La Communauté d’agglomération Pays Basque a voté le 5 mars 2022 une délibération fixant les conditions de délivrance des autorisations de changement d’usage de locaux d’habitation pour les locations meublées de courtes durées et déterminant les compensations applicables selon  L.631-7 et suivants du code de la construction et de l’habitation.

A compter du 1er juin 2022, les conditions votées avec plus de 160 voix inquiètent de nombreux propriétaires utilisant des plateformes type Airbnb, Abritel mais aussi de nombreux professionnels vivants de ce type de location (Conciergerie, agence immobilière…)

Ainsi, les propriétaires qui souhaitent louer leur bien en location courts séjours meublés sont soumis à de nouvelles obligations.

Les meublés de tourisme loués dans les communes de : Ahetze, Anglet, Arbonne, Arcangues, Ascain, Bassussary, Bayonne, Biarritz, Bidart, Biriatou, Boucau, Ciboure, Guéthary, Hendaye, Jatxou, Lahonce, Larressore, Mouguerre, Urrugne, Saint-Jean de Luz, Saint-Pierre d’Irube, Urcuit, Ustaritz et Villefranque devront obtenir une autorisation provisoire et ensuite définitive au changement d’usage.

1er question à se poser :

Suis-je concerné par la nouvelle règlementation ?

Toutes les villas, appartements ou studios meublés offerts à une clientèle de passage pour des séjours à la journée, à la semaine ou au mois sont des meublés touristiques soumis à la nouvelle réglementation.

Trois dérogations sont prévues :

  • Les propriétaires pourront louer à une clientèle de passage leur résidence principale (qui est le logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeur) 120 jours dans l’année civile.

Au-delà le bien sera qualifié de résidence secondaire soumis à compensation (cf.ci-dessous)

  • Les propriétaires pourront louer à une clientèle de passage leur bien pendant la période estivale s’il justifie avoir loué le local pendant au moins 9 mois à un ou des locataires étudiants.

La location étudiante devra être justifiée chaque année à la commune du lieu de location.

  • Les propriétaires pourront louer à une clientèle de passage, un bien annexé à leur résidence principale sans limite de temps. Le logement doit avoir fait l’objet d’une division et doit être contigüe à la résidence principale.

Cette dérogation ne peut concerner seulement un bien et pour une durée de deux ans. Aucune précision n’a été donnée sur le caractère renouvelable de cette durée.

Ainsi, je suis concerné par la nouvelle règlementation si je souhaite louer à une clientèle de passage un local :

  • Qui est ma résidence principale plus de 120 jours par année civile.
  • Qui est une annexe non contigüe de ma résidence principale.
  • Qui est ma résidence secondaire sans le louer à un ou plusieurs étudiants pendant 9 mois.

Dans le cas de ses trois situations vous devez donc obtenir une autorisation de changement d’usage soumise à compensation par la Mairie du lieu où se situe votre local.

1er démarche à faire :

Vérifier l’usage du local au 1er janvier 1970.

L’alinéa 3 de l’article L.631-7 du code de la construction et de l’habitation dispose qu’  «…un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve…».

Seuls les immeubles qui étaient matériellement affectés à un usage d’habitation au 1er janvier 1970 (apprécié par rapport aux circonstances de fait et non aux circonstances de droit) sont soumis aux nouvelles règles votées par la Communauté d’agglomération Pays-Basques.

La preuve d’un usage autre que d’habitation au 1er janvier 1970 de son local exclut l’obligation d’un changement d’usage.

Il est donc souhaitable de faire une vérification du fichier des propriétés bâties révisé en 1970, la production de baux en vigueur en 1970, des titres de propriété, du règlement de propriété et de tous types d’autorisation d’urbanisme et du paiement de certaines taxes.

La preuve étant libre, les témoignages sont acceptés comme mode de preuve.

La charge de la preuve incombe à celui qui prend l’initiative de la contestation et il n’existe aucune présomption d’usage d’habitation.

Si le local a un usage mixte (une partie de la surface à usage d’habitation et le reste à usage autre que d’habitation), seule la partie à usage d’habitation est soumise à compensation.

Ainsi, un local unique avec 40% à usage d’habitation et 60 % à usage autre, seuls les 40% seront soumis à la réglementation.

Si le local a été transformé ou construit après le 1er janvier 1970, vérifier les autorisations d’urbanisme.

L’alinéa 3 de l’article L.631-7 du code de la construction et de l’habitation dispose que « …Les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés. ».

Dans cette situation, la preuve de l’usage découle de l’autorisation d’urbanisme obtenue.

Si l’autorisation d’urbanisme précise un usage du local autre qu’habitation vous n’êtes pas soumis à la nouvelle réglementation.

2ème question à se poser :

Qu’est-ce que la compensation ? Comment compenser ?

La compensation est la transformation d’un local commercial en logement qui viendra compenser votre logement transformé en location touristique de courte durée.

Un local A à usage d’habitation affecté à un usage autre qu’habitation devra être compensé par la conversion d’un local B à usage autre qu’habitation à un usage d’habitation, pour permettre au maire de délivrer l’autorisation de changement d’usage visée à l’article L.631-7-1 du local A.

La demande de changement d’usage du local devra être accompagnée d’une compensation.

Deux possibilités s’offrent au propriétaire du local A.

Soit il transforme simultanément un local commercial dont il est propriétaire en logement avec au moins le même nombre de mètre carré que son logement en meublé de tourisme. Les deux locaux devant se situer dans la même ville, voire le même quartier.

Soit il fait réaliser la compensation par un tiers avec la signature d’un contrat de « cession de commercialité ».

La cession de commercialité est un contrat au terme duquel une partie, qui transforme en habitation des locaux affectés à un autre usage, cède « la commercialité » à l’autre partie qui elle transforme des locaux d’habitations en locaux d’un autre usage.

