La manifestation des avocats du lundi 16 septembre dernier a largement mobilisé les Confrères de toute la France.

Nous étions plus de 20 000, soit plus de 28 % de la Profession, à avoir battu le pavé.

Les revendications étaient claires : l’opposition à un système de retraites confiscatoire qui aurait pour effet de fragiliser les plus petits Cabinets avec un taux de cotisation supérieur à 28 %.

La mobilisation a eu un écho assez inédit dans la presse et n’a pas manqué de faire réagir le Haut Commissaire aux retraites, Monsieur Jean-Paul DELEVOYE.

Manifestement, les rencontres consécutives à la grogne des avocats n’ont pas véritablement porté leurs fruits.

Du côté du gouvernement, il est fait grief à nos instances représentatives de ne pas avoir parfaitement compris la réforme.

De son côté, le CNB, entre autres, a dénoncé le flou le plus complet sur les propositions qui étaient faites.

En parallèle, certains dénonçaient à mots feutrés une forme de corporatisme des avocats.

C’est dans ce contexte que s’est tenue, le 1er octobre 2019, une réunion publique sur les retraites des avocats organisée par JUREM, les juristes de la République en marche.

L’UJA et la FNUJA étaient respectivement représentées par leur présidente Marion COUFFIGNAL et première vice-présidente Catheline MODAT.

Elles étaient accompagnées par Julien BROCHOT, candidat au Conseil de l’Ordre.

Notre confrère, Etienne PUJOL, administrateur de la CNBF s’est rendu à cette réunion pour faire valoir les chiffres et arguments de notre caisse.

Notre Confrère et membre du Conseil de l’Ordre Joël GRANGE a fait le déplacement pour défendre la parole des avocats.

Invité « surprise » de la réunion, Monsieur DELEVOYE est venu débattre avec les personnes présentes.

Afin de bien comprendre les enjeux des débats qui vont occuper les discussions pendant plusieurs semaines, l’UJA de PARIS souhaite vous livrer un compte-rendu des échanges.


1. La position JUREM : un régime solidaire et équitable

Les juristes de la République en marche ont partiellement présenté le projet de réforme des retraites et tenté de le promouvoir

Ils ont souhaité défendre la conception universelle en la présentant comme un mécanisme de solidarité nationale auquel tout le monde devait participer, avocats compris.

Leur argumentation s’articule autour de plusieurs axes distincts.

Le premier est que le régime autonome des avocats tel qu’il est conçu aujourd’hui aboutira, selon eux, à une hausse des cotisations chaque année du fait de la réforme entreprise il y a 4 ans par la CNBF.

De ce fait, la comparaison entre le taux actuel de 14 % pour le revenu médian et celui envisagé de 28,12 % ne serait pas pertinente.

Par ailleurs, JUREM a évoqué cette idée selon laquelle l’évolution de la démographie de la profession serait insuffisamment prise en compte par notre régime ce qui, à terme, pourrait exiger  de celui-ci une nouvelle augmentation du taux de cotisation.

Le deuxième consiste à affirmer que l’augmentation du taux, dans le cadre de la réforme, se fera sur plusieurs années de telle sorte qu’il ne faut pas nécessairement s’alarmer des chiffres avancés par les organes représentatifs de la profession.

Le troisième, essentiel selon eux, concerne les correctifs qui permettront de limiter très largement le montant (et non le taux) des cotisations.

Parmi ces correctifs, deux étaient (plus ou moins) connus :

- La refonte de la CSG au bénéfice des avocats,
- Un calcul favorable de l’assiette de cotisations.

Un autre correctif pourrait venir limiter l’impact de l’augmentation du taux de cotisation à savoir la création d’un fonds de solidarité financé par les Cabinets les plus prospères et affecté aux Cabinets les plus fragiles.

Le quatrième et dernier axe développé était le comportement supposé des organes représentatifs de la Profession qui n’auraient que trop peu communiqué de chiffres et notamment des études d’actuaires.


