimentation en eau potable pour un lotissement. Le chantier terminé, le constructeur établit son décompte général et définitif, qui est ensuite validé par la maîtrise d’œuvre et réglé par le maître d’ouvrage. Cependant, quelque temps plus tard, ce dernier constate que l’ouvrage présente des défauts de conformité et des malfaçons, ce qui l'incite à engager une action judiciaire contre le constructeur.

Il est à noter qu’aucune réserve n’a été formulée lors de la finalisation des comptes et que les travaux ont été réglés en intégralité.

Aussi, on pourrait croire qu'il y a eu réception tacite, mais il n'en est rien.


III. POSITION DE LA COUR DE CASSATION

En application de l'article 1792- du Code civil, la Cour de cassation rappelle que la réception judiciaire peut être prononcée dès lors que l’ouvrage est en état d’être réceptionné.

La cour se fait l'écho d'une jurisprudence constante (Cass. civ. 3, 16 janvier 2025, n° 23-14.407). Toutefois, la réception judiciaire n'empêche pas le maître d'ouvrage de l’assortir de réserves.

Ainsi, lorsque le juge est saisi pour prononcer une réception judiciaire, il doit déterminer la date d'achèvement de l'ouvrage et regarder si, à cette date, des désordres apparents existaient et s’ils étaient visibles, auquel cas le juge pourra les qualifier de réserves malgré l’absence de contestation formelle lors du règlement par le maître d'ouvrage.

 


IV. QUE RETENIR ?

L réception judiciaire est plus avantageuse pour le maître d’ouvrage qu'une réception amiable.

En effet, à l'occasion d’une réception amiable, seuls les désordres mentionnés dans le procès-verbal sont "des réserves" qui doivent être levées durant le délai de parfait achèvement, tandis que les autres désordres apparents non signalés sont couverts par la réception.

Cependant, en cas de réception judiciaire, tout désordre apparent au moment où l’ouvrage était en état d’être réceptionné peut être pris en compte comme réserve par le juge, même si le désordre n’a pas été relevé.


Me Grégory ROULAND - avocat au Barreau de PARIS

Tél. : 0689490792

Mail : gregory.rouland@outlook.fr

 Site : https://sites.google.com/view/gregoryrouland/accueil