La troisième chambre civile de la Cour de cassation a répondu à cette question par deux arrêts rendus le 16 janvier 2020 (n°18-21.895 et n°18-25.915).

 

 

 

 

 

 

 

 

I/ L'origine du questionnement : Les articles 1972 et suivants du Code civil

 

L'article 1972 du Code civil dispose que :

« Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère. ».

Les articles 1972-4-2 et 1972-4-3 du Code civil fixent quant à eux les délais :

« Les actions en responsabilité dirigées contre un sous-traitant en raison de dommages affectant un ouvrage ou des éléments d'équipement d'un ouvrage mentionnés aux articles 1792 et 1792-2 se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux et, pour les dommages affectant ceux des éléments d'équipement de l'ouvrage mentionnés à l'article 1792-3, par deux ans à compter de cette même réception. »

« En dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux. »

Il en résulte que le maître de l'ouvrage à 10 ans pour agir contre les constructeurs et sous-traitants sur un fondement décennal.

Des hésitations jurisprudentielles existaient sur le point de savoir si un tel délai de prescription existait entre coobligés à la dette. Pour être plus claire, les constructeurs pour leurs actions entre eux bénéficiaient-ils également de ce délai de 10 ans ?

 

II/ Les recours entre constructeurs ne relèvent pas de la prescription décennale

 

Pour la Cour de cassation, le constat est sans appel, le délai de prescription d'un constructeur à l'encontre d'un autre constructeur ne relèvent pas de l'article 1792-4-3 du Code civil. 

Le délai de 10 ans est réservé au Maître de l'ouvrage ou à l'acquéreur de l'ouvrage. 

Dès lors, quel délai appliquer pour les actions entres constructeurs, coobligés à la dette ? 

Aux termes des arrêts précités, la Cour de cassation juge que : 

« Le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relève des dispositions de l'article 2224 du code civil ; qu'il se prescrit donc par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ». 

 

III/ Pourquoi préférer l'application de l'article 2224 du Code civil ?

 

Cette décision peut aisément s'expliquer. 

Fixer la date de réception comme point de départ du délai de prescription de l'action d'un constructeur contre un autre constructeur pourrait avoir pour effet de priver le premier, lorsqu'il est assigné par le maître de l'ouvrage en fin de délai d'épreuve de 10 ans, de la possibilité de se retourner contre un autre constructeur.

La Cour de cassation avait déjà jugé que le point de départ du délai de l'action d'un constructeur contre un autre constructeur n'était pas la date de réception de l'ouvrage, dans un arrêt de la troisième Chambre civile, 8 février 2012 (n°11-11.417).

 

IV/ Si la réception de l'ouvrage ne peut constituer le point de départ du délai de prescription de l'action d'un constructeur contre un autre constructeur alors quel point de départ retenir ?

 

Dans un arrêt de la troisième Chambre civile du 19 mai 2016 (n°15-11.355), la Cour de cassation a jugé que l'assignation en référé-expertise délivrée par le maître de l'ouvrage à l'entrepreneur principal met en cause la responsabilité de ce dernier et constitue à ce titre, le point de départ du délai de son action récursoire à l'encontre des sous-traitants. 

Il convient donc d'être vigilant lorsqu'une expertise s'éternise et d'assigner au fond les constructeurs avant la fin du délai de 5 ans à compter de l'assignation en référé-expertise.