J-PH.BARRANDON

Avocat à la Cour

DESS en Fiscalité internationale (HEC-Paris XI)

Chargé d’Enseignement en Fiscalité au sein du Master 2 Immobilier de l’Université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense

3, Rue Nicolas Chuquet 75 017 PARIS

01 42 88 21 20   - 06 62 92 78 27

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         Paris, le Mercredi 9 Décembre 2020.

 

 

LETTRE D’ACTUALITÉ FISCALE (LAF): SPECIALE PROJET DE LOI DE FINANCES 2021 (PLF 2021).

 

COVID-19 ET LOCATIONS CONSENTIES AUX ENTREPRISES :

 UN CREDIT D’IMPÔT POUR INCITER FISCALEMENT

      LES  BAILLEURS A RENONCER AUX LOYERS

 

A destination des clients et contacts de notre cabinet.

 

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Nous vous adressons ici un nouveau numéro de notre Lettre d’Actualité Fiscale spéciale projet de loi de finances 2021 (PLF 2021). La présente édition est consacrée à l’examen du dispositif de crédit d’impôt accordé aux bailleurs qui abandonnent les loyers qui leurs sont dus par des entreprises locataires.

 

Pour nombre d’entreprises, des TPE-PME comme des grandes, la crise sanitaire du Covid 19  se traduit par des baisses brutales du chiffre d’affaires et par la mise à mal de leur trésorerie, le tout accompagné selon les secteurs par des fermetures administratives (interdiction d’accueil du public) décidées par l’Etat. Dans ce contexte, les échéances des loyers qu’elles doivent acquitter après de leurs bailleurs au titre des locaux commerciaux et professionnels constituent une source d’inquiétude particulièrement aigüe. Symétriquement pour les bailleurs de ces entreprises,  qu’il s’agisse de foncières (cotées ou non) ou de bailleurs à vocation patrimoniale (notamment particuliers, SCI ou autres), la perspective de se trouver confronter à des risques d’impayés de loyers et des défaillances des entreprises locataires constitue une épée de Damoclès qui fragilise grandement les équilibres économiques et patrimoniaux de ces propriétaires. L’époque voit donc s’installer plus que jamais des négociations âpres, des rapports tendus, voire des conflits avec la recrudescence de courriers recommandés et autres initiatives de toutes sortes, notamment sur le plan judiciaire, entre les parties prenantes.

 

C’est dans cet environnement et dans le prolongement des annonces gouvernementales de la fin du mois d’Octobre 2020, qu’une disposition fiscale incitative a été introduite par amendement dans le cadre du  PLF 2021 en faveur des bailleurs qui accepteraient d’abandonner les loyers qui leur sont dus par les entreprises preneuses touchées de plein fouet par la pandémie du Covid-19.

C’est la mise en œuvre de ce nouveau dispositif  fiscal qui va retenir ici notre attention. Nous examinerons donc d’abord les conditions cumulatives à réunir pour permettre au bailleur de se prévaloir de ce dispositif. L’avantage fiscal consistant pour le bailleur en un crédit d’impôt pour renonciation/ abandon de loyers, nous mettrons en lumière les modalités de la détermination de ce crédit d’impôt et les règles déclaratives qui l’entourent.

 

En avant propos, il importe de dire ici que par expérience le fiscaliste sait combien le législateur français et Bercy affectionnent depuis de très nombreuses années de créer des mécanismes d’incitations fiscales sous la forme de crédits d’impôts. On retrouve en effet des crédits d’impôts dans de multiples domaines. Pour ne donner ici que quelques illustrations, citons notamment les crédits d’impôts en rapport avec les investissements forestiers, les économies d’énergie, la recherche et l’innovation, la prospection commerciale pour conquérir de nouveaux marchés, l’emploi, les frais de gardes des jeunes enfants, l’élimination des doubles impositions, la compétivité, les métiers d'arts etc. Ainsi, la liste des crédits d’impôts et la finalité de chacun d’eux constituent un vrai « maquis fiscal » dans lequel il est souvent bien difficile pour les contribuables de s’y retrouver. Ces multiples dispositifs de crédits d’impôts qui existent déjà actuellement concernent tantôt les particuliers dans le cadre de la fiscalité de leurs revenus et de leur patrimoine, tantôt les entreprises dans le cadre de leurs activités et de la gestion fiscale de leurs impôts sur les bénéfices. Le point commun à tous ces nombreux dispositifs de crédits d’impôts et qu’ils sont toujours très encadrés et donc régulièrement sources de litiges fiscaux entres les contribuables et la direction générales des finances publiques (DGFIP) qui veille aux grains. On peut dores et déjà dire ici, avant de rentrer dans le détail de la spécificité du crédit d’impôt abandon de loyers, que le nouveau crédit d’impôt proposé par le PLF 2021 illustre bien encore une fois la tradition de grande technicité des mécanismes en matière de crédit d’impôt.

