Gare aux apparences trompeuses, la direction et la gestion d’une entreprise ne sont pas toujours assurées par celui auquel on pense !
Aux premiers abords, il est plus confortable de se cacher derrière un dirigeant de droit – c’est-à-dire le dirigeant « officiel » de la société - pour gérer discrètement la société sans apparaître dans les statuts. C’est ce qu’on l’on appelle un dirigeant de fait.
Ainsi, il est possible de distinguer : d’une part le dirigeant de droit, qui possède un mandat social et est désigné par les statuts de la société pour la diriger et la représenter, et d’autre part le dirigeant de fait, qui n’est pas mandataire social et n’apparaît pas dans les statuts ni dans les organes dirigeants mais qui, en coulisses, est le véritable dirigeant. Dans ce cas, le dirigeant de droit n’est qu’un « homme de paille ».
Or, contrairement aux idées reçues, le dirigeant de fait n’est pas plus protégé par sa dissimulation. Il risque de voir engager sa responsabilité pour les fautes de gestion commises entrainant la liquidation judiciaire de la société ; et ce, au même titre que le dirigeant de droit.
Parfois même, le dirigeant de fait est plus lourdement condamné que le dirigeant de droit.
Quels sont les risques ? Tous deux peuvent se voir condamner à une faillite personnelle, à une interdiction de gérer et /ou à combler le passif de la société. Les enjeux financiers et professionnels sont donc importants pour les dirigeants.
Dès lors, entre la théorie et la pratique, il existe un fossé dans lequel bien des sociétés sont susceptibles de tomber et la chute n’en est que plus vertigineuse.
À cet égard, le rôle du dirigeant de fait au sein des entreprises est d’une importance qu’il convient de ne pas minimiser. Alors comment l’identifier ? C’est ce que le cabinet met ici en lumière.
I - Les leaders de l’ombre : les clés pour percer à jour les dirigeants de fait
Salarié, associé mais aussi conjoint, membres de la famille ou simples connaissances, les dirigeants de fait sont, la plupart du temps, des personnes physiques déjà rompues au monde des affaires et essayant de contourner les règles liées à la responsabilité des dirigeants.
Au fil des années, la jurisprudence a mis en avant, plusieurs caractéristiques permettant d’identifier le dirigeant de fait d’une entreprise.
Pour cela, il faut comprendre que celui-ci accomplit les actes de direction et de gestion de l’entreprise en toute souveraineté et indépendance. Par souveraineté, on entend celui qui est doté d’un pouvoir qui l’emporte sur tous les autres ; par indépendance, celui qui exerce le pouvoir sans être tributaire de quelqu’un d’autre.
À cet égard, il est intéressant de prendre l’exemple d’un salarié. Celui-ci peut disposer d’un poste de direction, comme un directeur technique, administratif ou financier. Cependant, en tant que salarié, il exerce ses fonctions dans un rapport de subordination : il n’est ni souverain, ni indépendant.
Le dirigeant de fait, en revanche, n’est soumis à aucune autorité lui étant supérieure.
ATTENTION toutefois : un salarié peut être un dirigeant de fait. Il agit simplement dans l’ombre et sa qualité de salarié n’est qu’un prétexte pour justifier sa présence dans la société.
Par ailleurs, de nombreuses décisions rendues par la Cour de cassation précisent que l’activité exercée par le dirigeant de fait doit être positive : l’intéressé doit s’immiscer activement dans la gestion de la société. À cet égard, les actes réalisés doivent être similaires à ceux relevant de la compétence d’un dirigeant de droit : gestion, direction, mais aussi représentation de l’entreprise.
C’est lui – et lui seul – qui prend toutes les décisions au sein de la société, qu’elles soient stratégiques, commerciales, financières ou sociales.
II- Les indices qui ne trompent pas
1- L’activité positive de direction et de gestion
La qualification de dirigeant de fait repose alors sur un faisceau d’indices accréditant son existence. Par exemple, l’accomplissement d’actes positifs de gestion, la prise de décisions importantes, la signature de contrats, l’absence de lien de subordination à l’égard du dirigeant de droit ou encore la détention de pouvoirs étendus tant sur le plan financier, technique que commercial, constituent des indices.
Ainsi, dans un arrêt du 25 janvier 2024, la Cour d’appel de Paris a pu établir l’existence d’un dirigeant de fait au sein d’une société en retenant un certain nombre d’indices démontrant son implication active au sein de la société.
En effet, l’intéressé – qui exerçait en tant que directeur technique - était impliqué tant dans la gestion des clients et des fournisseurs, que dans la gestion administrative et financière de l’entreprise, ayant accès aux documents comptables de la société et à ses moyens de paiement.
Par ailleurs, il bénéficiait de frais de représentation (voyage, restaurants gastronomiques, vêtements et accessoires de luxe, plusieurs voitures « de fonction »…) dont le dirigeant de droit lui-même ne disposait pas, ainsi qu’une rémunération près de 20 fois supérieure à lui.
En outre, c’était le dirigeant de fait qui, sans pour autant agir sous les ordres du dirigeant de droit, ouvrait quotidiennement les locaux de l’entreprise, donnait des instructions au personnel et les recrutait.
Enfin, les dépenses effectuées sur les comptes bancaires de la société, dont le dirigeant de droit s’était trouvé dans l’incapacité de justifier, témoignaient de l’activité positive de gestion de la part du directeur technique.
2- L’incarcération du dirigeant de fait : un indice supplémentaire à prendre en compte
Si les actes accomplis par un dirigeant de fait au sein d’une entreprise permettent d’établir son existence, son absence au sein de celle-ci le peut également. C’est ce qu’a mis en exergue le cabinet, dans cette affaire, pour démontrer la gérance de fait d’un dirigeant, supposé être salarié.
Dans l’arrêt précité, la Cour d’appel de Paris a pu déduire de la liquidation d’une entreprise sa gestion de fait par son directeur technique. En effet, l’incarcération de ce dernier avait eu pour conséquence l’arrêt brutal et total de toute activité, démontrant l’incapacité du dirigeant de droit à reprendre la direction de la société en l’absence de ce « salarié » et le rôle alors central qu’y jouait en réalité le directeur technique. L’absence d’activité au sein d’une entreprise à la suite de l’incarcération d’un de ses salariés peut alors être un indice de l’existence d’un dirigeant de fait.
En outre, il avait été démontré que le dirigeant de fait avait utilisé des biens de la société à titre personnel, détourné les actifs de la société, et que sa compagne y était salariée pour un emploi fictif.
La qualité de dirigeant de fait ne pourra toutefois être présumée. La charge de la preuve incombe au demandeur qui pourra la rapporter par tout moyen.
À cette fin, mon cabinet demeure disponible pour vous accompagner en cas de poursuite que vous soyez dirigeant de droit ou dirigent de fait.
Article co-rédigé par Me Margaux Sportes et Cassandre Dupierre
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