3. L’intervention de Monsieur DELEVOYE : un régime nécessaire en adéquation avec son temps

Le Haut-Commissaire aux retraites a d’abord livré une vision assez philosophique du régime autonome, vantant les mérites de celui-ci au sein d’une société qui évolue toujours plus rapidement.

Il a également plaidé la parfaite adaptation de son modèle à la mobilité dont font montre les avocats dans le cadre de leur exercice professionnel.

A l’image de JUREM, il a rappelé la mise en place des correctifs et insisté sur la qualité et la précision des exemples fournis aux termes de son rapport.

Il a pointé une certaine forme de corporatisme de la profession.

Il a cependant rappelé son ouverture au dialogue et sa disponibilité pour recevoir les organes représentatifs de la profession.


3. La position des avocats : quand c’est flou, il y a un loup


Joël GRANGE, MCO de PARIS, a développé les bénéfices de notre actuel régime de retraite, solidaire et juste quels que soient les modalités d’exercice, la durée des carrières et les revenus engrangés.

Il a également rappelé que le régime autonome payait sa part à la solidarité nationale puisque nous participons à hauteur de 100 millions d’euros par an au régime général.

Selon lui, les propositions actuelles demeurent floues et source d’insécurité.

Le calcul de l’assiette de cotisations n’est pas clair.

Par ailleurs, faire de la CSG - dont le montant est annuellement révisé - un correctif relève de la pure théorie et pourrait être anéanti d’un trait de plume aux termes d’une loi de finance.

Quant à la création d’un fonds de solidarité, elle n’aura d’autre effet que de faire peser une forme de fiscalité nouvelle sur des Cabinets qui participent déjà financièrement à la solidarité nationale par le paiement d’impôts et taxes que l’on sait pléthoriques.

Etienne PUJOL, administrateur de la CNBF, a rappelé au Haut-Commissaire la solidité de notre régime assuré par la constitution de réserves conséquentes.

Il a également loué les vertus de notre régime qui garantit tant la solidarité entre Confrères que la solidarité nationale.

Il a enfin souligné que la CNBF s’était montrée parfaitement transparente en termes de chiffres, chiffres qui sont disponibles depuis son site internet et qui seront complétés incessamment sous peu pour l’année écoulée.

Catheline MODAT, Première vice-présidente de la FNUJA, a déploré le manque de concertation et la méthode qui fut celle du gouvernement.

Elle a d’abord rappelé que des chiffres, analyses et réflexions de la FNUJA existaient bel et bien et ce depuis de nombreuses années.

Elle a ensuite interrogé Monsieur DELEVOYE sur l’absence d’études catégorielles réalisées avant le dépôt du rapport, ce qui confirme que le projet n’a pas pu tenir compte de chiffres et des incidences de la réforme sur la profession d’avocats.

La profession ne pouvait réagir et participer dans de bonnes conditions si elle était placée devant le fait accompli d’une réforme présentée comme inéluctable.

Il appartenait au réformateur souhaitant mettre la main sur un régime parfaitement viable de se montrer loyal et transparent.

Elle a souligné que l’objectif d’équité affiché « 1 euro cotisé donne les mêmes droits » est faux dans le cadre d’un régime par points et au regard du projet de redistribution des riches vers les pauvres.

Julien BROCHOT, candidat au CO pour l’UJA, a rappelé l’absolue nécessité de prendre en considération les petites structures qui, qu’elles soient en difficulté ou pérennes aujourd’hui, pourraient disparaitre demain.

Il a rappelé qu’il n’y avait aucune revendication corporatiste mais bien au contraire, une crainte fondée pour l’avenir et une volonté légitime de maintenir à flot une profession qui prend déjà une part importante dans la solidarité nationale.

Il a également souhaité souligner que la mobilité des avocats, présentée comme une preuve de vivacité, était, dans de nombreux cas, une fuite vers des horizons plus prospères, tant la profession d’avocat souffre des charges qui s’abattent toujours plus sur elle.

Enfin, il a demandé la communication de simulations concrètes faisant la comparaison entre le régime actuel et le régime envisagé, à des dates différentes et pour toutes les tranches de revenu.