Contrairement à ce que l’on pourrait penser de prime abord, le contentieux en matière de compensation du handicap est massif. Et, à cette occasion, les MDPH (et les CDPAH) adoptent parfois des positions surprenantes et profondément préjudiciables pour les justiciables.

 L’affaire ayant fait l'objet de l'arrêt de la Cour d'appel de Toulouse en date du 21 décembre 2023 en constitue une illustration flagrante :


 

Notre cliente rencontre une situation de handicap visuel ayant toujours justifié la fixation d’un taux d’incapacité de 80% ou plus.

Le handicap visuel était marqué par sa diversité : perte de l’acuité visuelle, réduction du champ visuel, aphakies, photophobie, cécité nocturne, décollement des rétine, etc.

Elle sollicitait le renouvellement de sa carte mobilité inclusion, mention invalidité, devant la MDPH du Tarn (auparavant, la CMI-invalidité avait été attribuée par une MDPH d'un autre département).

En principe, pour obtenir la carte mobilité inclusion mention validité, il est nécessaire d’avoir un taux d’incapacité d’au moins 80%, relever d’une invalidité 3ème catégorie (Art. L241-3 du Code de l’action sociale et des familles) ou être bénéficiaire de l’allocation personnalisée à l’autonomie.

Cette mention permet notamment d’obtenir une priorité d’accès aux places assises dans les transports en commun, dans les espaces et salles d’attente ainsi que dans les établissements et les manifestations accueillants du public. Elle permet également d’obtenir une priorité dans les files d’attente. Elle permet, enfin, d’obtenir quelques avantages fiscaux et une réduction de prix dans les transports.

Si auparavant notre cliente avait bénéficié d’une telle carte devant d’autres MDPH, il s’agissait de la première demande formalisée devant celle-ci.

 

Curieusement, la MDPH du Tarn rejetait l’attribution de la CMI-invalidité au motif que le taux d’incapacité devait être fixé à hauteur de 58,5%!

Pour fixer un tel taux, la MDPH du Tarn considérait que les taux relatifs aux différents handicaps, pris isolément, ne pouvaient s’additionner de manière arithmétique sauf précision contraire indiquée dans l’annexe 2-4 du Code de l’action sociale et des familles (pour mémoire, cette annexe constitue un barème permettant d'évaluer le taux d'incapacité au regard du handicap présenté.)

Et que, concernant les déficiences de la vision, le guide prévoyait seulement une addition entre le taux résultant des aphakies et le taux portant sur la perte d'acuité visuelle.

En d'autres termes, la MDPH proposait d'écarter les situations de polyhandicap pour ne retenir, parmis les différentes difficultés présentées, qu'une partie résiduelle d'entres-elles !

Selon nous, une telle position devrait à tout prix être proscrite dans la mesure où elle consisterait à écarter de l’analyse un certain nombre de déficiences qui participent pourtant à la définition du handicap global et entraînent des incapacités et des désavantages spécifiques.

En toute hypothèse, s’il est vrai qu'au regard du guide barème précité seuls les taux d’incapacité de l’acuité visuelle et de l’aphakie pouvaient être additionnés de manière arithmétique, cela ne signifiait absolument pas qu’il convenait d’écarter les autres troubles constatés.

Le handicap doit s’analyser dans son ensemble et au regard de ses trois dimensions : déficiences, incapacités et désavantages.

Il est bien évident que plus les déficiences sont nombreuses, plus les incapacités et les désavantages sont importants.

C’est d’ailleurs pourquoi le guide barème précise expressément que le handicap s’analyse de manière « globale ».

 

Le Tribunal Judiciaire Pôle Social d’Albi retenait notre analyse et accordait à notre cliente la CMI-invalidité.

Toutefois, la MDPH du Tarn interjetait appel devant la Cour d’appel de Toulouse en développant un argumentaire strictement identique à celui présenté en première instance.

A nouveau, la Cour d’appel suivait notre argumentation en considérant que si, concernant les déficiences visuelles, seuls les taux liés à l’aphakie et l’acuité visuelle devaient être additionnés, il convenait toutefois de prendre en compte l’ensemble des déficiences présentées :

« Il demeure que conformément au même guide, le taux d’incapacité d’une personne est fixé à partir de l’analyse de ses déficiences et de leurs conséquences dans sa vie quotidienne. Le handicap est apprécié de façon globale, en considération de l’ensemble des incapacités et désavantages résultant des déficiences ».

 Voilà qui retire toute ambiguité à la méthode d'évaluation du taux d'incapacité !

La Cour considère finalement qu’au regard des déficiences, incapacités et désavantages présentés, le taux devait être fixé à plus de 80%.

 

Il s’agit d’une décision bienheureuse (pour notre cliente, mais également de manière plus générale) tant la position de la MDPH du Tarn semblait dangereuse en ce qu’elle avait pour effet de ne pas prendre en compte les situations de polyhandicap.

Me Marc Le Houerou

Avocat au Barreau de Toulouse