 

Pour que ce nouveau crédit d’impôt ne soit pas qu’un simple effet d’annonce mais constitue bien au final une source potentielle d’économie fiscale pour certains bailleurs dans un contexte où les intérêts de ceux-ci risquent souvent d’être malmenés, voilà quelques recommandations fiscales que nous formulons ici s’agissant de la mise en œuvre de ce dispostif. Nous prendrons ici une image en cette période de course à la voile du Vendée Globe : quant les conditions climatiques sont mauvaises et que la tempête fait rage, il s’agit de limiter la casse, continuer sa route en recherchant malgré tout les opportunités qui peuvent se présenter....

 

I/ DES CONDITIONS CUMULATIVES PRECISES A RÉUNIR POUR ÊTRE ELIGIBLE AU CREDIT D’IMPÔT ABANDON DES LOYERS.

 

L’avantage fiscal sous forme de crédit d’impôt accordé au bailleur qui abandonne des loyers est soumis à une série de conditions dont celui-ci devra s’assurer minutieusement en amont, donc avant d’abandonner les loyers, qu’elles sont bien réunies. Faute de quoi, si la mise en œuvre par le contribuable d’un crédit d’impôt abandon de loyers dans le cadre de sa déclaration fiscale apparaissait comme infondée, l’avantage fiscal indument obtenu pourrait être remis en cause par la direction générale des finances publiques (DGFIP), avec à la clef des compléments d’impôts et pénalités notifiés par les services fiscaux. Nul doute que l’adadage bien connu, « un homme averti en vaut deux » trouve à s’appliquer aux bailleurs.

 

Conditions à réunir quant aux bailleurs et aux preneurs :

=> Conditions quant aux bailleurs.

Sont concernés par l’incitation fiscale sous forme de crédit d’impôt abandon de loyers :

.Les bailleurs personnes physiques. On sait qu’un bailleur personne physique à l’IR relèvera, selon les circonstances de la location à analyser attentivement au cas par cas, tantôt des revenus fonciers, tantôt des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) voire des BNC. 

.Les bailleurs personnes morales. On sait qu’un bailleur personne morale  relèvera, selon les circonstances (en fonction notamment de la forme et du  régime fiscal de la personne morale bailleresse, des circonstances de la location) à analyser là aussi attentivement au cas par cas, soit de l’impôt sur les revenus, soit de l’impôt sur les sociétés.

=> Conditions quant au preneur. Dans le cadre du crédit d’impôt abandon de loyers qu’il créé, le PLF 2021 dispose que locataire doit être une entreprise, laquelle doit réunir plusieurs critères, à savoir :

.Les locaux pris en location par l’entreprise font l’objet d’une interdiction d’accueil du public au cours de la période de confinement qui a débuté le 30 Octobre 2020 (il s’agit de la période ouverte à compter de ce qui est présenté dans la presse comme le second confinement visant à endiguer la seconde vague du COVID-19, Art 4 du Décret n°2020-1310 du 29/10/2020) ou bien l’entreprise locataire exerce son activité principale dans l’un des secteurs mentionnés à l’annexe I du Décret  2020-371 du 30 Mars 2020 (il s’agit du Décret, adapté au fil des derniers mois, relatif au fonds de solidarité et aux entreprises éligibles au fonds de solidarité, à savoir les entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières, sociales de la propagation du Covid-19 et par les mesures restrictives prises par l’Etat pour endiguer a pandémie).

.L’entreprise locataire doit comporter un effectif de moins de 5 000 salariés. Cette appréciation du plafond des effectifs salariés chez le locataire fait l’objet dans le PLF 2021 de deux précisions :

La première précision s’agissant des effectifs salariés concerne les associations assujetties aux impôts commerciaux (notamment : impôt sur les bénéfices, TVA etc) ou employant au moins un salarié. Pour ces associations locataires, la limite d’effectif  de moins de 5 000 salariés ne serait pas prise en considération.

