Le préfet de la Corse-du-Sud a été sanctionné par le tribunal administratif pour avoir méconnu la procédure contradictoire préalable en matière d’interruption de travaux. Dans cette affaire, par une lettre du 2 février 2022, le préfet de la Corse-du-Sud a invité la société à présenter des observations dans un délai de 3 jours … alors que l'arrêté litigieux a été signé le même jour.

Agissant au nom de l’Etat, le maire de Sant'Andréa-d'Orcino, a accordé le 30 mars 2016 à un particulier un permis de construire une maison.

Ce permis a été transféré à une société civile immobilière par un arrêté du 12 juin 2018.

Le 1er août 2019, le maire a accordé à cette société un permis de construire modificatif en vue du changement d'implantation de la maison, ainsi que des modifications des ouvertures et de la hauteur d'un garage.

Un procès-verbal de constat d'infraction pour travaux sans autorisation en raison de la caducité du permis a été dressé le 31 janvier 2022, avant que le préfet de la Corse-du-Sud ordonne l'interruption des travaux par un arrêté du 2 février 2022.

La société a donc demandé l’annulation de l’arrêté interruptif de travaux.

Ce dossier a permis au tribunal administratif de Bastia de revenir sur les règles procédurales applicables en matière d’infractions d’urbanisme.

Pour mémoire, l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme prévoit que :

" L'interruption des travaux peut être ordonnée soit sur réquisition du ministère public agissant à la requête du maire, du fonctionnaire compétent ou de l'une des associations visées à l'article L. 480-1, soit, même d'office, par le juge d'instruction saisi des poursuites ou par le tribunal correctionnel. L'interruption des travaux peut être ordonnée, dans les mêmes conditions, sur saisine du représentant de l'Etat dans la région ou du ministre chargé de la culture, pour les infractions aux prescriptions établies en application des articles L. 522-1 à L. 522-4 du code du patrimoine. () Dès qu'un procès-verbal relevant l'une des infractions prévues à l'article L. 480-4 du présent code a été dressé, le maire peut également, si l'autorité judiciaire ne s'est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux. () Les pouvoirs qui appartiennent au maire, en vertu des alinéas qui précèdent, ne font pas obstacle au droit du représentant de l'Etat dans le département de prendre, dans tous les cas où il n'y aurait pas été pourvu par le maire et après une mise en demeure adressée à celui-ci et restée sans résultat à l'expiration d'un délai de vingt-quatre heures, toutes les mesures prévues aux précédents alinéas. Dans le cas de constructions sans permis de construire ou d'aménagement sans permis d'aménager, ou de constructions ou d'aménagement poursuivis malgré une décision de la juridiction administrative suspendant le permis de construire ou le permis d'aménager, le maire prescrira par arrêté l'interruption des travaux ainsi que, le cas échéant, l'exécution, aux frais du constructeur, des mesures nécessaires à la sécurité des personnes ou des biens ; copie de l'arrêté du maire est transmise sans délai au ministère public. Dans tous les cas où il n'y serait pas pourvu par le maire et après une mise en demeure adressée à celui-ci et restée sans résultat à l'expiration d'un délai de vingt-quatre heures, le représentant de l'Etat dans le département prescrira ces mesures et l'interruption des travaux par un arrêté dont copie sera transmise sans délai au ministère public. () ".

Les règles de caducité des autorisations d’urbanisme sont prévues par l’article R. 424-17 du code de l’urbanisme qui prévoit que :

" Le permis de construire, d'aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de trois ans à compter de la notification mentionnée à l'article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année ".

Il faut rappeler le rôle du maire dans le cas de travaux réalisés à la suite de la péremption du permis de construire.

Ainsi, lorsqu'il constate la péremption d'un permis de construire et la réalisation de travaux postérieurement à celle-ci, le maire, qui est nécessairement conduit à porter une appréciation sur les faits, ne se trouve pas, pour prescrire l'interruption de ces travaux sur le fondement de l'article L. 480-2, alinéa 10, du code de l'urbanisme, en situation de compétence liée.

S’appliquent ensuite les dispositions du code des relations entre le public et l’administration.

L’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration précise que :

" Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 () sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ".

L'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l’administration mentionne que :

" Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales () ".

L'article L. 211-2 de ce code prévoit que :

" Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police () ".

Dans sa décision, le tribunal administratif de Bastia rappelle que la décision par laquelle le maire ordonne l'interruption des travaux au motif qu'ils ne sont pas autorisés par une autorisation d'urbanisme précédemment délivrée est au nombre des mesures de police qui doivent être motivées. 

Dès lors, cette décision ne peut intervenir qu'après que son destinataire a été mis à même de présenter ses observations sauf en cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles. 

Le respect de cette formalité implique que l'intéressé :
 

  • Ait été averti de la mesure que l'administration envisage de prendre ;

  • Ait été averti des motifs sur lesquels la mesure se fonde ;

  • Bénéficie d'un délai suffisant pour présenter ses observations.


Le préfet de la Corse-du-Sud a été sanctionné par le tribunal administratif de Bastia pour avoir très largement méconnu les dispositions procédurales applicables. 

En effet, dans cette affaire, par une lettre du 2 février 2022, le préfet de la Corse-du-Sud a invité la société à présenter des observations dans un délai de 3 jours alors que l'arrêté litigieux a été signé le même jour. 

Il est évident que cette irrégularité de procédure a privé la société d'une garantie. 

L’arrêté litigieux du préfet de la Corse-du-Sud méconnait donc les dispositions de l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et est donc annulé.