J-PH.BARRANDON

Avocat à la Cour

DESS en Fiscalité internationale (Paris XI-HEC)

Formateur en Fiscalité et Enseignant au sein du Master 2 Immobilier de l’Université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense

3, Rue Nicolas Chuquet 75 017 PARIS

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cabinetavocats@barrandon.net                                               Paris, le Mercredi 18/11/2020.

 

LETTRE D’ACTUALITÉ FISCALE SPECIALE PROJET DE LOI DE FINANCES 2021 (PLF 2021).

NEUTRALISATION TEMPORAIRE DE L’IMPACT  FISCAL DES RÉÉVALUATIONS LIBRES DES ACTIFS:

OU COMMENT REDORER LE BILAN DES ENTREPRISES EN PERIODE DE CRISE SANITAIRE ET ECONOMIQUE TOUT EN ATTENUANT LE COÛT FISCAL ?

Nous vous adressons ici un nouveau numéro de notre Lettre d’Actualité Fiscale spéciale projet de loi de finances 2021 (PLF 2021). Cette édition est consacrée à l’examen du dispositif optionnel et temporaire prévu par le PLF 2021 visant à neutraliser les conséquences fiscales de la première opération de réévaluation libre des actifs constatée au cours d’un exercice clôturé entre le  31/12/2020 et le 31/12/2022. Il s’agit de permettre aux entreprises de différer l’imposition des écarts de réévaluation lorsqu’elles procèdent à une réévaluation libre de l’ensemble de leurs éléments d’actifs immobilisés.

 

DANS LE CONTEXTE DE LA CRISE DU COVID -19,  CE DIPOSITIF FISCAL PERMETTRAIT D’ATTÉNUER LE COUT SUPPORTÉ PAR LES ENTREPRISES QUI REDORENT LEUR BILAN.

Les craintes exprimées  il y a déjà plusieurs mois par les observateurs et chefs d’entreprises  concernant les prévisions économiques se confirment actuellement, voire s'amplifient avec le second confinement. Les répercussions de la crise sanitaire du COVID 19 vont fortement dégrader les comptes sociaux d’un grand nombre d’entreprises. Et de fait, un large éventail de secteurs se trouvent fragilisés. Notamment la restauration, les commerces de proximité, le tourisme, l’automobile, l’industrie aéronautique, la formation, l‘événementiel et les spectacles, les foncières spécialisées dans la location immobilière professionnelle etc.

Dans ce contexte, il est utile de rappeler que les entreprises inscrivent en principe au bilan pour leur valeur historique d’origine leurs éléments d’actifs immobilisés. La réévaluation libre de ces actifs est l’opération consistant à modifier la valeur comptable des éléments d’actif pour la porter à sa valeur actuelle. Cette opération est codifiée et encadrée à l’article L 123-18 du Code de Commerce.

Le PLF 2021 s’intéresse, entres autres mesures, au régime fiscal de l’actualisation libre des valeurs des immobilisations afin que les entreprises, si elles le souhaitent, puissent s’appuyer sur le cadre fiscal plus favorable posé par le PLF 2021 afin de présenter une image plus fidèle de leur patrimoine et ainsi mieux rendre compte de leur solidité financière. Dans un contexte de crise sanitaire et économique,  une réévaluation libre peut ainsi permettre de redorer le bilan des entreprises et donc contribuer à rassurer créanciers et actionnaires /associés. Il s’agit de la sorte d’améliorer la capacité de financement des entreprises désireuses de procéder à des lever de fonds et emprunts sur les marchés. Le chemin vers le retour de la confiance des acteurs économiques est un processus toujours long et difficile, mais il est bien connu que la fiscalité avec ses multiples facettes est un des leviers pour s’y engager et le mener à son terme.

