Les chantiers peuvent s'éterniser ! Une décision particulièrement intéressante du tribunal administratif de Bastia est venue sanctionner la mairie de Porto-Vecchio qui avait cru bon, à tort, d'ordonner l'interruption d'un chantier qui trainait en longueur.

Lorsque l'arrêté interruptif de travaux est pris en 2021, le chantier, modeste (portant sur l'édification d'une nouvelle construction individuelle, la surélévation d'une construction existante, la surélévation d'une autre construction existante et la création d'une piscine) durait depuis 2010.

Le juge administratif a refusé de considérer caduc le permis de construire en acceptant l'argument selon lequel l'intéressé avait décidé d'échelonner les travaux de son chantier sur une longue période.

Dans cette affaire, le particulier a déposé le 2 décembre 2008 en mairie de Porto-Vecchio une demande de permis de construire une maison et deux extensions d'annexes existantes.

Le 13 mars 2009, le maire de Porto-Vecchio, au nom de l'Etat, lui a délivré un certificat de permis de construire tacite né le 2 février 2009.

Un procès-verbal de constat d'infraction pour travaux sans autorisation a été dressé le 27 octobre 2021.

Compte tenu de la longueur des travaux, et au regard également de potentiels travaux non prévus par le permis (ce qui n'est toutefois pas étayé par l'administration), le maire de Porto-Vecchio a ordonné l'interruption du chantier par un arrêté du 29 novembre 2021.

C'est dans ce contexte que le bénéficiaire de l'autorisation d'urbanisme a saisi le tribunal administratif pour obtenir l'annulation de l'arrêté interruptif de travaux.

Pour faire droit à cette demande, le tribunal administratif de Bastia a rappelé les règles alors applicables en l'espèce :

L'article L. 480-2 du code de l'urbanisme prévoit que :

" () Dès qu'un procès-verbal relevant l'une des infractions prévues à l'article L. 480-4 du présent code a été dressé, le maire peut également, si l'autorité judiciaire ne s'est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux. () Dans le cas de constructions sans permis de construire ou d'aménagement sans permis d'aménager, ou de constructions ou d'aménagement poursuivis malgré une décision de la juridiction administrative suspendant le permis de construire ou le permis d'aménager, le maire prescrira par arrêté l'interruption des travaux ainsi que, le cas échéant, l'exécution, aux frais du constructeur, des mesures nécessaires à la sécurité des personnes ou des biens ; copie de l'arrêté du maire est transmise sans délai au ministère public. Dans tous les cas où il n'y serait pas pourvu par le maire et après une mise en demeure adressée à celui-ci et restée sans résultat à l'expiration d'un délai de vingt-quatre heures, le représentant de l'Etat dans le département prescrira ces mesures et l'interruption des travaux par un arrêté dont copie sera transmise sans délai au ministère public. () ".

L'article R. 424-17 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige, précise que :

" Le permis de construire, d'aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de deux ans à compter de la notification mentionnée à l'article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. / Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année () ".

Il est tenu compte de l'évolution du délai de validité des autorisations d'urbanisme par le rappel de l'article 3 du décret du 5 janvier 2016 relatif à la durée de validité des autorisations d'urbanisme et portant diverses dispositions relatives à l'application du droit des sols et à la fiscalité.

Ce décret a porté à trois ans le délai mentionné au premier alinéa de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme et en vertu de son article 7 cette modification s'applique aux autorisations en cours de validité à la date de sa publication, soit le 6 janvier 2016.

Le tribunal administratif de Bastia s'est appuyé sur les faits de l'espèce pour admettre que le bénéficiaire d'une autorisation d'urbanisme puisse décider d'échelonner un chantier, fut-il modeste, sur une longue période :

"Il ressort des pièces du dossier, notamment du dossier de demande de permis de construire déposé par M. A en 2008, que les travaux projetés portent sur l'édification d'une nouvelle construction, la surélévation d'une construction existante, la surélévation d'une autre construction existante et la création d'une piscine, portant la surface hors œuvre nette existante de 36 m2 à 466 m2. Il ressort des nombreuses pièces produites par le requérant, notamment des factures d'achat et d'un courrier adressé à l'administration fiscale en 2011, que l'intéressé a décidé d'échelonner les travaux de son chantier sur une longue période, le conduisant, entre 2010 et 2019, à réaliser dans un premier temps les travaux d'extension et de surélévation de deux constructions existantes, ainsi que de création d'une piscine, puis à partir de 2019, de débuter les travaux portant sur la nouvelle construction. S'il ressort du procès-verbal de constat d'infraction, dressé le 27 octobre 2021 par un agent assermenté de la commune de Porto-Vecchio, que les travaux réalisés ont porté sur le bétonnage d'un cours d'eau non autorisé par le permis tacite obtenu en 2009 et la construction d'une piscine sur un emplacement non prévu par ce permis, le préfet, en s'abstenant de produire un mémoire en défense, n'apporte aucune précision de nature à établir l'illégalité de tels travaux ni que le délai d'interruption du chantier aurait été supérieur à une année ou que le chantier aurait débuté en 2021. Dès lors, M. A est fondé à soutenir qu'en ordonnant l'interruption des travaux, le maire de Porto-Vecchio a fait une inexacte application des dispositions de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme."

Il faut donc retenir que, lorsqu'il est démontré et justifié, l'échelonnage des travaux, bien que particulièrement long, n'entraine pas la caducité du permis de construire.