Lorsqu’un acquéreur souhaite visiter un bien immobilier pour l’achat ou la location, l’agence immobilière doit obligatoirement faire signer un bon de visite aux futurs potentiels acquéreurs.

La valeur juridique du bon de visite a pu, un temps, faire débat amenant les agences immobilières à ne pas y recourir dans la mesure où la force probatoire de ces bons de visite étaient relégués au second plan.

Dorénavant la position de la Cour de cassation est particulièrement claire et constante quant à la valeur juridique du bon de visite ce qui n’empêche pas certaines agences immobilières ou acquéreurs indélicats de tenter soit d’accorder une force juridique au bon de visite qu’il n’a pas pour obtenir le paiement de commission soit dénier toute valeur pour se soustraire au règlement de la commission.

Au regard des montants des commissions prises par les agences immobilières, la nature du bon de visite prend une tournure très importante au vu des sommes d’argent en jeu.

Il convient donc de revenir sur la valeur juridique du bon de visite afin de ne pas se méprendre sur la force juridique de ce document.

 

I/ Définition du bon de visite

 

Le bon de visite est un document que l’agent immobilier fait signer à l’acquéreur potentiel lors d’une visite d’un logement proposé à la vente ou à la location.

Ce document comporte notamment le numéro de mandat qui a été confié à l’agence dans le cadre de l’opération immobilière, atteste de ce fait qu’elle détient un mandat de vente et est donc régulièrement autorisée à faire visiter le bien immobilier. Cela permet notamment de certifier que la visite se réalise dans un cadre réglementaire, avec un mandat, un numéro de mandat et l’accord du vendeur.

Le bon de visite fait surtout mention de l’assurance de l’agence immobilière contre les dommages qui pourraient avoir lieu lors d’une visite (dégradation, casse, vol…). Ce document a une valeur importante pour l’assurance de l’agence immobilière en cas d’engagement de la responsabilité et c’est aussi pour cette raison que la signature du bon de visite est devenue systématique.

Ce bon de visite permet enfin à l’agence immobilière de rendre compte des visites qu’elle a fait dans le cadre de son mandat auprès du vendeur.

Dans certains cas, le bon de visite oblige le signataire à n’acheter le bien visité que par l’intermédiaire de l’agence sous peine de devoir lui verser une somme équivalente au montant de la commission attendue de la vente.

Il convient dès lors de s’intéresser à la valeur juridique d’un tel document et des conséquences de la violation de l’obligation susmentionnée contenue dans le bon.

 

II/ La valeur juridique du bon de visite

 

Les agences immobilières sont soumises à la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, dite loi Hoguet, et à son décret d’application n° 72-678 du 20 juillet 1972. Il résulte de ces dispositions que les agences immobilières ne peuvent percevoir de rémunération que sur le fondement d’un contrat de mandat, soumis aux articles 1984 et suivants du code civil.

Ce mandat doit impérativement être écrit, délivré dans le cadre d’une opération immobilière par l’une des parties (généralement le vendeur) et qui précise les conditions de détermination de la rémunération ou de la commission ainsi que la partie qui en aura la charge.

En pratique, le vendeur confie la vente de son bien immobilier à une ou plusieurs agences immobilières par le biais d’un ou plusieurs contrats de mandat. Seul ce document lie l’agence immobilière avec le vendeur et permet de justifier le versement de la commission.

Il convient donc de ne pas accorder plus de force au bon de visite que ce qu’il en a juridiquement. Or, les effets juridiques du bon de visite ne sont les mêmes en cas de mandat simple de vente ou de mandat exclusif confié à l’agence immobilière.

 

A) Le bon de visite en cas de mandat simple de vente

 

1/ L’absence de valeur juridique du bon de visite

 

Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, le bon de visite n’est pas un contrat de mandat entre l’agent immobilier et le visiteur du bien (Civ 1ère, 27 avril 2004, n°01-13868).

