Dans une affaire concernant la commune de San-Nicolao, et plus précisément le secteur de Moriani plage, le tribunal administratif de Bastia a annulé un permis de construire en se fondant sur les dispositions de la loi Littoral telles que précisées par le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC).
Par arrêté en date du 21 novembre 2019, le maire de San-Nicolao a accordé un permis de construire portant sur la construction d'un garage de 72 m². Ce permis a fait l'objet d'un recours de deux sociétés assurant la gestion de résidences hôtelières situées à proximité. Le terrain d'assiette du projet est situé dans le secteur de Moriani plage, lieu particulièrement touristique. Le recours des hôteliers était donc justifié par les éventuelles nuisances de l'activité du garage sur la tranquillité des touristes.
Le tribunal administratif de Bastia a décidé d'annuler le permis de construire en relevant l'illégalité de l'acte attaqué au regard de la loi Littoral, tenant compte de ses modalités d'application particulières sur le territoire insulaire.
Pour mémoire, l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme prévoit que :
" L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants".
Très classiquement, il faut retenir de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants.
En d'autres termes :
- Les constructions peuvent être autorisées en continuité avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions ;
- Aucune construction nouvelle ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.
Voici en synthèse le sens et la portée des dispositions de la loi Littoral.
En Corse, les modalités d'application de ces dispositions sont précisées par le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC).
En effet, l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales prévoit que :
"I. – Le plan d'aménagement et de développement durable de Corse peut préciser les modalités d'application, adaptées aux particularités géographiques locales, du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l'urbanisme sur les zones littorales et du chapitre II du titre II du livre Ier du même code sur les zones de montagne."
Le tribunal administratif de Bastia rappelle à ce titre que :
" (...) dans le contexte géographique, urbain et socioéconomique de la Corse, une agglomération est identifiée selon des critères tenant au caractère permanent du lieu de vie qu'il constitue, à l'importance et à la densité significative de l'espace considéré et à la fonction structurante qu'il joue à l'échelle de la micro-région ou de l'armature urbaine insulaire, et que, par ailleurs un village est identifié selon des critères tenant à la trame et la morphologie urbaine, aux indices de vie sociale dans l'espace considéré et au caractère stratégique de celui-ci pour l'organisation et le développement de la commune".
Le tribunal précise donc les critères pour identifier une agglomération ou un village au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.
Les critères pour identifier une agglomération sont les suivants :
- Le caractère permanent du lieu de vie qu'il constitue ;
- L'importance et la densité significative de l'espace considéré ;
- La fonction structurante que joue l'espace considéré à l'échelle de la micro-région ou de l'armature urbaine insulaire.
Les critères pour identifier un village sont les suivants :
- La trame et la morphologie urbaine ;
- Les indices de vie sociale dans l'espace considéré ;
- Le caractère stratégique de l'espace considéré pour l'organisation et le développement de la commune.
En outre, dans les deux cas, il convient de rajouter des critères tenant :
- A la distance de la construction projetée par rapport au périmètre urbanisé existant ;
- A l'existence de ruptures avec cet ensemble, tels qu'un espace naturel ou agricole ou une voie importante ;
- A la configuration géographique des lieux ;
- Aux caractéristiques propres de la forme urbaine existante.
C'est au regard de ces différentes prescriptions qu'il convient d'apprécier si l'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants.
Dans le cas d'espèce, le tribunal administratif de Bastia a répondu par la négatif en relevant que :
"Il ressort des pièces du dossier et du site Géoportail, accessible tant au juge des parties, que le terrain d'assiette du projet en litige se trouve à plus de 300 mètres au sud du périmètre urbain de l'agglomération dénommée " Moriani plage " de laquelle il est séparé par le ruisseau dit A " dont le lit, compte tenu de son environnement naturel encore préservé et de la forme " littorale " de l'agglomération de " Moriani plage ", constitue une limite au sud de laquelle l'agglomération ne s'étend pas. Enfin, les quelques maisons situées à l'ouest, au sud et à l'est de la parcelle cadastrée section B n° 577 ne sauraient être assimilées à un village ou une agglomération. Dans ces conditions, les sociétés requérantes sont fondées à soutenir que le garage ne s'implante pas en continuité d'une agglomération existante au sens des dispositions citées ci-dessus du code de l'urbanisme, au regard des précisions apportées par le PADDUC".
Le tribunal a donc retenu deux principaux critères :
- D'une part, l'existence de ruptures entre le site principal de Moriani plage et le site d'implantation du projet. Un espace naturel, à savoir un ruisseau encore préservé, vient couper les deux secteurs ;
- D'autre part, les quelques maisons existantes ne forment pas un ensemble cohérent répondant aux critères du village ou de l'agglomération.
Le tribunal administratif de Bastia a donc logiquement annulé le permis de construire en faisant une application stricte de la loi Littoral et du plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC).
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