Cass. 1re civ., 28 mars 2018, n° 17-15.628.
Un homme décède, laissant pour lui succéder ses deux enfants, et désigne par testament olographe, légataires universels son frère et la fille de celui-ci. Ses enfants portent plainte contre leur oncle qui est poursuivi pour vol de bons au porteur ayant appartenu au décédé devant le tribunal correctionnel.
L’oncle est alors relaxé par jugement définitif et les enfants l’assignent pour obtenir la constatation d’un recel et le rapport à la succession des sommes détournées devant le juge civil.
La Cour d’appel de Besançon (CA Besançon, 1re ch., 18 janv. 2017, n° 15/02225) retient que l’élément matériel du recel successoral est établi, dès lors qu’il ressort de l’enquête pénale, des perquisitions effectuées au domicile de l’oncle et des rapports d’expertise, qu’après le décès de son frère, il avait obtenu des remboursements de bons souscrits par le défunt.
La Cour d’Appel ajoute que si un doute existe quant aux modalités d’appréhension des bons, ce qui a justifié la relaxe, l’élément intentionnel du recel est quant à lui caractérisé par le fait que celui-ci a caché à la succession l’acquisition de plusieurs bons au porteur par son frère ainsi que l’encaissement qu’il en a fait et qu’il ne pouvait ignorer qu’il agissait au détriment de la succession en diminuant la masse indivise.
La Cour de Cassation censure et rappelle le principe de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil. Pour relaxer l’oncle des fins de poursuites du chef de vol, la juridiction pénale avait retenu le bénéfice du doute au regard de l’élément intentionnel. Si le Juge pénal n’a pu établir que celui-ci ait entendu s’approprier frauduleusement les bons litigieux, le Juge civil ne pouvait le faire.
Cet arrêt est l’occasion de rappeler les règles qui régissent la qualification du recel successorale et de constater la nature pénale de cet outil civil.
Le recel successoral est une fraude commise dans le but de rompre l’égalité du partage et qui consiste soit à cacher l’existence d’un cohéritier soit, et comme nous le voyons plus souvent au cabinet, à dissimuler ou détourner des biens ou droits de la succession.
Seul les héritiers et les créanciers de la succession ont intérêt et qualité pour agir en recel successoral.
La qualification du recel successoral repose alors sur un élément matériel et un élément moral.
L’élément matériel du recel a fait l’objet d’une interprétation extensive par la jurisprudence qui se contente de tout procédé frauduleux, quel qu’il soit.
L’élément moral ou intentionnel, quant à lui, est au centre de l’arrêt du 28 mars 2018. Le recel suppose dans tous les cas l’intention frauduleuse de porter atteinte à l’égalité du partage.
En dehors du droit civil, c’est en matière pénale que l’intention est un principe général car il ne peut y avoir de crime ou de délit sans intention de le commettre (article 121-3 du code pénal).
Dans notre cas, la juridiction pénale ayant retenu le bénéfice du doute au regard de l’élément intentionnel, la juridiction civile était liée quant à l’analyse de l’intention frauduleuse, la Cour d’appel de Besançon a donc violé le principe de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil.
Cette décision alimente encore la coloration pénale du recel, faisant du recel successoral un outil juridique original.
C’est d’ailleurs dans l’analyse de la sanction du recel que sa « nature pénale » prend tout son sens.
Alors que la réparation intégrale du préjudice et l’exclusion de la punition civile est une institution en droit français, la sanction du recel est une vraie punition permettant au juge civil de sanctionner un comportement.
L’héritier coupable de recel encourt les sanctions civiles suivantes, qui ne sont pas exclusives d’éventuels dommages et intérêts :
- Il est réputé accepter purement et simplement la succession.
- Il ne peut prétendre à aucune part des biens ou les droits détournés ou recelés, qui sont enlevés de l’actif successoral pour être partagés entre les cohéritiers du receleur.
- Le receleur doit rendre tous les fruits et revenus des biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession.
Le seul échappatoire aux sanctions civiles est le repentir de l’héritier qui doit être spontané et fait avant les poursuites.
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