Dans une récente décision, le tribunal administratif s’est penché sur une affaire somme toute classique dans les villages corses.
Sur le territoire de la commune d’Oletta, des propriétaires souhaitaient réhabiliter une ancienne maison dont l’état de délabrement était plus ou moins avancé.
L’affaire a permis au juge administratif de rappeler les règles applicables dans les territoires soumis à la loi montagne telle que précisée par le PADDuC et de préciser les caractéristiques d’une ruine au sens du droit de l’urbanisme.
Dans cette dosser, le maire d’Oletta a tacitement délivré un permis de construire pour la restauration et l’extension d’une maison individuelle.
Le préfet de la Haute-Corse a toutefois demandé au tribunal administratif de Bastia d’annuler pour excès de pouvoir cette décision aux motifs, notamment, de la méconnaissance de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme tel que précisé par le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDuC).
Pour le préfet, ce projet ne portait pas sur une construction existante mais sur une ancienne bâtisse à l'état de ruine.
Cette situation induisait, selon lui, une extension de l'urbanisation en discontinuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants.
Pour mémoire, il faut rappeler que l’article L. 122-5 du code de l'urbanisme prévoit que :
" L'urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes, ainsi que de la construction d'annexes, de taille limitée, à ces constructions () ".
En d’autres termes, l'urbanisation en zone de montagne, sans être autorisée en zone d'urbanisation diffuse, peut être réalisée non seulement en continuité avec les bourgs, villages et hameaux existants, mais également en continuité avec les " groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants ".
Est ainsi possible l'édification de constructions nouvelles en continuité d'un groupe de constructions traditionnelles ou d'un groupe d'habitations qui, ne s'inscrivant pas dans les traditions locales, ne pourrait être regardé comme un hameau.
Le tribunal rappelle que l'existence d'un tel groupe suppose plusieurs constructions qui, eu égard notamment à leurs caractéristiques, à leur implantation les unes par rapport aux autres et à l'existence de voies et de réseaux, peuvent être perçues comme appartenant à un même ensemble.
En outre, pour déterminer si un projet de construction réalise une urbanisation en continuité par rapport à un tel groupe, il convient de rechercher si, par les modalités de son implantation, notamment en termes de distance par rapport aux constructions existantes, ce projet sera perçu comme s'insérant dans l'ensemble existant.
En Corse, le PADDuC vient préciser les modalités d’application des dispositions de l’article L. 122-5 du code de l’urbanisme.
Le document prévoit :
- qu'un bourg est un gros village présentant certains caractères urbains ;
- qu'un village est plus important qu'un hameau et comprend ou a compris des équipements ou lieux collectifs administratifs, culturels ou commerciaux ;
- qu'un hameau est caractérisé par sa taille, le regroupement des constructions, la structuration de sa trame urbaine, la présence d'espaces publics, la destination des constructions et l'existence de voies et équipements structurants.
Le PADDUC se borne toutefois à rappeler les critères mentionnés ci-dessus et permettant d'identifier un groupe de constructions traditionnelles ou d'habitations existants et d'apprécier si une construction est située en continuité des bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants.
C’est dans ce contexte juridique qu’est intervenue la décision commentée.
Le raisonnement du juge administratif est en deux temps.
D’une part, il ressort que le bâtiment concerné par le projet était, par sa toiture principale, effondrée ainsi que ses murs restants et planchers délabrés, à l'état de ruine.
Dès lors, le projet ne pouvait pas être regardé comme la construction d'une annexe, la réfection ou l'extension limitée d'une construction existante au sens des dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme.
D’autre part, le terrain d'assiette du projet était localisé dans un espace d'habitat diffus dont les quelques constructions, par leur implantation les unes par rapport aux autres, ne sauraient être regardées comme formant un espace urbanisé structuré au sens des dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme telles que précisées par le PADDUC.
Pour toutes ces raisons, le projet n’était pas conforme au droit applicable et le permis de construire a été annulé.
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