De ce fait, le bon de visite ne peut pas justifier le versement d’une commission par l’acquéreur.

Le bon de visite  n'est pas un mandat produisant des effets ou des obligations impératives pour celui qui le signe. Il est prioritairement une pièce qui certifie que les parties sont dans le cadre d'un mandat de vente confié, habilités à réaliser la présentation du bien et surtout que l’agence immobilière est assurée pour tout dommage qui pourrait survenir.

Par conséquent, le bon de visite n’est pas assimilé à un contrat de mandat et n’a donc pas de valeur juridique permettant de réclamer le versement de somme d’argent.

 

Ainsi, le bon de visite ne permet pas à l´agent immobilier de contourner l’absence d’exclusivité du mandat et de fausser le contexte de libre concurrence accepté par lui (Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 1re Chambre, sect. B, du 22 juin 2006)

Cela signifie surtout que le document, ne valant pas mandat, ne constitue pas un engagement à rémunérer l’agent, contrairement à ce que peuvent affirmer certains mandataires.

En effet, la Cour de cassation faisant une stricte application de la loi Hoghet du 20 juillet 1972 réglementant l’activité d’agent immobilier, et plus particulièrement de son article 6, considère que la rémunération de l’agent immobilier ne peut découler que d’un mandat (obligatoirement écrit, respectant un formalisme propre aux agents immobiliers).

Ceci est confirmé par l’article 73 du décret du 20 juillet 1972 lequel est particulièrement clair à ce sujet :

« Le titulaire de la carte professionnelle portant la mention "Transactions sur immeubles et fonds de commerce", son ou ses représentants légaux ou statutaires, s'il s'agit d'une personne morale, qui doit recevoir le mandat prévu à l'article 72 ne peut demander, ni recevoir directement ou indirectement, d'autre rémunération ou commission à l'occasion d'une opération spécifiée à l'article 1er (1° à 5°) de la loi susvisée du 2 janvier 1970 que celle dont les conditions de détermination sont précisées dans le mandat »

Dès lors, en l’absence de mandat entre l’acquéreur et l’agence et, en dépit de la signature d’un bon de visite, le visiteur ne doit aucune commission à l’agent immobilier.

 

2/ En cas de pluralité de bon de visite

 

Il n’est pas rare qu’un acquéreur potentiel visite le même bien par l’intermédiaire de plusieurs agences immobilières.

Quelles sont les conséquences tant pour l’acheteur que le vendeur de la pluralité des bons?

 

a- A l’encontre de l’acquéreur

 

Si l’acheteur a signé un bon de visite auprès d’une première agence mais qu’il achète finalement le bien visité par le biais d’une agence différente, la première peut-elle fonder une action à l’encontre de l’acquéreur et lui réclamer la commission attendue de la vente?

La jurisprudence est formelle à ce propos: seul l’intermédiaire qui conclut la vente peut prétendre aux honoraires. (Civ 1ère, 25 novembre 2010)

Aussi, l’agence immobilière ne dispose d’aucun recours à l’encontre de l’acquéreur à moins qu’il ne prouve l’existence de manoeuvres frauduleuses de la part de ce dernier. Dans ce cas-là, l’agent pourra obtenir des dommages-intérêts en réparation de son préjudice sur le fondement de la responsabilité délictuelle. (Cour d’appel de Toulouse, 1er février 2011)

En effet, il est important de rappeler que la loi Hoguet instaure un principe de libre concurrence dès lors que le mandat confié à l’agence immobilière est un mandat simple de vente. Acquéreur comme vendeur sont libres de contracter au meilleur prix avec l’agence leur permettant d’arriver au bon compromis. La ou les autres agences ayant travaillé pour vendre le bien ne pourront pas se retourner contre l’acquéreur ou le vendeur.

 

b-    A l’encontre du vendeur

 

Contrairement à la situation entre acquéreur et agent, il existe nécessairement un mandat de recherche entre le vendeur (mandant) et l’agence immobilière (mandataire).