L’autre précision en rapport avec les effectifs salariés concerne les groupes de sociétés. Dans les groupes de sociétés, le décompte du plafond des 5 000 salariés sera effectué en tenant compte à la fois des salariés employés par l’entreprise locataire mais aussi des effectifs salariés employés dans les sociétés qui contrôlent l’entreprise locataire et des effectifs salariés employés dans les sociétés qui sont contrôlées par l’entreprise locataire. D’où la nécessité de s’intéresser aux effectifs salariés à l’échelle de l’organigramme des groupes, des filiales de la société locataire et des personnes morales actionnaires/associés au capital de la société locataire.

.L’entreprise locataire n’était pas en difficulté  au 31/12/2019 au sens de la réglementation européenne.

.L’entreprise locataire n’était pas en liquidation judiciaire au 1er Mars 2020.

 

Le dispositif ajoute une condition supplémentaire que devra remplir le bailleur souhaitant  bénéficier de l’avantage du crédit d’impôt abandon des loyers lorsqu’il existe un lien de dépendance entre le bailleur et l’entreprise locataire ou lorsque l’entreprise locataire est exploitée par un ascendant, un descendant ou un membre du foyer du bailleur.  En présence d’un tel lien, cette condition supplémentaires consistera à exiger du bailleur qu’il justifie par tous moyens des difficultés rencontrées chez l’entreprise locataire. Il s’agit là d’une condition qui affectera en particulier nombre d’entreprises familiales, entreprises familiales dont on sait le rôle important qu’elles jouent dans le paysage économique de la France. Ces entreprises devront donc bien considérer au préalable cette condition au regard de leur situation pour s’assurer en amont de leur éligibilité au crédit d’impôt pour abandon de loyers.

 

Conditions à réunir quant aux loyers.

Les loyers doivent faire l’objet d’une renonciation ou d’un abandon définitif, l’abandon devant porter sur les loyers hors accessoires. Les loyers abandonnés à partir desquels sera calculé le crédit d’impôt correspondent aux loyers afférents à la période du second confinement (loyers de la période ouverte à compter du 30/10) échus ou à échoir dus par les entreprises locataires de locaux commerciaux ou professionnels lorsque ces entreprises sont frappées d’une interdiction d’accueil, ou lorsque ces entreprises exercent leurs activités dans l’un des secteurs mentionné à l’annexe I du Décret 2020-371 du 30 Mars 2020 (il s’agit du Décret relatif au fonds de solidarité qui sera retenu dans sa version au jour de la publication de la loi de finances 2021).

 

II/ LES MODALITÉS DE DÉTERMINATION DU CREDIT D’IMPÔT ABANDON DES LOYERS.

Rappelons d’abord certains principes généraux applicables en matière de crédit d’impôt (CI),  quelque soit son objectif (comme objectif d’un CI on peut citer par exemple: Stimuler le respect de l’environnement-CI économies d’énergies; Encourager la recherche - CI recherche; Stimuler la conquête de nouveaux marchés-CI dépenses de prospection commerciale; Encourager dans le contexte du Covid 19 la pratique d’un loyer moins élevé à l’égard de certaines entreprises locataires - c’est le CI abandon des loyers du PLF 2021 que nous examinons ici) :

.Un  crédit d’impôt c’est le produit d’un base (B) (on parle aussi d’assiette) par un taux (Tx).  On a donc en principe le calcul suivant : CI= B x Tx.

.Un crédit d’impôt vient s’imputer sur le montant de l’impôt lui-même (cad sur l’impôt sur les revenus-IR-ou sur l’impôt sur les sociétés-IS-, selon les cas), de telle sorte qu’un CI a donc pour  effet de réduire l’impôt (IR ou IS) à acquitter effectivement.

 

Voyons la portée de ces principes généraux dans le cas précis du CI abandon des loyers prévu par le PLF 2021.

 

A/ Détermination de la base et du taux du CI abandon des loyers.

 

1/ La base du CI abandon des loyers.

