Suivant un principe établi, un moniteur de sport n'est tenu que d'une obligation de moyens en ce qui concerne la sécurité des adhérents dans la pratique de leur sport (Civ. 1ère, 21 novembre 1995, 94-11.294).

Partant de ce principe, il faut déterminer la nature de la faute susceptible d’engager sa responsabilité.

Tel était la question posée à la Première Chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 28 juin 2023 (n°22-19.390).




I. LES FAITS ET LA PROCEDURE

Un moniteur de ski est engagé par une personne pour pratiquer du hors-piste, ce qui est fréquent pour les skieurs d'un bon niveau technique et les professionnels.

Une avalanche ayant eu lieu quelques jours précédant le jour convenu, le moniteur choisit de modifier l'itinéraire du couloir hors-piste. Malgré cette précaution, une avalanche survient et emporte le guide et son client.

En exécution du contrat d'assurance dénommé "Accidents de la vie" souscrit par le consommateur, la société "La Médicale" (anciennement dénommée La médicale de France) a réglé à :

  • l'épouse du client défunt, une indemnité d'un montant global de 964.819,31 euros;
  • aux deux filles dudit client, une indemnité d'un montant de 20.000 euros chacune.  

La veuve et ses enfants choisissent néanmoisn d'assigner l'assureur responsabilité civile du moniteur, reprochant à ce dernier d'avoir commis une faute, mais sont déboutés par la Cour d'appel de GRENOBLE.

Ils se pourvoient alors en cassation.

 

II. POSITION DE LA COUR DE CASSATION

La Cour de cassation valide le raisonnement des juges d'appel, écartant toute faute du moniteur, au motif que :

  • le couloir de ski ne représentait pas de danger : « En ce qui concerne le choix de l'itinéraire, le couloir était un hors-piste classique, pratiqué tout au long de la saison par des skieurs d'un bon niveau technique ainsi que par des professionnels »  
  • le guide avait été prudent : il « avait fait le choix de modifier l'itinéraire initialement prévu [...] parce que justement, une avalanche s'était produite quelques jours avant à cet endroit. »  
  • le guide était un professionnel aguerri et prudent : il avait pris soin de consulter le BRA (BULLETIN D’ESTIMATION DU RISQUE D’AVALANCHE) et avait choisi un itinéraire qui avait été emprunté par d'autres skieurs sur cette même journée, sans déclencher d'avalanche.  
  • « Le danger avalancheux ne semblait pas, vu la faible ampleur de la coulée, ainsi que le nombre de traces présentes dans le secteur se généraliser à l'ensemble de la pente. La plaque à vent qui s'est décrochée, avec un faible volume de neige déplacé, représentait un danger très localisé, 'sournois et difficile à déceler' selon les services de gendarmerie, lesquels ont relevé que les conditions météo étaient peu propices à un départ spontané de l'avalanche. »

Si nous avons volontairement repris les termes de la Cour d'appel, c'est en raison de leur clarté et parce qu'ils démontrent que les juges ont pris en compte tous les éléments liés au contexte pour rejeter l’existence d’une faute.

Plus simplement parlant, pour rechercher la responsabilité civile d'un moniteur de ski, il faut procéder au cas par cas, en analysant le contexte (météo, fréquence d'emprunt du couloir de ski, visibilité ou non du danger).

Dans la présente affaire, la compétence du moniteur a été étudiée et non remise en cause : il a évalué les risques et appréhendé les conditions nivo-météorologiques lors de la préparation de la sortie. Aucune condition n'était donc réunie pour qu'un accident se produise au vu de la configuration des lieux.

Si l'avalanche s'est déclenchée, ce n'est donc pas en raison d'une carence du moniteur ou d'un phénomène météorologique, mais en raison d'un danger circonscrit et difficile à constater.

Dans ces conditions, on ne peut pas engager la responsabilité contractuelle d'un moniteur aguerri.

En revanche, si le moniteur avait emmené son client sur une pente sans étude préalable et qui n'avait pas été pratiquée par d'autres skieurs, il est certain que la décision aurait été différente (en ce sens, Civ. 1, 19 novembre 1968).




Me Grégory ROULAND - avocat au Barreau de PARIS

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