Le dispositif fiscal projeté par le PLF 2021 intéressera les entreprises imposées selon le régime des activités industrielles et commerciales, libérales ou agricoles (respectivement donc les activités relevant selon le code général des impôts du domaine des bénéfices industriels et commerciaux-BIC-, des bénéfices non commerciaux-BNC- et des bénéfices agricoles-BA-) ainsi que les résultats soumis à l’impôt sur les sociétés (IS). 

On sait qu’en principe la plus-value dégagée lors d’une opération de réévaluation libre des actifs génère un produit imposable, au titre même de l’exercice de réévaluation, selon le régime de droit commun. Or c’est justement sur cette taxation que le PLF 2021 entend agir. En effet,  l’intérêt du dispositif fiscal de réévaluation libre prévu par la PLF 2021 consistera à ne pas prendre en compte l’écart de réévaluation (cad la plus-value de réévaluation) lors de la détermination du résultat fiscal de l’exercice au titre duquel ladite réévaluation libre interviendra. Et cela, selon la nature de l'immobilisation,soit au travers d'un mécanisme d'étalement de l'imposition et/ou d'un mécanisme de sursis d'imposition.

 

UN DISPOSITIF QUI DEVRA ETRE INTÉGRÉ DANS LES DILIGENCES DES ÉQUIPES EN CHARGE DES AUDITS FISCAUX. 

La décision de gestion offerte par le PLF 2021 à chaque entreprise consistant à mettre en œuvre ou pas cette option fiscale lors d’une réévaluation libre est à apprécier au cas par cas en amont lors des audits fiscaux de pré-clôture et cela en fonction de situation fiscale de chaque entreprise. En effet, certaines entreprises disposent notamment d’anti-impôts (déficits) et peuvent donc avoir intérêt à procéder à cette réévaluation libre sans pour autant opter pour le dispositif de neutralisation temporaire prévu par le PLF 2021. Pour d’autres entreprises en revanche, cette option fiscale peut-être une opportunité à saisir. Autant dire que les entreprises auront intérêt d’inclure parmi les points fiscaux à auditer lors de leurs travaux de pré-clôture la portée et les conséquences qu’elles peuvent escompter ou pas de ce nouveau dispositif. Voilà donc une disposition qui devrait retenir l’attention des équipes tant internes qu’externes à l’entreprise lors de leurs  travaux menés au cours des revues fiscales des immobilisations.

Il conviendra en particulier de tenir compte de la gestion fiscale dans le temps de cette réévaluation libre si l’on opte pour le dispositif prévu par le PLF 2021. En effet, on a dit plus haut que la neutralisation fiscale proposée par le PLF 2021 serait ouverte sur option. Cette option constituera un choix synonyme de liberté de gestion. Comme tout choix, il devra être fait après une appréciations minutieuse par chaque entreprise. En outre, il importe ici de souligner que cette neutralisation serait temporaire. Il conviendra donc de bien appréhender les modalités d’imposition dans le temps de la plus value de réévaluation libre des actifs.

A ce sujet, d’un point de vue technique, l’auditeur fiscal devra bien distinguer s’agissant de l’imposition dans le temps de l’écart de réévaluation selon qu’il a affaire à une immobilisation amortissable ou non amortissable. En effet :

Pour les immobilisations amortissables,  le régime fiscal prévu par le PLF 2021 serait celui de l’étalement de l’imposition de l’écart de réévaluation. En effet, l’entreprise qui optera pour ce régime devra s’engager à réintégrer l’écart de réévaluation au titre des immobilisations amortissables dans ses bénéfices imposables par parts égales sur une période de :

. 15 ans pour les constructions, pour les plantations (vignes, vergers,) et pour les agencements et aménagements amortissables (clôtures, travaux de drainage, parkings à ciel ouvert etc) des terrains.

. 5 ans pour les autres immobilisations amortissables.