Le mandat simple permet de confier la vente à plusieurs agents immobiliers mais aussi de réaliser la vente directement par le vendeur, entre particuliers, sans qu’il soit possible de réclamer au  vendeur une quelconque commission.

Cette position résulte d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation laquelle se fonde à la fois sur la loi Hoguet mais également sur l’article 1132 du Code civil régissant notamment la bonne foi contractuelle  (Civ 1ère, 16 mai 2006, pourvoi n° 04-20.477, Cour d’appel de Rennes, Chambre 1, sect. B, 21 décembre 2006), sauf à prouver une faute du vendeur qui, par abus de sa part et compte tenu des diligences accomplies, aurait privé l’agence immobilière de la réalisation de la vente.

En revanche, et c’est sur ce point que la signature d’un bon de visite prend toute son importance, il est interdit à l’acquéreur et au vendeur de contracter directement entre eux, si l’acquéreur a visité le bien par l’intermédiaire d’une agence immobilière et qu’elle peut en rapporter la preuve notamment par la production du bon de visite. En effet, il convient de ne pas contourner les droits de l’agence immobilière qui a présenté le bien en espérant ainsi ne pas lui reverser sa commission.

En ce sens, le bon de visite est un document protecteur pour le professionnel, une preuve écrite dont les effets probants sont reconnus par les juridictions (Civ 3ème, 5 avr. 1995, no 93-17.544; Civ 1ère., 14 nov. 2000, no 98-10.629)

Dans cette hypothèse, l’agence est parfaitement en droit de réclamer des dommages-intérêts à hauteur de sa commission (Civ 1ère, 27 mai 1998, no 95-14.652), sauf si les vendeurs prouvent que l'agent immobilière ne les avait à aucun moment informés de la visite des candidats acquéreurs avec lesquels ils avaient directement signé la vente (Civ 1ère, 30 janv. 1996, no 94-11.538).

En revanche, si la vente est conclue par l’intermédiaire d’une autre agence immobilière, la loi Hoguet reprend toute sa force et aucune commission n’est exigible.

 

B) Le bon de visite dans le cadre d’un mandat exclusif de vente

 

La situation est tout autre dans le cadre d’un mandat exclusif de vente.

Le mandat exclusif permet de confier la vente à un unique agent immobilier qui sera le seul à pouvoir proposer le bien sur le marché. Le propriétaire ne peut pas vendre le bien lui-même sauf  à payer la commission qu’il aurait versée à l’agent immobilier.

Seul l’agent immobilier détenteur d’un mandat exclusif est habilité à vendre le bien.

Dans ce cas, si le vendeur vend directement à un acheteur ou par l’intermédiaire d’une autre agence immobilière que son mandataire, l’interdiction de vendre par un autre intermédiaire contenue dans le bon de visite lui est opposable: l’agent pourra intenter une action contractuelle à l’encontre du vendeur pour obtenir une somme égale à la commission qu’il aurait dû percevoir.

 

En résumé, en l’absence de manoeuvres ou collusion frauduleuses, l’agence immobilière ne dispose d’aucun recours à l’encontre de l’acquéreur.

En revanche, en cas de mandat exclusif conclu avec le propriétaire du bien, l’agence dispose d’une action contractuelle, uniquement à l’encontre du vendeur si ce dernier a vendu par l’intermédiaire d’une autre agence ou directement avec un particulier.

Il apparait que le bon de visite n’a qu’une utilité en termes de preuve pour l’agent immobilier. En effet, le mandat signé entre l’agent et le vendeur stipule des exigences à respecter comme notamment le fait de tout mettre en oeuvre afin de favoriser la vente, ce qui implique nécessairement d’effectuer des visites du bien immobilier. Ainsi, le bon de visite permet à l’agent immobilier de prouver au vendeur qui lui a confié un mandat qu’il a bien fait diligence en organisant la visite du bien.