En principe la base (ou assiette) du crédit d’impôt abandon de loyers correspondra à la somme totale des loyers abandonnés au titre de la période ouverte à compter 30 Octobre 2020.

Toutefois, la base de ce CI fait l’objet de deux limitations, à savoir :

.D’une part une limitation en fonction de l’effectif salarié de l’entreprise locataire :En effet,  le PLF introduit pour déterminer l’assiette du CI une limitation qui tient à l’effectif salarié de l’entreprise locataire. Lorsque l’effectif salarié de l’entreprise locataire est d’au moins 250 salariés, le montant de l’abandon ou de la renonciation de loyers n’est retenu pour l’assiette du CI que dans la limite de 2/3 des loyers prévus au bail échu ou à échoir au titre du mois concerné.

.D’autre part, le montant total des loyers abandonnés ouvrant droit à CI sur la période ouverte le 30/10/2020 ne peut pas excéder 800 000€ pour chaque entreprise locataire. Les loyers ouvrant droit à CI sont donc plafonnés.

 

L’assiette (c’est à dire le montant des loyers abandonnés retenus pour le calcul du CI) étant limitée, c’est donc au final le montant du crédit d’impôt lui-même qui se trouvé encadré.

 

2/ Le taux du CI abandon des loyers.

Le taux sera de 50%.

B/ Année d’application du CI abandon de loyers.

-Pour un bailleur à l’impôt sur les revenus (IR), le CI s’appliquerait pour le calcul de l’IR du au titre de l’année civile au cours de laquelle les abandons définitifs de loyers ont été consentis. Si le montant du crédit d'impôt excède le montant de l'IR dû au titre de cette année, l’excédent de CI sera restitué.

-Pour les bailleurs à l’impôt sur les sociétés (IS), le CI s'imputera sur l’IS dû au titre de l’exercice au cours duquel les abandons de loyers ont été consentis. Si le CI excède l’IS dû au titre de cet exercice, l’excédant de CI sera restitué.

S’agissant des bailleurs constitués sous forme de personnes morales à l’IR (par exemple : Sarl de famille ayant opté pour l’IR, SCI à l’IR, SNC), de groupements à l’IR ou de fonds relevant de l’IR (OPCI, OPCVM, SCPI, autres fonds d’investissements immobiliers), au regard de la translucidité fiscale de ces véhicules, le CI sera utilisable par les associés proportionnellement à leurs droits dans ces personnes morales ou groupements.

 

Dans le cadre des groupes fiscalement intégrés, la holding tête de groupe pourra imputer sur l’impôt d’ensemble du groupe les CI abandon de loyers dégagés par chacune de ses filiales membres du périmètre d’intégration.

 

III/ UN CADRE FORMALISTE INCONTOURNABLE : LES ASPECTS DÉCLARATIFS A LA CHARGE DU BAILLEUR.

L’octroi de crédits d'impôts s’inscrit toujours dans un dispositif déclaratif formaliste qui conditionne la mise en oeuvre de l’avantage fiscal et qu’il convient donc de bien respecter.

Par conséquent le cadre spécifique de la déclaration en matière de CI abandon de loyers devra être précisé et fourni par Bercy pour permettre aux bailleurs éligibles au CI abandon de loyers de se conformer à leurs obligations déclaratives en la matière en même temps que le dépôt de leur déclaration annuelle des revenus (bailleurs à l’IR) et/ou des résultats  (bailleurs IS ou bailleurs BIC, BNC).

 

Bien entendu, si au cours des débats devant la représentation natioanel du PLF 2021 des modifications venaient à être apportées, nous ne manquerions pas de vous en tenir informé.

 

La présente LAF se veut être une document informatif. Elle ne saurait donc pas bien entendu se substituer à une consultation fiscale détaillée « sur mesure » qui pourrait-être fournie par notre cabinet au cas par cas à partir de l’examen des circonstances de fait et de droit propres à chaque situation particulière.

 

Nous vous invitons à suivre nos prochaines Lettres d’Actualités Fiscales qui seront consacrées elles aussi aux nombreuses autres dispositions fiscales du PLF 2021.

 

Restant à votre écoute.

                

J-PH.BARRANDON

Avocat à la Cour

DESS en Fiscalité internationale (HEC-Paris XI)

Chargé d’Enseignement en fiscalité au sein du  Master 2 Immobilier de l’Université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense.

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