La Cour de cassation a tranché cette question dans un arrêt rendu le 12 juillet 2019 (18-20.727).

Un couple titulaire d’un bail d’habitation relevant de la loi du 6 juillet 1989 mettait son logement en sous-location sur la célèbre plateforme de location courte durée « AIRBNB ».

Le nouveau propriétaire de l’appartement, s’apercevant de la mise en sous-location de son bien, sollicitait le remboursement des sous-loyers au titre de son droit d’accession.

Ce cas d’espèce soulève plusieurs questions :

  • Les sous-loyers perçus par un locataire au titre d’une sous location constituent ils des fruits civils appartenant au propriétaire par accession ou sont-ils l’équivalent économique du droit de jouissance conféré au preneur (les locataires) ?

 

  • La réponse à la question précédente permettra de répondre à celle-ci : La sanction doit-elle être une indemnité au titre du préjudice subi par le bailleur du fait de la méconnaissance d’une interdiction contractuelle de sous-location ou le remboursement des sous-loyers perçus au bailleur ?

 

  • Enfin, le principe de l’effet relatif des contrats peut il s’appliquer aux fruits créés par un contrat liant le locataire au sous locataire pour faire obstacle à la restitution des fruits civils au propriétaire ?

 

I/ La nature des sous-loyers

 

L’article 8 de la loi du 6 juillet 1989 dispose en son alinéa 1 :

« Le locataire ne peut ni céder le contrat de location, ni sous-louer le logement sauf avec l'accord écrit du bailleur, y compris sur le prix du loyer. Le prix du loyer au mètre carré de surface habitable des locaux sous-loués ne peut excéder celui payé par le locataire principal. Le locataire transmet au sous-locataire l'autorisation écrite du bailleur et la copie du bail en cours. »

En l’espèce, le couple n’avait pas demandé l’autorisation de sous-louer au bailleur.

Dès lors, l’article 546 du Code civil s’applique pleinement. Or, cet article prévoit que :

« La propriété d'une chose soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu'elle produit, et sur ce qui s'y unit accessoirement soit naturellement, soit artificiellement.

Ce droit s'appelle "droit d'accession". »

Font l’objet du droit d’accession les fruits mentionnés à l’article 547 du Code civil, à savoir :

« Les fruits naturels ou industriels de la terre,

Les fruits civils,

Le croît des animaux, appartiennent au propriétaire par droit d'accession. »

La Cour de cassation nous renseigne sur la définition de fruits civils dans un arrêt du 29 avril 2019 (n°08-14.607). Les fruits civils sont les revenus périodiques d’un capital. Une chose est dite frugifère lorsqu’elle peut générer des revenus à son propriétaire.

Dès lors, les sous-loyers sont bien des fruits civils appartenant par nature au propriétaire du bien.

 

II/ Les limites du droit de jouissance des locataires

 

Le couple invoquait devant la Cour leur droit de jouissance sur la chose donnée à bail. Ils distinguaient nettement :

  • Le loyer, auquel le propriétaire à droit

  • Le sous-loyer qui ne serait qu’une matérialisation de leur droit de jouissance

Ce dernier argument ne pouvait évidemment pas prospérer.

La propriété possède trois attributs :

  • L’usus : le propriétaire à le droit de se servir de la chose

  • L’abusus : le propriétaire à le droit de disposer de la chose, c’est-à-dire la céder, l’abandonner, la détruire

  • Le fructus : le droit de percevoir les fruits attachés à la chose

 

Dans le cadre d’une location, seul l’usus est transmis au locataire. Le fructus ne peut être transmis que dans un cas précis, que l’on retrouve à l’article 549 du Code civil :

« Le simple possesseur ne fait les fruits siens que dans le cas où il les possède de bonne foi. Dans le cas contraire, il est tenu de restituer les produits avec la chose au propriétaire qui la revendique »

 

Or, les locataires, « simples possesseurs » n’ont pas procédé de bonne foi en s’abstenant de demander l’autorisation écrite du propriétaire de l’appartement.

Dès lors, la sanction est sévère, ils se doivent de rembourser les fruits indûment perçus.

 

III/ L’impossible application de l’effet relatif des contrats

Le couple tentait enfin d’invoquer l’effet relatif des contrats en expliquant que la sous-location ne produit d’effet qu’entre le locataire et le sous-locataire. Cet effet relatif interdirait au propriétaire de réclamer les sous-loyers puisque seul le locataire serait créancier.

Cet argument ne pouvait évidemment pas prospérer dans la mesure où aucune relation contractuelle n’est créée entre le sous-locataire et le propriétaire. Ce dernier ne demandant que le remboursement des fruits perçus par le locataire sans en avoir le droit.

 

 

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