En cas de cession d’une de ces immobilisations amortissables avant la fin de la période de réintégration (15 ans ou 5 ans selon la nature de l’immobilisation), la fraction de l’écart de réévaluation  non encore réintégrée serait alors immédiatement imposable. Ainsi, le processus favorable d’étalement de l’imposition de l’écart de réévaluation tomberait en cas de cession avant l’expiration de cette période.

Par ailleurs, compte tenu de la réintégration étalée de l’écart de réévaluation, les amorti-ssements, les provisions et les plus-values de cessions ultérieures de ces immobilisations amortissables seraient calculés d’après la valeur réévaluée des actifs immobilisés.

Pour les immobilisations non amortissables, le PLF 2021 s’orienterait vers la non imposition de l’écart de réévaluation lors de l’exercice de réévaluation, sous la condition que l’entreprise prenne l’engagement de calculer la plus ou moins-value de cessions ultérieures de ces immobilisations non amortissables réévaluées à partir de leur valeur avant réévaluation. Il s’agirait donc là d’un régime de sursis d’imposition de l’écart de réévaluation tant que les immobilisations non amortissables réévaluées ne sont pas cédées. Par ailleurs, en conséquence du dispositif de sursis d’imposition, les provisions qui viendraient à être constatées postérieurement à la réévaluation en vue de faire face, s’il y a lieu, à la dépréciation des immobilisations non amortissables seraient calculées à partir des valeurs non réévaluées.

 

UN DISPOSITIF QUI NECESSITERA UN SUIVI PAR L’ENTREPRISE SUR PLUSIEURS EXERCICES, SOUS LE CONTRÔLE DE LA DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES (DGFIP).

Compte tenu du mécanisme du dispositif fiscal prévu par le PLF 2021, le projet comporte logiquement une obligation de suivie des écarts de réévaluations pour l’entreprise qui aura opté pour ce régime d’étalement de l’imposition (écart de réévaluation sur immobilisations amortissables) et de sursis d’imposition (écart de réévaluation sur immobilisations non amortissables). 

Un modèle d’état de suivi dans le temps des écarts  de réévaluation libre sera donc établi et fourni par la DGFIP, que nous commenterons lorsqu’il sera connu (sans doute dans l’instruction que l’administration publiera le moment venu sur cette mesure). Et il devra en conséquence être souscrit et produit, vraisemblablement en particulier lors du dépôt de sa liasse fiscale, par l’entreprise qui aura opté pour cette neutralisation. La production de cet imprimé, c’est là tout le sens du suivi, devrait donc intervenir au titre de chacun des exercices couverts par la période pendant laquelle cette neutralisation des écarts de réévaluation produira ses effets. Par conséquent au titre de l’exercice de réévaluation libre et des exercices suivants. Cet état permettra à l’entreprise, sous le contrôle étroit de la DGFIP qui pourra recourir pour se faire aux différentes formes de contrôles prévues par le livre des procédures fiscales, de veiller dans le temps :

-au principe d’une part de la réintégration de l’écart de réévaluation (pour les actifs immobilisés amortissables) et d’autre part au sursis d’imposition de l’écart de réévaluation (pour les actifs immobilisés non amortissables).

-aux amortissements, aux provisions et aux plus values ou moins-values dans le cadre du dispositif de réévaluation libre des actifs.

Selon la rédaction actuelle du PLF 2021, ce dispositif sur option de la neutralisation fiscale temporaire de l’écart de réévaluation libre des actifs immobilisés trouvera à s’appliquer à la première opération de réévaluation libre constatée au cours des exercices clos entre le 31/12/2020 et le 31/12/2022

Bien entendu, si au cours des débats et examens en commission du PLF 2021 des amendements venaient à modifier ce projet nous ne manquerions pas de vous en tenir informé.

Nous vous invitons à suivre nos prochaines Lettres d’Actualités Fiscales qui seront consacrées elles aussi aux nombreuses autres dispositions fiscales du PLF 2021.

Restant à votre écoute.

                

J-PH.BARRANDON

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