La commune de Bonifacio offre de nombreuses affaires qui donnent matière à faire évoluer le droit de l'urbanisme en raison de ses forts enjeux de développement urbain. Dans une récente décision, le tribunal administratif de Bastia a validé la soumission d'un projet de construction d'un ensemble immobilier de 12 bâtiments à étude d'impact. Les arguments, intéressants, du promoteur consistant à invoquer les principes de l'Union européenne n'ont pas été retenus.

Les faits sont assez simples. Le maire de Bonifacio a, par un arrêté en date du 23 décembre 2015, délivré à une société un permis de construire 12 bâtiments comprenant 36 logements.

Le permis a fait l'objet d'une prorogation par arrêté du 23 décembre 2018.

Ensuite, par une lettre du 10 août 2020, le préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud, a adressé à la société pétitionnaire un rapport en manquement administratif en relevant notamment que le défrichement des parcelles en cause était soumis à l'examen au cas par cas au titre de l'étude d'impact prévue aux articles R. 122-1 et suivants du code de l'environnement.

Constatant la réalité du défrichement sur le terrain d'assiette du projet, le préfet a donc invité la société à régulariser sa situation, c'est-à-dire à déposer une demande d'examen au cas-par-cas.

Cette demande d'examen au cas-par-cas a été réalisée le 28 janvier 2021 lorsque la société a déposé à la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Corse une demande préalable à la réalisation d'une étude d'impact.

Par arrêté en date du 4 mai 2021, le préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud, a décidé de soumettre le projet immobilier à étude d'impact.

De nature à compromettre la poursuite du projet, cet arrêté a naturellement fait l'objet d'un recours du pétitionnaire.

Cette affaire a donné l'occasion au tribunal administratif de Bastia de se prononcer sur trois moyens intéressants soulevés par la société requérante.

D'abord, la société requérante a soulevé l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Pour mémoire, cet article prévoit que :

" Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général () ".

Dans sa décision, le tribunal administratif de Bastia a rappelé que ces stipulations ont pour objet d'assurer un juste équilibre entre l'intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit de propriété.

Elles laissent donc au législateur une marge d'appréciation étendue, en particulier pour mener une politique d'urbanisme, tant pour choisir les modalités de mise en œuvre d'une telle politique que pour juger si leurs conséquences se trouvent légitimées, dans l'intérêt général, par le souci d'atteindre les objectifs poursuivis par la loi.

La société requérante s'est fondée sur ces dispositions pour se prévaloir du permis de construire délivré le 23 décembre 2015 et soutenir qu'elle bénéficiait d'un droit acquis qui aurait été méconnu.

Le tribunal n'a toutefois pas suivi cette argumentation en rappelant simplement que les dispositions de l'article L. 122-1 du code de l'environnement relatives à l'étude d'impact n'ont ni pour objet ni pour effet de priver la requérante de la propriété de son bien mais de réglementer le droit d'utilisation des sols.

Le moyen manque donc en droit.

Ensuite, la société requérante a fait valoir le principe de confiance légitime résultant du droit communautaire. 

Elle a soutenu qu'en vertu de son droit acquis résultant du permis délivré le 23 décembre 2015, l'arrêté litigieux soumettant son projet immobilier à étude d'impact aurait méconnu le principe de confiance légitime résultant du droit communautaire. 

Cependant, le tribunal administratif a écarté l'argument de la société requérante pour deux raisons : 
 

  • D'une part, l'arrêté litigieux ne résultait pas d'un changement d'un acte législatif ou réglementaire régissant sa situation juridique ;

  • D'autre part, cet arrêt était justifié par l'intérêt public. 


Pour ces différentes raisons, la société ne pouvait utilement soutenir qu'un tel principe aurait été méconnu.

Enfin, malgré le moyen de la société requérante, le tribunal administratif a considéré que le préfet avait fait une exacte application des dispositions du code forestier.

Pour rappel l'article L. 341-2 du code forestier prévoit que :

" I.- Ne constituent pas un défrichement : (L) 2° Les opérations portant sur les noyeraies, oliveraies, plantations de chênes truffiers et vergers à châtaignes ; () ".

L'article L. 341-3 du code forestier, auquel la catégorie 47 a) du tableau du code de l'environnement renvoie, précise que :

" Nul ne peut user du droit de défricher ses bois et forêts sans avoir préalablement obtenu une autorisation ".

La société requérante a soutenu que les travaux réalisés ne relevaient pas d'une demande d'examen au cas-par-cas puisque son terrain était principalement recouvert d'oliviers avant la réalisation des travaux.

Le tribunal administratif de Bastia a cependant considéré que :

" Toutefois, cette circonstance, à la supposer établie, n'exclut pas la présence d'autres types de plantations relevant d'une opération de défrichement au sens de L. 341-3 du code forestier, alors qu'il ressort des vues aériennes que les terrains jouxtant les parcelles en cause sont couverts d'arbres. Il suit de là que c'est sans faire une inexacte application de ces dispositions que le préfet de la Corse-du-Sud a décidé de soumettre ce projet immobilier à autorisation selon un examen au cas par cas ".

Dans la mesure où le terrain d'assiette du projet n'était pas entièrement constitué d'oliviers, le défrichement entrait bien dans le champ d'application de la loi. 

Il convient donc d'être particulièrement vigilant, à l'occasion d'un projet d'une telle envergure, lorsqu'il existe des enjeux environnementaux devant faire l'objet d'une étude d'impact.