Ainsi cet acte permet au propriétaire du local A de présenter au service instructeur de mairie du lieu du logement meublé touristique une opération en sens inverse réalisée par un opérateur, à l’appui d’une demande d’autorisation de changement d’usage subordonné à compensation.

Les deux possibilités sont soumises à plusieurs conditions :

  • Une obligation spatiale, la compensation entre deux locaux devront se faire dans le même quartier ou la même commune.
  • Une équivalence de superficie, 1m2 venant compenser 1m2.
  • L’exclusion d’une compensation par un changement de destination d’un local situé en rez-de-chaussée.
  • Le local transformé en un local à usage d’habitation devra répondre aux caractéristiques des logements décents.
  • Un devoir de concomitance de transformation entre les deux lots. Ainsi, la transformation ne sera effective qu’au moment de la déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux (DAACT) sans contestation de la commune.
  • Le local proposé en compensation ne pourra être retenu s’il a déjà fait l’objet d’un changement d’usage depuis moins de 5 ans.

3ème question à se poser 

Qu’elles sont les conséquences d’un non-respect de la réglementation ?

Si je suis propriétaire,

Les propriétaires ne respectant pas l’ensemble des obligations posées par la règlementation du 5 mars 2022 encourent :

  • Une amende civile qui ne peut excéder 50.000 €. Le montant est à l’appréciation du Président du Tribunal Judiciaire qui évalue l’amende selon les revenus perçus à la suite des locations irrégulières, les revenus d’appoint et les charges, la situation familiale, le respect du règlement de copropriété et le respect de la déclaration de ses revenus à l’administration fiscale.
  • La condamnation à une astreinte d’un montant maximal de 1.000 € par jour et par mètre carré après un délai qu’il fixe pour mettre fin à l’usage irrégulier du local.
  • Une amende pénale en cas de fraude.

 

Si je suis en train de vendre ou d’acheter un logement meublé de tourisme. 

L’alinéa 5 de l’article L.631-7 du Code de la construction et de l’habitation dispose :

« Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article »

Cette nullité a un caractère absolu, les motifs relevant de l’ordre public de protection du logement.

L’action en nullité est donc ouverte aux tiers et aux cocontractants, même leur mauvaise foi ne les privant pas de la possibilité de soulever le caractère illicite de la convention.

Ainsi, une promesse unilatérale de vente dont la destination du local est une location touristique de courte durée (sans respect du règlement) encourt la nullité.

Si je suis un intermédiaire et/ou administrateur de biens.

L’ensemble de ces professions (agence immobilière, conciergerie, agents de « cession de commercialité », plateformes de location…) sont tenus par une obligation d’information, de prudence, et de diligence sur l’environnement technique, économique et juridique des opérations mais aussi par une obligation de légalité des actes rédigés.

Ainsi, en cas de manquement à son obligation d’information et d’assistance sur les nouvelles obligations réglementaires relatives aux locations touristiques de courte durée, la faute du professionnel est présumée.

Le 1er alinéa de l’article L324-2-1 du Code du tourisme dispose que :

« I. – Toute personne qui se livre ou prête son concours contre rémunération ou à titre gratuit, par une activité d’entremise ou de négociation ou par la mise à disposition d’une plateforme numérique, à la mise en location d’un meublé de tourisme soumis à l’article L. 324-1-1 du présent code et aux articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l’habitation informe le loueur des obligations de déclaration ou d’autorisation préalables prévues par ces articles et obtient de lui, préalablement à la publication ou à la mise en ligne de l’annonce de location, une déclaration sur l’honneur attestant du respect de ces obligations, indiquant si le logement constitue ou non sa résidence principale au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, ainsi que, le cas échéant, le numéro de déclaration, obtenu en application du III de l’article L. 324-1-1 du présent code. Lorsque ce meublé de tourisme est soumis au même III, elle publie, dans toute annonce relative à ce meublé, ce numéro de déclaration… ».

Ainsi, tout intermédiaire doit obtenir du loueur a minima une déclaration sur l’honneur du respect des obligations règlementaires.

Attention : Au regard de l’évolution de l’analyse des juges en la matière, il semble que l’absence de vérification de la sincérité d’une telle déclaration relève d’un manque de diligence fautif.

Attention N°2 : L’ensemble des contrats liants loueurs et plateformes ou conciergeries encourt la nullité.

Les municipalités pourront donc se saisir de cette qualité pour assigner les loueurs récalcitrants et les professionnels intermédiaires.

L’ensemble des points abordé sera effectif à compter du 1er juin 2022 sauf suspension par le Tribunal Administratif.

Il ne faut pas être grand clerc pour anticiper les recours administratifs que seront formés à l’encontre du règlement du 5 mars 2022 et ce particulièrement au regard des parts d’ombre laissées par la Communauté d’Agglomération du Pays Basque.

Ainsi le Tribunal Administratif devra vérifier :

–           Que les exigences de publicité préalable, de transparence et d’accessibilité des conditions d’octroi des autorisations seront respectées, sachant d’autant plus que le zonage de compensation n’a pas été voté.

–           Que la réglementation locale, en ce qu’elle instaure une obligation de compensation, ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif recherché.

–           Que le régime d’autorisation s’adapte aux circonstances spécifiques de chacune des communes concernées, dont les autorités locales ont une connaissance privilégiée (précision étant faite que cette question n’a pas été débattu lors du vote de la délibération)

–           Que les modalités pratiques permettent de satisfaire à l’obligation de compensation dans la localité concernée (en l’état il existe un doute raisonnable sur l’applicabilité d’une telle mesure en raison de la diversité des parcs de locaux transformables d’une commune à l’autre)

Affaire à suivre…